La sombre influence du Nécromant...

*** Tylen. Dans ses ruelles, véritables artères, le sang de la ville circulent librement et tranquillement. Que pourraient craindre ses habitants avec un Prince Charmant et une Princesse de l'Amour pour veiller sur eux ? Rien.

Du moins, c'est ce qu'ils croient tous. Ce qu'ils veulent croire. Ce qu'ils se plaisent à croire.

Mais dans l'ombre, le Mal veille. Et dans l'ombre, le Mal oeuvre. Et l'ombre fait vivre le Mal.

Le Nécromant à fait bâtir son château bien loin mais son influence néfaste se fait sentir dans l'attitude de certains, les cauchemars d'autres. Il est là.

Indifférent à la foule qu'il traverse, un cavalier emmitouflé dans une grande cape de voyage poussiéreuse arpente les ruelles de la ville basse. Le tissu élimé est presque en loque et n'a plus de couleurs, mais un oeil averti pourrait peut-être discerné ce qui pourrait être un emblème sur le dos de cet homme bien peu loquace.

Sans un mot, il dirige sa monture, la faisant obliquer tantôt à droite, tantôt à gauche dans le labyrinthe si particulier à Tylen.

Finalement, il arrête sa monture devant une bâtisse basse en piteux état et descend de cheval dans un mouvement souple malgré les raideurs imposées par l'armure lourde qu'il porte sous sa cape.

Sans ménagement, l'homme écarte brutalement les badauds arrêtés devant lui et s'approche de l'entrée du bâtiment. ***

"Bica, yeshor'click !"

*** A ces mots, les deux colosses dissimulés dans les ombres de l'entrée du bâtiment s'écartent pour laisser pénétrer le singulier personnage. Les deux créatures scrutent rapidement la foule qui passe devant eux, exposant brièvement leur peau verte à la lueur du soleil avant de se reculer. Rapidement, ils disparaissent à nouveau dans les ombres, malgré leur corpulence. ***

[HRP] Voilà, c'est libre donc à vous de jouer...
Mais prenez garde,

[HRP : Héhé, alors, vous avez peur ? ]

*** Se déplaçant souplement dans les ombres inquiétantes de la batisse en ruine, HyiHyil s'enfonce au plus profond des tréfonds de l'obscurité pesante. Il avance confiant et sûr de lui, grâce à sa vision, d'une part, mais également grâce à une bonne connaissance des lieux.

Enchainant les escaliers et les simples volées de marches entrecoupés de corridors et de galeries grossières, le Death Knight s'enfonce au plus profond des tréfonds de la colline contre laquelle repose ce qui reste de la construction.

Jadis, ce batiment abritait un honnête marchand de tapis. Disons, que le marchand de tapis occupait les parties en surface, tout le reste étant occupée par la Rouge Compagnie, une guilde de voleurs et d'assassins à l'humour acide et l'humeur massacrante.

Le chevalier, qui n'a rien d'un cône glacé, cela dit en passant , pose enfin le pied sur le sol de terre battue du dernier niveau. Il adresse le signe de reconnaissance secret aux vigiles postés dans les recoins du passage et s'avance dans la salle suivante.

Il pénètre dans la caverne cyclopéenne qui s'ouvre au-delà du passage voûté et, malgré une longue habitude, il reste pétrifié un instant devant le spectacle qui s'offre à lui : ***



**** Il semblerait que sa petite affaire rencontre un vif succès auprès du monde du dessous... Lui qui craignait de voir trop grand en choisissant la caverne la plus grande de la région... Peut-être va-t'il falloir faire creuser de nouvelles salles ?

Satisfait, il se dirige vers le bar et commande une Fungus-Beer à l'Ork chargé du service. ***

[HRP : suite de "A proximité d'une forge très active", ici.]

Indiquant du doigt les ruines éboulées d'une maison de pierre,il dit simplement :

"Nous y sommes."

Passant en tête du petit groupe, il s'avance de l'arcade gardée où il chuchote le mot de passe au premier Ork.D'un geste, il commande alors à ses servants de le suivre... sous terre.

Avec effroi, Feyzin, toujours maintenu aperçoit brièvement le faciès horrible des portiers ainsi que leur carrure impressionnante.

