Rêverie d'Océane...

HRP : Ceci est la suite de La Cage Obscure. Il était grand temps que je mette quelques explications, donc pour les nouveaux venus ; les HRP sont les indications qui vous permettent de vous y retrouver, car ici, tout est rangé par lieux.

Océane gardait le parfum d'Adiel qu'elle venait d'étreindre contre elle. Quelque peu fatiguée, elle entra avec une infinie discrétion dans ses appartements.
Sa chambre était somptueuse. Une fenêtre laissait filtrer un rayon lunaire dans la pièce gorgée de silence... Des voiles de soie mauve et rose flottaient grâcieusement autour du matelas. La pierre taillée contenait cette brise glaciale qui caressait la chair d'Océane. Une commode saillait le côté gauche de la chambre. Océane s'y dirigea. Ses cheveux argentés brillèrent dans l'esquisse pâle de la lune. Elle retira un étrange carnet d'un tiroir à double fond.
Ses doigts effleurèrent la couverture, déguisée d'un ornement peint en noir. Un symbole appartenant au Royaume Souterrain. Elle laissa couler quelques pages. Une odeur de sang aspergea la pièce. Océane en éprouva un certain dégoût qui la fit frissonner. Mais elle connaissait cette odeur.La page où ses yeux se posèrent représentait une fillette aux traits angéliques qui tenait une orbe étrange entre ses mains. Une robe de dentelle la parait. Un sourire éteint marquait ses traits. Le croquis avait été exécuté au fusain. Il était difficile de deviner les couleurs.

Océane baissa les yeux dans une attitude méconnue. Une peine dissimulée l'auréola dans la pénombre de la nuit.

"Tôt ou tard, ils découvriront sans doute la vérité."

La Séraphine ôta ses atours avec une grâce sublime. Sa chevelure retomba sur ses courbes dénudées. Elle croisa le rayon lunaire qui dévoila son regard gris d'une infinie tristesse.
Enfilant une nuisette de soie couleur nacrée, elle s'engouffra dans les draps satinés qui l'attendaient.

Un murmure indistinct résonna dans la lassitude troublante qui l'envahissait. Une douce torpeur qui s'emparait d'elle... L'emmenait loin... Très loin...

Océane était alors une enfant. Cette petite fille qui tenait une peluche en forme d'ange bâclé.
Des ruines l'entouraient. Des monceaux de cadavres. Ses yeux gris azurés demeuraient impassibles. Un corps agonisant l'attrapa à la cheville.

- Pitié...

Elle n'eut pas même un regard pour lui.

- Pitié... Pitié pourquoi?...

- J'ai mal...!

- Mal...

Elle s'accroupit dans le lac ensanglanté qui baignait l'étrange contrée. Sa peluche déchirée par endroits observait le mourant. Océane esquissa un magnifique sourire.

- Etes-vous sûr d'avoir mal?

- Bien sûr petite! Sauve-moi!... Je t'en prie!

Son visage s'assombrit.

- Vous ne connaissez pas la souffrance...

Ses yeux s'étrécirent. Le bras de la victime vola.

- Ahaaaaa! Pourquoi!?... Qui es-tu donc?...

L'air inexpressif elle murmura :

- Je suis... perdue en fait. Et... vous êtes méchant. Vous et toute votre légion.

- Nous sommes des Démons, mais est-ce une raison pour nous persécuter?!...

La fillette chantonna une mélodie très douce. Le coeur du Général de cette fameuse légion explosa et tâche le visage d'Océane.

- Vous êtes méchant... Vous avez sali ma poupée...


Océane se retrouva dans un corridor aux flambeaux éteints. Couverte de sueur, haletante, les pupilles dilatés...
Non... Elle ne s'était pas endormie ici... Où était-elle?...
Elle se retrouva face à elle-même. Dumoins, la fillette qu'elle était. Océanne recula.

- Tu n'existes pas... Tu es un souvenir formaté dépourvu de réalité. Une ficton...

- Pourquoi tu t'es enfuie sans me dire au revoir?
Océane trembla. Elle reculait toujours plus. Espérant écarter ce monstre qui n'était autre qu'elle-même.

- Va-t'en!! Je te hais!!...

