Découverte

Quelle immensité... V'lin restait pantois devant la hauteur des plafonds... Son homologue devait certainement pouvoir voler tout son saoûl, sans même sortir du bâtiment ! Il devait bien s'y attendre, c'était un château royal... Réalisant qu'il ne serait certainement pas de bon ton de rester immobile devant la porte, le demi-ange fit quelques pas, prenant son temps pour avancer. Il avait peur de se perdre ! A son grand soulagement, un maître d'hôtel l'aborda rapidement, avec une familiarité certaine, qui fit pourtant tiquer le nouveau venu.

- Sire Evanescent ! Vous êtes rentré !

Un peu plus, et V'lin s'attendait à une tape dans le dos. Heureusement, cela ne semblait pas être le genre de la maison. L'homme marcha à côté de lui, donnant des nouvelles du château et de sa protégée. L'ange se garda bien de l'interrompre, le bavardage du domestique lui fournissait de sérieux renseignements.

- Malheureusement, la princesse ne pourra vous recevoir, elle est partie en voyage...

A ce moment, le majordome s'arrêta, et lorgna sous la capuche.

- Vous allez bien ? Vous me semblez pâle...
- C'est le voyage...

En restant évasif, V'lin espérait couper court la conversation, mais cela ne fit que renforcer l'inquiétude de l'homme paternaliste.

- Vous êtes fatigué ? Et vos compagnons ? Vont-ils bien ? Vous suivent-ils ?
- ...

Que répondre à tout cela... Le maître d'hôtel le harcelait de questions, auxquelles le chevalier ne pouvait guère répondre. Et, devant son silence, l'homme finit par remarquer une chose étrange.

- D'où vous vient cette arme ?

Le domestique observait avec une curiosité justifiée, que V'lin trouvait pourtant malsaine, la lance attachée dans son dos. Il haussa les épaules.

- Je l'ai ramenée de Tylen.

Cela avait peut-être été une erreur. L'ange vit son interlocuteur se braquer légèrement, les sourcils hésitant à se hausser ou se froncer.

- Et votre larme ?
- Ma quoi ?

Là, le guerrier était complètement déboussolé. Il ignorait totalement de quoi l'autre voulait parler.

- Votre épée.

V'lin se crispa à cette réponse. Il avait toujours refusé de manier l'épée. C'est viscéral, cette idée le révulsait. Etait-ce son instinct qui l'avait poussé à prévoir ce jour ?

*T'es mal barré...*
*Toi, Saphyr, tais-toi.*
*C'est mon nouveau nom ? Ca me plaît...*

Le demi-ange sentit quelque chose lui chatouiller l'oreille, comme si le dragon lui mordillait le lobe. Mais c'était tout bonnement...

*Impossible ? Vraiment ?*

V'lin sortit avec lenteur ses doigts graciles de sa manche, pour se masser l'arrête du nez. Avec tout ce qu'il avait vu à propos de ce... ce quoi déjà ? Autant l'appeler pour ce qu'il était : ce dragon... Il pouvait difficilement douter que ce dernier lui réservait encore quelques surprises... Si en plus il se mettait à se faire l'écho de ses pensées...

- Messire Evanescent ? Vous allez bien ?

Cette torpeur... Le faux prêtre releva les yeux avec une doucereuse indolence, comme si ce simple geste était douloureux. Le maître d'hôtel était réellement inquiet. En même temps, il y avait de quoi. Je sais que je suis fou, mais il y a des limites ! Mais il le savait, il avait déjà accepté cette bête étrange dans sa vie et dans son esprit, comme si elle en avait toujours fait partie. Ce qui était certainement le cas, d'ailleurs.

- Ca... va... Vous pouvez juste me conduire à mes appartements ?

Le majordome le regarda avec une retenue méfiante, que V'lin entreprit aussitôt de dissiper en un rire nerveux.

- Avec le voyage, je suis un peu désorienté... J'aurais peur de me perdre.

La fatigue semblant excuser le comportement quelque peu étrange de l'ange, le maître d'hôtel hocha sobrement la tête. Il semblait avoir décidé, également, que laisser une personne sur le point de s'effondrer seule n'était pas une bonne idée... Le voyageur dit épuisé suivit donc son hôte.

Poupée n°6 bis : Sonnez mâtine.
[HRP : les post bis se situent avant les post vierges, mais dans l’ignorance de leurs nombres, le décalage s'effectuera à leurs fins.]

Alors qu’elle pensait sortir des griffes de Gwendoline, le chaperon blanc de se rendre pieusement à l’église, accompagné pour sa gouverne, souriante d’une foi fraiche et pure comme sa peau savamment apprêtée, pour prier, mariée à la sainteté feinte.
Son petit missel dans ces mains joliment croisée, son visage s’étira d’un large sourire éclatant, lorsqu’elle aperçut le frère Evanescent accompagné par un domestique, plusieurs mètres devant elle.
Et c’est sans demander permission, qu’elle sortit de son hypnose polie, pour venir à sa distance, et après une courte révérence, sans le moindre effort.

-« Mon Frère, ravie de vous revoir parmi nous… »

Gwendoline d’arriver en souffletant, d’avoir due presser le pas lourd, et comme pour l’excuser, alors que Cascendre le dévorait des yeux avec envie.

-« Pardonnez-la frère Evanescent, elle était si impatiente d’écouter à nouveau… vos sermons ! »

Insupportable démon souriant.