C'est presque avec épouvante qu'il découvre ensuite le boyau de pierre s'enfonçant dans les sous-sols de la ville. Les marches inégales semblent glissantes et l'atmosphère se fait étouffante à mesure que la profondeur augmente.

Hyi Hyil laisse échapper une exclamation.

"Ah ! Bien... Il est déjà là, parfait..."

Ce n'était pas loin... Le chevalier avait raison... Mais le court trajet qui séparait encore Feyzin de sa destination forcée fut le plus éprouvant de sa vie. Il dût supporter le contact froid de la chair morte contre lui, avaler le cynisme de son geôlier, lutter contre la langueur qui l'envahissait à présent, conséquence certaine de sa phobie... Les zombies le portaient et il n'avait pas le choix... Ils l'emmenaient à présent à la suite de leur maître au travers de couloirs sombres et humides, dans une ambiance qui ne risquait pas de rassurer le forgeron. Il n'avait pas manqué de remarquer la nature des videurs à l'entrée, et s'inquiétait sur la finalité de leur voyage. Quel était cet endroit ? Il semblait que l'homme l'entraînait dans les entrailles les plus répugnantes de la ville...
Mais l'esprit vide de l'artisan était à présent au delà de la peur. Il avait éclipsé toute considération de ce genre, mais sa détresse était bien réelle et elle se manifestait, qu'il le veuille ou non... Mais le pire n'était sans doute pas venu, et Feyzin sembla en avoir l'intuition. Il sembla revenir à lui lorsqu'ils le couloir arriva à son débouché.

- Ah ! Bien... Il est déjà là, parfait...

Sans qu'il sache pourquoi, un frisson plus fort que les autres parcourut le corps du forgeron. Il ressentit cela comme un avertissement, et se crispa d'avantage. A la place, il observa son nouvel environnement, tous les sens en alerte. Le couloir était terminé, et la "compagnie" se trouvait à présent dans une pièce plutôt étrange. Ils étaient dans une cavité qui donnait directement sur une salle plus grande, pleine de monde, de lumière et de bruit. Trop pour lui. Et aussi loin qu'il regardait, Feyzin ne voyait personne qui se détachait assez du lot, pour mériter d'être qualifié ainsi par le chevalier. Il fut donc tenté de demander qui était ce "il" dont ce dernier avait parlé, mais cela serait une nouvelle question stupide. Ce cinglé avait dit qu'ils "allaient boire un verre avec des amis"... Ce "il" était sans doute l'un d'entre eux... Alors il se concentra sur ce qui l'entourait de manière immédiate, et c'était déjà bien assez déprimant...
Les murs étaient couverts de tapisseries défraîchies, qui aurait pu être gaies, si elles ne dataient pas d'avant la construction du bâtiment... Elles étaient déchirées et l'on devinait à l'odeur qu'elle devaient regorger de moisissures et de bestioles en tout genre... Feyzin préféra ne pas faire l'effort de chercher plus loin... Il y avait quelques meubles, aussi, formant théoriquement un salon, qu'il aurait même eu du mal à qualifier de miteux. Tout comme ses porteurs, ils étaient dégarnis jusqu'à l'os... Et il ne trouvait pas d'adjectif suffisamment percutant pour décrire leur état de décomposition avancée, subtile ironie si l'on considérait le fait qu'ils étaient censés apporter un certain confort à la pièce... Et justement...

- Je vous en prie, installez-vous confortablement.

L'ampleur de la raillerie dépassait tout. Et le chevalier désignait évidemment ce que le forgeron pouvait deviner comme étant... C'était à peine croyable... Il espérait au moins que personne n'aurait l'idée de qualifier ce squelette de chaise à peine reconnaissable de fauteuil... L'ordre implicite passa, et les zombies décroisèrent les bras, reposant lentement Feyzin. Ses pieds touchèrent le sol, et, même s'il n'était pas loin de ce qu'il pouvait assimiler à un canapé, il n'eut pas le temps de l'atteindre. Privé de tout support, son corps ne devait s'en remettre à lui-même, et cette fois-ci, ses jambes ne furent pas les seules à flancher. Feyzin tomba comme une marionnette dont on aurait coupé les fils, inconscient.

