Reveil matin.

*Ahh mais je vais où? Je fais quoi? Zut.. Ah ... AHH !*

La princesse venait de jaillir de la bibliothèque principale et courrait dans le couloir vers le hall d’entrée.
On pouvait lire sur son visage comme dans un livre ouvert, ses yeux expressifs s’ouvraient, se refermaient pour dévoiler ses pensées chamboulées par la découverte quelle venait de faire. Kuru aurait pu passer pour un petit animal perdu et apeuré, ayant cependant assez de force pour aller de l’avant. Traversant les couloirs à toute vitesse elle se prit les pieds dans le sol fraichement nettoyé et glissa sur plusieurs mètres. [Wheeeeeeee~] La chute devenant un de ses points de prédilection, elle se releva gracieusement en s’agrippant à la rambarde de marbre qui flanquait le grand escalier. Quelle maîtrise !

« Pfiou... » fit le petit soupir de soulagement. Malgré une maitrise incontestée de la glisse, le coeur de la jeune femme battait la chamade. Le major d’homme vint à sa rencontre. Il était déjà habillé mais ses petits yeux persans derrière de fines lunettes en demi-lunes trahissaient un manque de sommeil. Kuru le remercia, un peu gênée, souffla un coup et alors que l’homme s’éloignait, elle reprit sa course folle en grimpant les escaliers....

Pendant ce temps, dans sa chambre froide et encore plongée dans la pénombre, Evanescent dormait.
Le contact du tissu sur sa peau lui causant des insomnies chroniques, il avait pour habitude de toujours dormir dévêtu sous un fin voile de soie nacrée.

Il avait la joue posée sur un traversin fait d’une étoffe mêlant un tissu couleur crème et des entrelacs d’or brodés. Le petit jour se faisait taquin, perçant ça et la les fines ouvertures aux coin des fenêtres. Réchauffant peu a peu l’atmosphère, le soleil venait caresser l’aile unique de l’ange endormi. Celle-ci était dépliée pendant son sommeil et oscillait telle une horloge bien réglée, berçant son propriétaire dans le pays des rêves.

« mhmm gnn.. non... pas là... »

Il se retourna dans son lit et laissa rechaper ce qui semblait être un ronflement.

« ... mais non.. roonflll... les livres de plus de 3 cm d’épaisseur..... c’est sur l’autre étagère... ggmmhmm »

Ses longs cheveux d’argent épousaient délicatement les courbes de ses épaules, de son dos. Au mur, plusieurs tapisseries dont une un peu exotique venant probablement de Bombay.. ou d’une de ces contrées reculées du Bengale. A coté du lit, une petite commode sur laquelle reposaient quelques fioles [dont une de liqueur de Chartreuse !] qui vacillèrent quand retentit un grand BOOUUM ! à l’extérieur. Puis un petit *flop* derrière la porte. Evanescent redressa la tête spontanément, un peu hagard, ses cheveux tout en bataille retombant sur son torse.

« Hein ?» marmonna-t-il.

La porte s’ouvrit doucement et grinça, le peu de lumière dans la pièce contrastait avec la lueur dans le couloir. Et dans cette lumière se découpait une forme.. semi-elfique ? agenouillée, les cheveux tombants, une main sur la poignée de porte et l’autre se tenant la tête. Elle semblait ramper vers l’intérieur lentement.

« Aaaahh !!! » fit Evan, croyant voir un revenant.

Quand elle releva la figure, il reconnut sa protégée, sonnée de s’être mangé la porte de plein fouet quelques instants plus tôt.


*Combien de fois faudra-t-il que je me le répète.. cette porte s'ouvre vers l'EXTERIEUR!*

« Aaahh~ » fit-elle à son tour mais dans un ton plus « agonisant » cette fois.

Elle traversa la pièce à quatre pattes de peur de perdre l’équilibre en se levant et faillit s’assoupir sur le tapis aux poils angora qui jonchait le sol prés du lit.
Toujours engourdie par le choc, elle se hissa non sans mal sur le sommier et s’affessa à califourchon sur l’ange [toujours dénudé], le drap de soie séparant les deux corps. Elle inspira profondément comme pour reprendre ses esprits et d’un seul coup, sans crier gare elle sortit de sa somnolence passagère. L’ange était à présent bien éveillé et commençait a prendre conscience de la situation. La princesse était à califourchon sur un homme nu, dans son lit, avec pour seul parement, un fin tissu de soie. Et le pire c’est qu’elle ne semblait pas s’en être rendue compte...