L'enfant versa une larme silencieuse. Ses traits figés dans une frigidité éternelle, elle s'avança avec sa peluche abîmée.

- Tu me hais?... Pourquoi?... Qu'est-ce que j'ai fait?...

Océane trembla de la tête aux pieds. Ses talons heurtèrent un cul de sac. Elle se retourna, une fenêtre donnant sur le vide encadrait sa silhouette.

- Non...

Elle regarda son double. La fillette la poussa en criant :

Je voulais juste être aimée!...

Le coeur d'Océane crépita. Des âmes errantes l'attendaient en bas.

Sursaut. Encore un rêve?...

Un pressentiment l'envahit. Elle n'était pas seule. Dans ce vide qu'était son rêve, ou alors dans cette réalité dépourvue de sens. Une présence accourait à elle... Non pas elle-même... Mais un sentiment rassurant se blottit en elle.

Une mèche obscure coula lentement sur l'épaule offerte de l'ange ensommeillée, suivie d'une cascade noire qui déferla sur elle comme une caresse. Puis un souffle se perdit dans les chevelures mêlées. Un baiser, une promesse.

- Océane...

Les lèvres de l'appelée s'entrouvrirent alors qu'elle se retournait vers son sauveur, mais un doigt malicieux les clôtura, accompagné d'un sourire enchanteur. Son nom resterait muet. L'ombre se sépara de la lune, pour mieux la regarder.
Une lueur violacée et douce se lisait sous les paupières à demi-fermées, un soupir.

- Ne souffre pas seule. Ne me renie pas...

Une main tendre et chaleureuse s'avança pour saisir l'aventureuse qui voulait explorer son anatomie.

- Je suis un sanctuaire, tu es une clé. Crois-tu pouvoir réussir à entrer ?

Les lèvres sombres du beau parleur frôlèrent la peau de la jeune femme, qui ne demandait qu'à se perdre dans la profondeur de son regard. Mais il ne lui donnait pour obole qu'un iris barré de cils coupables.
La place fut pourtant libérée, et tandis que le papillon se dégageait de la tiédeur du corps pour offrir plus amplement ses couleurs à l'ange charmée, ses yeux définitivement clos la scrutaient, observant son cœur pour obtenir la vérité.

- Toi qui es troublée par ma seule présence, toi qui est aveuglée par tes désirs, es-tu prête à entendre la requête d'un rêveur prisonnier ?

Buvant la moindre parole du Gardien des Âmes, la servante captivée avait déjà répondu. D'un hochement de tête silencieux précédé par le bruit de son cœur qui battait pour lui, elle acceptait sans condition.

Le miroir d'eau se brisa, l'ange au torse attirant portait dans ses bras la soumise, volant avec elle au dessus d'une ville humaine. Devant l'incompréhension de sa captive, il lui adressa son sourire et ses mots.

- Si tu as envie, un jour, de voyager ainsi avec moi, dis-toi qu'il n'y a rien de plus simple que d'ouvrir la bouche...

Cette phrase n'avait pas de sens que pour cette envolée, les sentiments exacerbés devaient toujours être révélés... Les yeux du bel se plissèrent, la servante de l'eau garderait ce sous-entendu en mémoire... bien plus que le reste.

L'ange aux ailes féériques relâcha sa prise, laissant flotter le corps entouré de vapeurs à son côté, lié par une petite main serrée étroitement sur la sienne. Son sourire était son guide, elle le suivait avec bonheur.
Ils descendaient. Elle se vit toucher le pavé que la seule présence de son compagnon rendait accueillant. Ils se trouvaient dans une ruelle désertée. Un visage s'y montra bientôt. Un jeune homme blond aux habits royaux y marchait, l'air hébété et perdu. Il fut rejoint sans tarder par un autre être, la chevelure plus claire et les oreilles pointues. Ce dernier secoua son ami, comme pour le réveiller. Mais l'humain perdu dans ses pensées ne l'écoutait pas, et continuait son chemin, comme si de rien était. Alors l'Elfe se tourna vers elle, et la reconnut. Un sourire éclaira son visage inquiet, il se dirigea vers elle. Ses lèvres s'ouvrirent sur un son muet, son nom.

- Tu es Färvien.