-« Ce n’est pas que le Père De Martel m’ennuyait, mais il n’a pas votre éloquence, ni votre lumière, au prêche des matines ! »
-« Cascendre ! »

Elle ne dépérissait pas de son sourire, et semblait regarder par moment au dessus de son épaule.
Le majordome voulait déjà les désillusionner sur la trop grande fatigue de frère, mais le prêtre d’Ilo aurait t’il à cœur de briser ce sourire curieux...

Quelqu'un l'avait reconnu. Enfin, "reconnu"... C'était un bien grand mot. Une voix enfantine l'avait interpelé, le confondant pour le prêtre qu'il était sensé être. Avec une lenteur mesurée, l'ange se tourna vers l'importune. Son corps de biais par rapport à la fillette arrivée dans son dos, il pouvait l'observer aisément, en toute dignité.

Une angelotte... Non, une poupée. Une poupée de porcelaine. Telle fut la première impression que V'lin retint de la gamine. Le même genre de poupées fines qui trainent sur les étagères de fétichistes, attendant seulement d'être regardées. De grands yeux ouverts, brillants et émerveillés, un sourire à faire fondre la plus froide des reines de glace. Une intelligence redoutable, une hypocrisie à la hauteur de celle des adultes... Etait-elle vraiment une enfant ? Le chevalier l'avait senti. Non une faiblesse, mais une force. Dangereuse. Ainsi la percevait-il. Mais au fond, ne jouaient-ils pas au même jeu ?
Le véritable Evanescent devait détester cette gamine, s'il avait perçu la nature de ses pensées. A moins que son dieu ne lui impose l'amour absolu à autrui, sans condition. Ou était-il aussi aveugle que la gouvernante qui courrait telle un chien derrière sa protégée ? Dans tous les cas, lui-même pourrait bien s'entendre avec elle. Elle était maligne, son masque ne tiendrait pas longtemps à ses yeux. Alors autant envisager de s'en faire une alliée. Elle ne se laisserait pas manipuler, et c'était cet enjeu qui motivait le faussaire. Cette récréation n'en serait que plus plaisante.

*Un jeu... T'es un vrai gamin !*

Peut-être bien qu'il l'était oui. Moi, ça ne me déplaît pas. C'était hasardeux et existant, pour rien au monde V'lin ne voulait passer à côté de cette chance. Et si cette poupée l'accompagnait dans sa danse...

De cette même prudence calculée, le demi-ange se tourna complètement vers l'enfant. Seul son regard vert était visible sous la capuche, un peu plus explicite pour la gamine qui le voyait d'en bas.

- Aurais-tu le moindre péché à confesser, mon enfant ?

La-dite Cascendre put voir un léger sourire éclairer le visage dissimulé derrière ses boniments. Le prêtre fit doucement pivoter ses voiles, pour reprendre la marche vers sa destination finale.

- Viens me voir tout à l'heure, je t'accueillerai à bras ouverts.

Un sermon. Et puis quoi encore ? Si cette fillette était sa seule élève, le catéchisme serait grandement facilité. Dans le cas contraire... il allait devoir se porter pâle pour ne pas se trahir trop tôt...

Une manche secouée avec paresse fit gentiment entendre au majordome qu'ils pouvaient continuer. V'lin attendait avec une certaine appréhension de découvrir ce que la suite lui réservait...

Poupée 7 bis : Célébration.

Son cœur de poupée était en joie, pourtant le frère ne voulait pas assurer la messe matinale.
Elle ne piqua pas de crise insupportable d’immaturité, hystérie précoce ; juste son sourire se fit moins malicieux.
Maintenant qu’elle devrait l’attendre jusqu’à confesse, sa gouvernante une main potelée sur son épaule gauche hésitante et balancée, elle sut se contenter d’opiner du chef, alors que son corps semblait dire dans ces oscillations de gauche à droites minuscules, le contraire.

-« Très bien, à tout à l’heure donc ! »

Elle entra dans le repère du prêtre à l’aile unique pièce d’aumône, son missel posé sur ces jolie genoux, elle assise écoutant discrète à mesure que le Père De Martel de sa chaire en bois, faisait son sermon moralisateur.
Ilo est décidément un dieu bien compliqué, mais pour une jeune fille modèle, le péché n’était jamais loin, dentelles mauves et roses marques-pages.
Elle ne se retourna pas lorsque le prêtre en capuche dut passer par l’arrière du cloître-chapelle, afin de rejoindre ces appartements privés.
Les fideles murmuraient pourtant, satisfait de revoir le « jeune » frère au château, pourtant ce fut encore le visage croutonné de l’elfe qui les rappela à l’ordre en haussant le ton.
Cascendre écoutait à moitié, le vieux prélat amis du cardinal Richter Domenicalli, rendait compte pour la énième fois du danger des cultes sombres et plumeux, faisant ainsi référence à la secte de la phalange.
Dans la tête de la jeune fille, il n’y avait pas de place pour des oiseaux, mais les battements de cœurs qui avait soulevé sa jeune poitrine enfantine en voyant Evanescent, la gardèrent jusqu’à la fin de la célébration.
Elle avala la bouche bien ouverte, l’Ostie, puis se sigma d’une croix couchée comme le voulait le culte, en appuyant plus posément sur les deux branches qui s’arrêtèrent fictives sur ces seins ; la messe était dite….