« MAIS POURQUOI J’ÉTAIS PAS AU COURANT ??!! » fit-elle en colère.

*Mais, au courant de quoi ? * [o_o]

« VOUS AVEZ MIS DES TRUCS DANS MA TÊTE, POURQUOI SUIS-JE LA SEULE A NE RIEN SAVOIR ??! »

Fracas prodigieux venant des enfers d’un chaotique rêve mangeur de porte.
Quel est ce monstre sacré qui rampe sur le sol luisant comme un ver des mondes souterrains, pour monter vers moi comme un astre solaire sur mes reins.
Notre ver lubrique sonné débitant les âneries rituelles comme pour endormir la pure vigilance de sa proie, et de siffler à ses oreilles les sornettes sonores qui résonnent dans sa propres tête comme autant d’écho démesuré de son superbe ego.

- « VOUS AVEZ MIS DES TRUCS DANS MA TÊTE, POURQUOI SUIS-JE LA SEULE A NE RIEN SAVOIR ??! »

-« Décidément je fais des rêves de plus en plus stupides ces temps ci ! »

Evanescent secoua ses cheveux comme pour chasser une chimères pelliculaire, mais cela n’eut pas plus d’effet que de libérer un peu plus son torse nue de la fine couche blanchâtre qui couvrait ses nuits.

-« Après avoir vu en songe une maitresse avec sa chatte… »

-« Après avoir surprit une négresse embrasser une autre femme… »

L’ange prenait bien le temps entre ses réflexions songeuses, comme pour conjurer le cauchemar sur lequel il voulait reprendre une maitrise parfaite en figeant la scène à son avantage.

-« Et voila maintenant que j’ai le droit à une vrai nymphomane hystérique qui me demande de la soulager de ses maux de têtes !!! »

L’ange paraissait amusé d’avoir réussit à conserver autant de souvenirs oniriques sur une seule et même nuit ; avant de se rappeler avec horreur que généralement on ne pouvait pas faire le bilan de sa nuit paradoxale lorsque l’on était sensé être encore endormi…

-« Mon dieu mais c’est v… ?!? »

Mué par un réflexe quasi divin le coussin satin se retrouva entre la main sifflante de la princesse et le visage parfait du demi-ange.
Aussitôt le prêtre tira la couverture vers lui et comme pour un chemin de croix, Kuru tomba pour la troisième fois sur le Do mais pas sur le Sol (sur le lit… pas sur le Mi !).
L’ange avait déjà plané hors de sa couchette, d’un mouvement d’aile efficace et viril, avec la couverture contre lui.
Il n’y avait jamais eut de mémoire d’ange autant d’affut sanguin dans son corps au niveau de ses pommettes, l’ange écarlate balbutia comme un gamin culoté prit en faute par sa mère.

-« Mais qu’est ce que tu fais sur ma couch… je veux dire dans mon lit !!! »

Evanescent se pince avec violence l’index de sa main droite avec ses dents laiteuses comme pour vérifier l’impensable, l’autre encerclant les draps fins mais opaques en une toge incertaine.
Quelques gouttes argentées se mirent à couler de sa main effarouchée pour tomber à la manière d’un robinet qui fuit sur le sol sec.
Par ailleurs l’ange ne semblait pas excité pour autant, et n’avait pas d’autres problèmes de tuyaux que son capillaire filant.
La gêne n’était pas attribuée à la présence spécifique de notre momie insomniaque et portale, ni à ses positions plutôt pontales, mais plutôt à ce que son poitrail avait expiré tout haut.
Comme la sidération ne lui allait pas du tout au teint, l’ange se laisse aller à un léger rire cristallin avant de lâcher à notre bêcheuse ahurie.

-« La prochaine fois que tu voudras me parler, tu frapperas à la porte avec autre chose que ta tête, et tu attendras que je te réponde. »

Puis son regard se fit éminemment sérieux, comme s’il allait lancer l’information capitale que venais ici chercher notre Jeanne d’Arc.

-« Il faut que tu saches que… (en faisant trainer chaque syllabe) … j’ai besoin que tu ne regardes pas pour que je puisse enfiler un habit plus… idoine. »

Il éclatât encore d’un petit rire moqueur tout en léchant de manière indécente son doigt blessé.
Evanescent n’avait jamais connut de situations aussi rocamboles que celle-ci, quoique à y réfléchir de plus prêt il avait bien souvenance d’un petit vent trompeur qui avait mis à jour quelques éphémères, ou encore une poupée de chiffon qui cherchait la sortie de son torse maigre.
Avec toutes ces petites scènes mise bout à bout, l’ange gardien avait l’impression fuguasse que l’onde lui envoyait encore des indices précieux et prescient sur l’importance à redoubler la vigilence sur la vie de sa protégée.