Les paroles traduites par son ange n'avaient aucune signification. Elle tourna son visage vers le doux rêveur, le décor disparut. L'Elfe était encore devait elle.

- Garde ceci en toi.

Des yeux verts... Comme les profondeurs marines qu'elle chérissait. Un regard vif et mélancolique... Seul et triste...

- Je t'en prie... Trouve-le pour moi.

De retour dans la chambre vaguement éclairée, sur le toucher soyeux des draperies délicates, son ange était allongé à côté d'elle, contre elle. Ses cheveux de jais aux reflets ternis chatouillaient sa joue. Le visage au creux de son épaule, de l'eau gouttait avec pudeur sur son cou.

- Je t'en prie...

Sur cette dernière note teintée de désespoir, le papillon s'envola, sa voix s'effrita, le rêve voué à se dissiper.

- Réveillez-moi.

Les yeux aux reflets d'azur s'ouvrirent dans la pénombre, avec une pensée claire et légère comme les écailles multicolores qui l'avaient enlacée, la conclusion de son rêve : Tu es mon espoir...

HRP : Suite de La Cité Céleste (La Tour des Anges)

Dans une rêverie qui la murait dans un désespoir sans fond, Océane se perdait peu à peu dans ses songes alors que Gabrielle l'amenait vers Tyllen.
Faisant mine d'observer le paysage alentour, elle se replia dans ses pensées ténébreuses...

Désormais avec cette apparence masculine, Océane fit face à cette enfant qui tenait cette poupée usée par le temps et le drame. Une brume argentée flotta dans cet espace crée de toutes pièces.
Cette enfant... elle-même... Cette partie sombre qu'elle ne pouvait concevoir.

"Tu crois qu'en ayant cette apparence tu peux me fuir?..."

Océane ferma les yeux. Elle sentait son propre regard sur elle. Ces yeux d'acier qui tranchaient sa chair avec une habileté assassine.

"Pourquoi?... Pourquoi tu ne me laisses pas en paix?...!"

"Mais tu le sais bien voyons."

La brume la fit suffoquer. Que se passait-il?... Elle le savait elle-même? Oui... C'était évident. Ce monstre en face d'elle... Cette chose dégoûtante... ce corps frêle... Privé de défense...
Elle eut un hoquet. Pourquoi pensait-elle cela?...
L'enfant la dévisagea avec une terreur troublante.

"Je suis répugnante!?..."

Océane recula alors que cette chose versait des larmes de sang sur ses joues creusées par la détresse.

"Minriel..."

Ce nom... C'était celui de cette enfant. Pas le sien voyons.

"Je suis Océane. C'est toi Minriel."

Minriel serra sa poupée ridicule contre elle. Ses vêtements de noble étaient d'une finesse trop aristocratique pour sa carrure.

"Tu veux t'échapper..."

Océane sentit son coeur se tordre dans sa poitrine méconnue. Elle songeait à Adiel.

"Ne souffre pas seule. Ne me renie pas...

Sa beauté...

"Tu es mon espoir..."

Tant qu'il serait là...Tout irait bien... N'est-ce pas? Gabrielle venait de la trahir. Elle avait joué le jeu à la perfection. Pardonner elle?... certainement pas. Elle réservait un plan funeste à cette traîtresse qui n'était qu'un outil parmi ses ambitions silencieuses et implaccables.

Minriel s'accroupit et murmura :

"Je suis aussi venue pour te prévenir. IL est à ta recherche."

Océane fixa l'enfant.

"Oui. Dans Tyllen il fera tout pour nous retrouver."

La respiration d'Océane accéléra. Son coeur adopta un rythme anxieux. Evidemment, elle ne ferait pas le poids. En espérant qu'il ne la dénicherait jamais... Vite... Qu'elle accomplisse sa besogne et qu'elle reparte... Qu'elle fuit... encore...

Elle sortit d'elle-même pour poser la pointe de son pied dans Tyllen. Un sourire intérieur nappait les lèvres du faux Prince Färvien.

HRP : Suite d'Un Prince vaut mieux que deux tu l'auras / La Renaissance du Phénix

Dans les égouts de Tylen, alors qu'Océane venait de dégobiller un liquide putride sur le porteur qui la traînait vraisemblablement dans les profondeurs méconnues des corridors ; des rêves l'assaillirent.