*Oui mais je ne vais tout de même pas la surveiller tous ses jours et toutes mes nuits*

Le gardien ne démordait pas de son éternel sourire enjôleur, attendant la promesse d’une vision close sur son intimité vestimentaire…

-« Décidément je fais des rêves de plus en plus stupides ces temps ci ! »

« Hein ? »

*Des rêves, mais de quoi il parle. C’est quoi ce regard ?*

Kuru découvrait un nouveau regard sur le visage de son mentor. Il parlait avec une assurance folle et une liberté qu’elle ne lui connaissait pas. La pauvre, déjà bien embêtée par tout ce qui lui tombait dessus [ou plutôt par tout ce sur quoi elle tombait ? XD] depuis le début de l’histoire, elle était troublée par ce nouveau personnage qu’elle ne devait pas connaitre finalement. Cette idée la peinait un peu, car cela confirmait ce qu’elle pensait déjà : Evanescent n’avait jamais été « vrai » auprès d’elle, peut-être même n’avait-il jamais été heureux. Kuru se sentait stupide et honteuse. D’après elle, chacun devrait vivre sa vie comme il l’entend, et si son ange-gardien aspirait à une vie meilleure, elle se devait de lui offrir sa liberté. Au fond, lui aussi la prenait pour une gamine insouciante. C’est lui qui avait envoyé ses amis dans la foret pour les tester, c’est lui qui n’avait rien dit au sujet des âmes dans son esprit.. encore et toujours lui. Il ne lui avait jamais fait preuve de confiance...
Elle baissa son regard un instant.

-« Et voila maintenant que j’ai le droit à une vrai nymphomane hystérique qui me demande de la soulager de ses maux de têtes !!! »

« QUOI ??! GOUJAT ! »

Le coup partit tout seul. Sa main décolla sans retenue pour venir heurter le traversin sacrifié et avant qu’elle n’ait le temps de réitérer ses coups, elle se retrouva étendue sur le lit, la tête vers le plafond et les bras par dessus la tête. Son corps rebondit plusieurs fois sur le matelas avant de s’arrêter doucement, livrant à l’ange une princesse sans défense.

*Mais... quelle force ! waow....oh oui .....encore ! ROOOOH !! Mais enfin !! ressaisis toi ! *

La princesse elle-même s’était prise à se surprendre. Surement étais-ce la mise en scène un peu taquine qui lui faisait penser de telles choses. Elle se redressa sur le lit, à présent à genoux mais les jambes écartées. Elle laissait tout son poids s’affaisser vers le sol nonchalamment ce qui renforçait la jolie cambrure de son dos.

-« Mais qu’est ce que tu fais sur ma couch… je veux dire dans mon lit !!! »

« Hein ? euh.. mais, c’est que.. ah »

Elle retrouvait en lui cette expression et ce laissé-aller qu’elle ne lui connaissait pas. Les joues de l’ange étaient rosies à l’extrême ce qui, d’un coté, amusait la jeune femme. On eût dit une sculpture antique, avec le drapé si soyeux et le teint blême de l’ange dont la seule note coquelicot sur ses joues donnait vie. Celle-la disparut avec le temps et il perdit son air déconfit pour un autre plus amusé.

-« La prochaine fois que tu voudras me parler, tu frapperas à la porte avec autre chose que ta tête, et tu attendras que je te réponde. »

Kuru prit un air sérieux, elle avait honte et souhaitait « compenser » son malaise avec une attitude des plus nobles.

« Pourquoi ne suis-je toujours qu’une gamine à vos yeux? Je pensais pouvoir compter sur toi, je pensais qu’en ayant un lien aussi privilégié que celui d’ange gardien, on se dirait tout. J’ai fait un rêve étrange cette nuit et j’ai découvert l’existence d’un monde dans mon esprit. Un monde qui ne s’y est pas installé tout seul.. pourquoi ? comment ? et surtout.. pourquoi ne m’a-t-on jamais rien dit ? Je ne suis qu’une enveloppe charnelle, un joujou avec lequel je suis sure que beaucoup s’amusent.
Même toi, pourquoi me caches-tu ton vrai visage ? .. en l’espace de 5 minutes je viens de voir en toi plus de vie qu’en 5 ans. Mon père n’est plus la, la seule autorité dans ce royaume, c’est moi. Personne ne te reprocheras d’être libre tu sais. »

Elle soupira.

« Je ne sais plus quoi penser. »

-« Il faut que tu saches que…

« Quoi ? » demanda-t-elle, pleine d’espoir.

… j’ai besoin que tu ne regardes pas pour que je puisse enfiler un habit plus… idoine. »

Il y eut un moment de silence puis Kuru baissa son regard automatiquement vers un endroit pas des plus convenables à regarder puis remonta vers le visage sérieux et presque châtiant d’Evanescent. Elle descendit du lit encore chaud et alla vers la fenêtre. Tournant le dos à l’homme nu, elle se prit le visage à deux mains comme pour faire baisser la température de ses joues bouillantes. Puis elle dit d’une petite voix douce et calme :

« Je ne regarderais pas, rassure-toi. Mais explique moi ce qu’il en est s’il-te-plait, le temps presse. »

Kuru tournait le dos à l’ange et contemplait l’extérieur par la mince fenêtre. Contre toute attente, celle-ci fit involontairement office de miroir de fortune. [han han] La princesse ferma les yeux, se tenant toujours le visage à deux mains. Ses joues brulaient de plus belle. Mais qu’avait-elle été donc faire dans cette galère ? cette pièce ? à ce moment de la journée ? Elle redonna un coup d’œil furtif vers le verre coupable alors qu’une fine buée recouvrait une partie de la vitre brouillant l’image profane. Il faisait de plus en plus chaud, elle ne savait plus où se mettre ni que faire. Sa gêne était la punition qu’elle méritait pour avoir troublé le sommeil d’un ange. Celui-ci la sortit de son malaise en lui promettant la vue d’une tenue plus décente. Sur ces paroles, elle se retourna faisant voler les quelques mèches de sa frange devant son front majestueux. On aurait cru un instant qu’elle dansait une valse triste avec son partenaire éphémère et absent tant son allure paraissait tragique. Elle profita de cet instant pour effacer discrètement les traces de buée du bout des doigts, espérant qu’Evanescent ne remarquerait rien.

*Tiens il a de nouveaux vêtements..*

Elle contempla les nouveau style de l’homme qui se tenait devant elle. Ses cheveux rabattus vers l’avant et sa chemise lacée lui donnaient un air plus libertin. Ce look lui allait à la perfection. Soudain, la princesse eut une révélation. Avait-il changé à cause de ses paroles ? Avait-il fait l’effort incommensurable de changer de vêtements pour se sentir plus à son aise ? Kuru n’en revenait pas. Avait-elle, inconsciemment, réussi à influencer Evanescent ? Oh oui, elle en était convaincue! Elle lui envoya un sourire des plus chaleureux pour le remercier. Il ne comprendrait surement pas pourquoi la princesse était si heureuse mais elle s’en fichait pas mal. Il avait, sans le savoir, obéi à sa princesse désireuse de le voir plus libre et cela ne pouvait que la combler.

- « Tu me vois encore à ton écoute en ce moment, pour entendre les mauvais rêves de la petite fille qui grandit trop vite.»

- « Oui.. Je te remercie.. heh ! comme tu dois souffrir de m'avoir comme protégée! hahaha...

Elle riait se remettant en mémoire l’expression de l’ange quand il l’avait surprise sur son lit.

« ...quand même ce rêve.. il était étrange.. il avait l'air si réel.. »

-« Mais comment peux-tu être sure que ce dont tu as rêvé est bien réel ?
Moi-même quand j’ai rêvé que tu étais attiré par les femmes à la peau sombre, je sais pertinemment que ce n’est pas le cas ! »

- « Tu... moi ? ...attirée par des femmes ? haha»

Elle effaça maladroitement son rire un peu moqueur d’une main posée devant sa bouche.

-« Je t’arrête tout de suite ; je ne rêve pas de toi toute mes nuits, d’habitude je ne fait pas ce genre de cauchemars !
Il faut croire que cette nuit se prêtait à ses sombres songes»

- « Oui, une bien curieuse nuit en effet. » dit-elle en souriant.

Evanescent se déplaça pour se parfumer généreusement alors que la princesse essayait encore de retenir son rire par le bout de ses doigts glués sur ses lèvres qui avaient un mal fou à rester celées. Elle lui tourna le dos un moment. Il ne manquait plus qu’il soit fâché, cela n’arrangerait pas les choses.