Azrael... son sourire réjouit. "Elle" l'avait pourtant prévenue. Était-elle inconsciente au point de périr pour l'avoir ignorée?... Pourquoi l'avait-il épargné au final?... Et, ce samouraï, Sigma d'après sa mémoire ; que lui était arrivé? Plus loin, elle avait pu voir des visages qui ne lui disaient rien, entrer dans des combats effrénés peu avant qu'elle subisse cette... léthargie.

Le parfum subtil d'Adiel lui revint en mémoire. Elle regretta sa présence en cet instant.
Il appartenait aux rêves. Contrairement à elle. À quoi songeait-il?...
Un faible sourire releva la commissure de ses lèvres. Elle espérait rêver elle aussi. Oublier la venue de cet ange noir qui l'avait terrorisée. Oublier sa carcasse que l'on trimballait dans des ténèbres toujours plus denses,toujours plus mal odorantes.

"- Bien! Ne compte pas sur Adiel pour te libérer de toi-même. Il est temps de discuter posément veux-tu?"

Les mots résonnèrent, implacables. Pourquoi avait-il fallu qu'il la retrouve?...Sans même la pister qui plus est. Leur échange fut trop court, mais suffisant pour qu'il expose sa requête. Une violence sauvage la convulsa.
Elle haleta, il fallait qu'elle se calme, qu'elle repousse ce fatras de souvenirs inutiles...!

Rêvait-elle?... la fillette qu'elle voyait trop souvent à son goût marchait à côté d'elle.
Alors là ç'en était trop! On l'avait lovée dans un corps d'homme pour la satisfaction de Gabrielle, choquée jusqu'à la moelle par Azrael, kidnappée par des ombres pour une lubie quelqconque et... en plus il fallait qu' "elle" soit là!!...
les iris argent sombre de l'enfant se tournèrent vers elle, comme répondant à ses pensées.

"Ce n'est pas terminé Minriel."

Quoi?... Quelle était cette frasque? Intérieurement Océane se promit une chose, ne plus jamais porter de jaune jonquille! C'était sûrement la couleur de la poisse ; il n'y avait qu'un abruti de Prince pour porter une telle fragrance.
Ironie du sort, la fillette était encore là et ne comptait pas partir apparemment. Devait-elle la chasser?... Lui parler? Elle n'avait plus la force ni l'envie. Cette chose abjecte pouvait la protéger. Autant ne pas l'irriter. Personne ne la sauverait à part "elle".
Elle en était convaincue. Et que dirait-elle à sa maîtresse en rentrant... Elle fit une grimace, oui si elle rentrait...
L'enfant parut s'en amuser.

"Pourtant tu peux les détruire."

Oui elle le pouvait. Les bribes de cadavres entassés sous la plante de ses pieds l'accablèrent... Les iris du faux Prince Färvien virèrent à l'argent un instant. Puis réitérèrent leur teinte mielleuse naturelle.

"Hihihi! Ca ne va pas Minriel?"

"Cesse de m'appeler ainsi. Je ne dois pas les détruire. Ce serait compromettant. J'ignore qui ils sont qui plus est."

La silhouette fantomatique d'un souvenir très présent se profila devant ses yeux ombragés. Gabrielle l'ensorceleuse. Comme par magie dans sa main, se trouvait maintenant le jumeau de l’orbe souverain.

« Ceci est un artefact facile à transporter, qui permet en quelques mots de pouvoir communiquer avec moi sans défauts… »

-« Il suffit de vous mettre à l’écarts des oreilles et des murs, et d’un seul hélant, déclarer d’un ton sûr… »

Elle toussa élégamment, avant de pouvoir enchainer librement.

-« Boule de cristal magique, orbe des maléfices, que mon être communique avec l’archange Gabrielle ! »

Oui, l'orbe... Elle pouvait la sortir de là. Non, sa rancoeur était trop présente. Gabrielle devait payer et...
Une porte sembla s'ouvrir dans son inconscient. Enfant, elle pouvait passer partout facilement. Ses cheveux argent tombaient au dessus de ses épaules évasivement. Parée d'atours trop onéreux pour son âge. Les couloirs de pierre sombre donnaient sur les cuisines. Minriel serrait une poupée usée dans ses bras chétifs.
On parlait à l'intérieur. Elle entrebâilla la porte.