- « Je ne peux rien te dire sur un rêve unique et sans autres référentiels, je n’ai hélas que de maigres conjectures en tête qui ne peuvent satisfaire l’éternel rêveur que je suis… Tout cela renforce le fait que nous devons nous rendre à Tylen comme nous l’avions projetés hier soir !»

- « Oui. Mais nous n’irons pas pieds nus. »

Elle venait de remarquer les pieds pales de l’ange sur le tapis persan. Ils étaient fins mais masculins malgré tout. La princesse repéra les souliers de Cendrillon et s’empressa de les ramasser.

- « Si jamais tu refais une seconde fois ce songe étrange, tu peux avoir confiance en moi, je m’en occuperais personnellement ! »

- « Merci, je ne manquerais pas de t’en parler.. dans des conditions plus propices la prochaine fois. »

Il secoua son aile unique dans son dos. La petite brise céleste qui en résultait s’amusa à faire danser les mèches de la princesse et chatouiller son visage de poupée.

- « Assieds-toi, je vais t’aider. Tu l’as fait pour moi quand j’étais petite, c’est mon tour. Huhuhu.. Petit vieux, il ne faudrait pas que tu te coinces le nerf sciatique ! Hehehe. »

Evanescent dut consentir à s’assoir un moment alors que Kuru s’agenouillait devant lui. Comme pour tout ce qu’elle entreprenait, elle mettait tout son coeur à lacer les lacets de ses sandales. Elle passait et repassait autour du pied, de la cheville, allant jusqu’à mi-hauteur de mollet de manière à saucissonner chaque membre dans des entrelacs de ficelle. Alors qu’elle s’affairait avec la deuxième jambe en silence, elle repensait à ce qui s’était passé.

*Raah quand je repense à ce que j’ai fait.. il était rouge comme une tomate ! ..c’est amusant.. voyons.. et si je.. si j’osais... comment il réagirait si je...*

Un sourire coquin se dessina sur ses lèvres couleur de rose. Le parfum fraichement déposé sur la peau de l’ange ne faisait que l’encourager à faire l’impensable coquinerie qu’elle avait en tête. Alors qu’elle venait de terminer son ouvrage, elle releva le menton et d’une allure sure et certaine elle posa doucement son nez sur le cou de l’ange. Inspirant paisiblement le parfum suave de sa peau, elle caressa de son visage le cou, le menton, la joue de l’homme pour enfin lui déposer un baiser sur le coin des lèvres. Cela ne dura qu’un bref instant mais il suffit pour l’emparer d’un immense frisson qui résonnait au plus profond d’elle même. Avait-il reprit la couleur pivoine qui lui allait si bien ? Kuru, en tout cas, sentait ses joues légèrement rosies. Comment réagirait-il ? Après tout ce n’était pas si grave. Elle sourit et préféra plaisanter sur la situation.

- « Tu vois je ne suis pas attirée par les femmes à la peau noire. Hahaha »

Et elle se remit à une distance convenable de son interlocuteur en souriant de plus belle. Elle s’amusait de ce qu’elle venait de faire. Comment taquiner un vieux contemplatif en moins d’une minute. Kuru avait le coeur léger, tout semblait calme et paisible. Elle n’avait pas ressenti une telle paix depuis longtemps. Elle semblait oublier ses cauchemars troublants, ses discussions absurdes avec des personnages nouveaux et étranges, ses frissons. Aprés tout, Evanescent avait peut-être raison. La chute de la princesse au milieu des pierres l’autre soir près de Tylen, la menace non-négligeable qui pesait sur le royaume... tout cela pouvait être la cause d’un trouble passager de sa perception. Elle se savait en sécurité au près de son ange gardien et si, comme il le disait, ces rêves venaient à persister.. ils trouveraient alors ensemble une solution au problème en commençant par sa cause.
En attendant, l’heure du conseil approchait. Dans les couloirs on entendait les domestiques se précipiter. Kuru regarda par la fenêtre un moment tandis que le soleil caressait tendrement son visage. Puis, se tournant vers la lune :

- « Accompagne moi pour petit déjeuner.. cela me ferait très plaisir avant de devoir accueillir tous ces vieillards pompeux. (J’dis pas ça pour toi ! hehe) »

Evanescent finit de s’habiller. Il fit remarquer à la princesse que certaines de ses plaisanteries étaient de mauvais goût et qu’elle ferait mieux de cesser ces enfantillages. Kuru savait pertinemment qu’Evanescent prenait autant de plaisir qu’elle à ce petit jeu de « vieux » et elle sourit gaiement. Ils allaient sortir quand elle heurta une énième fois le torse de son ange. Elle releva la tête et le regarda, les yeux emplis de surprise et d’étonnement.

- « Qu’y a-t-il ? » demanda-t-elle naïvement avant de ciller plusieurs fois.

- « Il ne faudrait pas que quelqu’un puisse te voir sortir de ma chambre à une heure aussi peu Ilodoxe ! »

- « Oh ! … oui. Tu as raison, voyons, je pourrais attendre qu’il n’y ai personne dans le couloir et sortir aprè »- La princesse n’eut pas le temps de terminer sa proposition que déjà le bras de l’ange l’encerclait par l’épaule. Malgré ses gestes lents et sereins, il l’écrasait presque contre lui. Soudain, Kuru ne sentit plus le sol sous ses pieds, elle lévitait.

*Mais qu’est-ce que ! Ah !!! Je vole !*

Elle s’agrippa de toutes ses forces au col de l’homme qui la tenait fermement dans ses bras. Elle sentait plus que jamais son parfum enivrer ses sens. Ils traversèrent l’ouverture qui servait de fenêtre. Elle ferma les yeux un instant, reprenant son souffle. En sécurité dans cette prison d’attentions, elle osa un regard vers le lointain. Quelle merveille ! Le soleil timide mais puissant, roi des cieux s’élevait majestueux vers l’infiniment bleu. Déjà ses premiers rayons flirtaient avec la peau des deux enlacés. Cette sensation était si douce, si chaleureuse, quel délice. Pas un nuage ne venait troubler le tableau merveilleux. Quelle palette de couleurs splendides… aucun peintre ne pourrait recréer cette atmosphère de paix dans les couleurs changeantes du tableau céleste. Que Tylen semblait minuscule dans ce décor de verdure. La petite ville paraissait s’éveiller paisiblement. Des oiseaux quittèrent leurs nids faisant frissonner la cime des arbres. Tout cela, Kuru aurait pu le voir en se penchant par la fenêtre, mais jamais le vent n’aurait caressé ainsi ses cheveux de soie. La brise coquine lui soulevait tendrement le bas de sa robe, faisant glisser le tissu autour de ses mollets fins et délicats. Quelle sensation étrange, celle de tomber sans pour autant éprouver une quelconque peur. Kuru, tenant toujours les plis de la longue cape d’Evanescent, offrait un sourire sincère au monde qu’elle contemplait. Elle l’aimait tendrement.
Ah mais quelle est cette tâche qui attire l’œil au loin, près de la mer, ténébreuse aura que celle-là. Son sourire disparut. Un brouillard grisant culminait par delà les forets. On discernait mal l’endroit mais il ne présageait rien de bon. La princesse émerveillée jusqu’alors par le doux spectacle qui s’offrait à elle, eut un moment de peine. Cette tâche menaçante détruisait la flore autour d’elle, tel un poison, elle se répandait lentement mais sûrement. Si rien n’était fait, elle gagnerait les grandes villes et petit à petit, tout le monde tel que nous le connaissons sombrerait dans le chaos. Oh non, quelle idée horrible. Elle regarda son ange pour voir si lui aussi voyait cette mauvaise augure. Son visage blême et vide de tout sentiment n’offrit aucune réponse. La princesse retroussa son visage et le posa sur le torse bombé de l’homme insensible. Elle cherchait par là un peu de réconfort.

*Ah mince !*

Un de ses souliers venait de tomber. Le sol se rapprochait doucement, elle le récupèrerait bien vite. Petit à petit, les arbres se faisaient plus grands. Le soleil s’éclipsa et l’air se rafraîchit tout à coup. Kuru lâcha prise de l’ange et s’empressa de reprendre sa pantoufle de vair. Elle se chaussa convenablement et d’une démarche princière revint près de son tuteur qui avait entamé seul la courte promenade en direction de l’intérieur. Celui-ci semblait très accueillant, l’air encore frais du matin faisait frissonner la jeune femme. Les braises presque éteintes dans les cheminées offriraient sans doute le réconfort tant espéré.

-« Ainsi de mauvaises langues n’auront pas de moyens aujourd’hui pour rependre leurs poisons… »

- « Il aurait sûrement été plus discret de passer par le couloir l’un après l’autre. Que vont penser les gens en me voyant venir de dehors ? » fit posément la princesse terre à terre.

*C’était tellement merveilleux.* balbutia intérieurement la romantique.

Réveuse, elle continua sa marche, dépassant légèrement son cavalier et alors qu'elle allait lui demand- *SPLONCK*