" - Tu as entendu? Gabrielle aurait perdu l'estime de ses aînés?"

Des marmitons.

" - Oui, de Chérubin elle aurait été déchue au rang d'Archange. Va savoir pourquoi."

" - Le Planétérin étouffe sûrement l'affaire. Elle a du faire quelque chose de grave."

" - Ca n'empêche pas qu'elle est si... oh! - il fit un jeu théâtral - Une beauté renversante!!"

Le supérieur lui flanqua une taloche amicale.

" - Une croqueuse d'hommes. Finis ton travail avant que les Berguil nous tombent dessus!"

Ils se rendirent compte qu'ils n'étaient pas seuls.

" - Minriël... Votre Altesse...!"

Ils s'empourprèrent. La petite les regarda indifférente. Pire encore. Vide.

" - Vous euh... cherchez quelque chose?..."

Vite qu'ils s'en débarassent. "Cette fillette ne nous apporte que des ennuis quand elle est à proximité." "Les gens racontent qu'elle est maudite. C'est un monstre. Qu'est-ce qu'elle attend, plantée là comme une pauvre courge? Saleté, elle ne vaut pas mieux que ses parents. Elle mérite bien cette existence pourrie, bien fait!"
Des pensées si limpides... Les yeux d'un gris pareil à la pluie chagrinée, Minriel serra d'avantage sa poupée martyre et tourna les talons.

"Tu patauges dans ta bile je crois."

Un nouveau haut le cœur. Océane vomit un peu de sang avec le peu de nourriture qu'il lui restait. Sale gamine! Elle ne pouvait pas se taire?!... remarque, elle revenait au présent grâce à elle.
L'enfant guetta quelque chose qui échappa à Océane. Le lieu de destination devait être tout proche...

(HRP : Suite du post des égoûts de Tylen)

Une chute. Dans des salves marines. Un parfum familier.
Océane laissa son corps sombrer dans ce... rêve? Bras repliés en une prière éteinte. Larmes d'argent sur sa peau pâlie salie.

"- Adiel... Adiel... A l'aide..."

Sa descente se poursuivait. Bulles ténébreuses à l'intérieur d'elle-même.

"- Adiel... Adiel..."

Elle ne cessait de psalmodier son nom, comme une naufragée espérant son secours.

Puis... un battement d'ailes l'obligea à ouvrir ses iris hagardes. Adiel?... Ses ailes de papillon éphémère, son teint bruni, ses yeux améthystes, cette chevelure majestueuse qui chutait en cascades noires...

Adiel papillona, aérien, avant de s'approcher de sa démarche grâcile. La servante de Gabrielle se sentie envahie par cet amour brûlant. Lien qu'elle chérissait au détriment de tout le reste. Il venait pour elle. Pour la sauver, elle. Une joie sans pareille déborda du trou béant qui faisait office de coeur. Lambeaux sentimentaux de son ultime espoir.
L'ange des songes l'enserra contre lui. Un contact si vrai qu'Océane enfouit son visage au creux de son cou avec passion. Si proche, si réel... ça ne pouvait qu'être la vérité. Elle rêvait sûrement en cet instant. Préférant ignorer où se tenait son corps, loin de toute douleur immonde.
Adiel murmura :

"- Océane... Tiens bon... Je peux calmer ta douleur... si tu me fais confiance."

Océane ne voyait que lui. Se détachait de son physique, toujours plus intensément. Comme si sa vie physique n'avait jamais eu lieu. L'Ange des Songes enveloppait sa compagne d'un cocon de paix et de quiétude, ne pouvant agir sur son corps secoué. Il la berçait de douceur, créant pour elle un monde harmonique, où résonnait les meilleurs sentiments, ses plus beaux souvenirs...

"Minriel ramassait des châtaignes. Panier d'osier au coude. Une femme marchait à côté d'elle. Capuchonnée d'un violet obscur. Les feuilles d'érable se détachaient de leurs branches mourantes. La fillette leva ses grands yeux clairs vers elle, à la recherche... d'un sourire?...
La dame l'ignora un long moment. Puis, agacée par ce regard insistant, s'efforça de sourire.
Une femme splendide. Des cheveux argent soyeux s'échappaient de son capuchon en mèches rebelles qui se jouaient de la brise automnale. Ses yeux améthystes restèrent gravés dans l'esprit de sa fille, Minriel, qui l'adulait par-dessus tout.

"- Minriël..."

"- Oui, mère?"

La dame rangea une mèche lunaire qui obstruait son champ de vision.

"- Je n'aime pas quand tu me regardes ainsi."

"- Pardon Mère..."

L'enfant rougit et baissa les yeux. La femme sourit de meilleur gré.

"- Voilà qui est mieux. Je n'aime pas tes yeux tu sais. La même couleur que celle de ton père. Ce regard gelé... froid et dénué de tous sentiments..."

"- Vous n'aimez pas Père?..."

"- Allons quelle question!... Bien sûr que si voyons...!"

Les cieux se tâchèrent de pastelle sombre. La dame se frotta les bras, apparemment elle avait froid. Un orage surplantait l'horizon. Foudre rugissante masquée par des palettes dorés, évoquant les ballades harmonieuses de temps heureux. Mais ce temps n'était pas heureux. N'est-ce pas?...
Minriel se figea. Des voix chuchotaient dans une langue étrangère. Ses iris brillèrent d'une lueur inquiétante. Un boudonnement claqua ses tympans. Tous les bruits s'amplifièrent. Le mouvement des feuilles happées dans le vent, les pas des rongeurs alentours, les molécules qui traversaient l'espace... Le temps sembla se staser.
Minriel sentait sa tête se gonfler.
Une pluie fine coula sur son fin minoi. L'eau semblait amplifier ses sensations. Les voix se condansèrent, Minriel plaqua ses petites paumes sur ses oreilles en tombant à genoux. Son panier de châtaignes se déversa sur le sol humide.

" Monstre... j'ai engendré un monstre..." La voix mentale de sa mère. Son regard qu'elle aimait tant qui la dévisageait avec dégoût.

"- Nooooon!! Je ne suis pas un Monstre!!!..."

"- Qu'est-ce qui te prend voyons?..."

"Monstre... je la hais... Elle aurait mieux fait de ne jamais voir le jour!...Fille du Diable!... J'ai enfanté un Monstre!!"

Le ruban bleuté de l'infante fut secoué avec ses jupes dans une bourrasque déchirante."

Adiel chassa la suite du songe. Ainsi c'était un bon souvenir pour Océane. Sûrement ce sourire en coin contrit. Il ne put s'empêcher de faire le rapprochement entre son regard et celui de sa mère.

"- Je suis désolé... C'est mon seul pouvoir..."

Océane trembla un court instant. Quelque chose souhaitait remonter à la surface. Elle s'aggripa à Adiel avec force.

"- Adiel... tu te rappelles de ce que je t'avais dit?... Concernant le Planétérin?"

"- Cela remonte à ton arrivée au service de Gabrielle. Je m'en rappelle bien sûr."

"- Cette Orbe est dissimulée avec toi. Que se passera-t-il si quelqu'un la trouve?... Je veillais chaque nuit qu'elle soit toujours là. Mais me voilà loin de ton corps."

"L'Orbe que tient Gabrielle, enfant, dans ton Carnet à Croquis. N'ais crainte, personne ne vient me visiter à part vous deux. Depuis le temps qu'elle m'a plongé dans cette léthargie, elle n'a toujours rien remarqué."

Océane soupira, quelque peu soulagée. Soulagement très bref, car tout se fractura soudainement.
Minriel apparut et toisa Adiel. Des larmes sanglantes peignaient ses joues.

"- Tout ça c'est de ta faute!! Pourquoi la faire espérer? La faire croire? Pour mieux la détruire?! - elle secoua la tête - Je te déteste!! JE TE HAIS!!!"

Un néant sépara Océane d'Adiel et elle cria, déplorant déjà son départ.
Minriel la prit par la main. L'emmenant toujours plus bas, alors qu'Océane dressait son bras dans la direction de son aimé ; comme pour retarder cette séparation.

Un déclin...
Des ténèbres bien plus inquiétantes régnaient en maîtresses en ces lieux.
Minriel lâcha sa main et s'accroupit.

"- Il me reste très peu de temps. Je n'aurais sans doute pas du tenter de me matérialiser. Mais, je voulais te sauver... tu comprends?..."

Océane chavira. de quoi parlait-elle?

"-Minriel?..."

"- Je vais disparaître. Tu ne m'as jamais aimée de toute façon... Pauvre Minriel, enfermée dans le cachot de ses souffrances..."

Océane s'assit sur ses talons.

"-C'est pour me dire ça que tu m'as éloigné d'Adiel?"

"-Oui. Je voulais te dire adieu. - elle sanglota de nouveau, tâchant de sang ses atours de dentelle - L'impact que j'ai reçu est trop violent pour une forme éthérique comme la mienne. Comme je ne peux me rétablir dans ton inconscient car tu me rejettes et que tu t'es scellée il y a longtemps... je vais... partir."

La servante se permit d'effleurer le dos de l'enfant. Cette dernière se cambra comme attendant de recevoir un coup. Océane retira sa main. Une larme gelée se déversa de sa paupière droite.
En fait, n'était-ce pas plutôt elle qui était abjecte de la délaisser...? De renier tout ce qu'elle était?...
Elle pencha la tête pour cacher sa honte noyée de tristesse sous sa chevelure argent. Les ombres masquaient sa peine au regard de tous. Sauf à elle-même. Minriel releva son minoi sali et lui accorda un regard empreint de compassion. Elle hésita, puis caressa sa joue.

"- Nous serons mieux sans moi. Crois-moi. Je vais faire ce que j'aurais du faire il y a longtemps, mais que j'ai toujours repoussé, car je t'aime, Minriel..."

Océane serra cette main bien réelle entre ses paumes, tout en la gardant contre sa peau, comme pour se prouver qu'elle ne rêvait pas.

"- Où vas-tu aller?..."

"- Je ne peux te le dire. Seul un puissant Mage le devinera si il s'intéresse à moi. Je dois aussi te prévenir d'une chose..."

L'air grave de la fillette lui intima que c'était très sérieux.

"- En te quittant, j'emporte tes souvenirs. C'est le prix à payer. Et il est dérisoire, tu vivras tellement mieux... tu verras."

Océane se figea.

"- Oublier?..."

Elle hocha la tête.

"- Oui, oublier. Dumoins le plus important. Tu oublieras tout jusqu'à ton arrivée chez Gabrielle. Tu tiens vraiment à Adiel, pas vrai?"

Océane rougit.

"- Enormément."

Minriel sourit de façon radieuse. Océane ne se souvenait pas avoir jamais souri de cette manière.

"- Dans ce cas je te laisse tes bribes d'amour. Je t'en prie, aime-le. mais promets-moi de ne pas en souffir. Tu le promets hein?..."

Ses yeux se voilèrent de chagrin. savait-elle quelque chose qu'Océane ignorait?... La servante lui rendit faiblement son sourire.

"-Je te le promets."

Minriel tenta de croire en ces mots. S'y aggripa fermement sans chercher à penser au futur. Elle ferma les yeux et se mit à luire.

"- Ils ne vont plus tarder maintenant. Prends soin de toi, Minriel, enfin Océane."

"- Attends, comment te chercherai-je si j'oublie notre existence?..."

"- C'est inutile. Je t'aime. J'emporte ta croix avec moi. J'espère que tu ne souffriras plus. Plus jamais."

Océane resta sans voix, les yeux embués de larmes. Son moi partait. Une brume bleue s'étiolait en mouvements erratiques. Elle plaqua ses paumes à terre, en ressentant déjà une douleur qu'elle n'avait jusque-là pas éprouvée.
Minriel se déversait dans un ailleurs lointain, et une nausée intense la secoua. Le sol se dérobait sous ses pieds. On l'appelait. Quelque chose l'attirait. Dans ce nouveau présent. Cette nouvelle vie.
La souffrante perçut des crampes dans sa cage thoracique, son coeur et son visage tuméfié. Elle était en train de réitérer son corps...

"- Minriel..."

C'est tout ce qu'elle put articuler avant d'être happée.