Caché dans l'ombre, V'lin observait. Le transfert avait eu lieu sans problème, la magicienne était une petite nature. Il était atterrit dans un coin désert, volontairement désigné par son tuteur. Et point de tourment, il était là avant lui. La ponctualité n'était pas non plus son fort... Il l'avait donc vu arriver... accompagné. Etit-ce vraiment cela qu'il projetait ? Il faillit en rire. Le chevalier espérait que ce... gamin rejoigne leurs rangs ? Quelle utilité ? Il devait avoir ses raisons... Mais le céleste voyait déjà qu'il n'était pas fiable. Trop faible. Etait-ce passager ? En y réfléchissant, certainement. Toujours était-il qu'il avait vu venir cette défaillance. Le demi-ange savait qu'il aurait dû être capable de détecter sa présence. Mais trop de facteurs l'en empêchaient. Le jeune homme qu'il avait sous les yeux était fatigué, tétanisé... et son corps réclamait son dû. Un effort supplémentaire et il... tomba.

- Ouh !

Ayant déjà anticipé l'évènement, V'lin s'élança. Il n'avait pas eu tort. Les zombies avaient doucement relâché leur prisonnier, mais ce dernier n'avait pas eu le temps de profiter de sa mince liberté, dont sa chair affamée l'avait immédiatement privé. Il se retrouva donc dans les bras du paladin, qui, à genoux, n'avait pas beaucoup d'efforts à faire pour le soutenir. Ce dernier leva les yeux vers le geôlier/hôte inattendu de l'inconscient.

- Bonsoir mon oncle. Est-ce lui que tu voulais me présenter ?

Le regard rieur, le ton de la voix n'en disait pas moins. Mais avec une légère note d'inquiétude, même s'il n'en ressentait pas un brin, son visage revint rapidement vers celui du jeune homme. Il paraissait noir de peau, comme de cheveux. Et l'ambiance ne donnait pas à penser le contraire. Etrange. Etait-ce cela qui avait intrigué son maître ? Non... Il ne se contenterait pas de si peu. Il y a autre chose. Il ignorait ce que c'était, mais savait que HyiHyil lui dirait quand il le souhaiterait. Alors autant ne pas dépenser de salive inutilement. Vl'in continua donc son inspection. Il ne comprenait décidément pas quel élément pouvait susciter l'attention de son oncle pour lui. Il était métis, de cela V'lin était certain, à en mettre sa main dans un bac d'acide. Son port de tête, son allure, sa carrure... Un demi-elfe. A la peau noire. Demi-drow ? Les cheveux mal peignés, soulevés par la chute, étaient retombés en vrac sur les côtés de sa tête et sur son front, poisseux de sueur. Il en avait bavé rien que d'être là. Il ne voyait vraiment pas. Mais peu importait au final. Il saurait. Tôt ou tard.

- Je suppose que tu ne l'as pas amené ici pour le tuer ?

Cela était dit avec une froide intelligence. HyiHyil avait une idée derrière la tête lorsqu'il avait capturé ce gosse. V'lin ne l'aurait pas laissé vivre une seconde de plus, si ça n'avait pas été le cas. En fait, si, quelques secondes... C'aurait été très facile, il suffisait de le laisser tel qu'il était. Mais malgré cette forte envie de faire encore traîner les choses, le guerrier ne laisserait pas le dessein de son tuteur être gâché pour une aussi basse considération. Cela n'avait déjà que trop duré.

- Il meurt de faim. Il fait lui donner quelque chose. Si tu as préparé à boire, une boisson sucrée ira très bien.

Vl'in savait ce qu'il disait, et HyiHyil avait déjà assez l'expérience de ses intuitions pour l'écouter et le croire. S'il voulait que son protégé survive, il y avait tout intérêt. Et l'inflexion prise par la voix du paladin ne laissait aucune ambiguïté : il fallait agir rapidement. Libérant un bras, ce dernier souleva négligemment une mèche rebelle de son doigt métallique, la détachant complètement de la masse noire. Il était évident qu'il ne ferait rien à la place de son "oncle". S'il tardait, lui se contenterait d'attendre la mort du demi-elfe avant de s'en débarrasser, cela ne lui posait aucun problème.

Presque indifférent à la scène, Hyi Hyil assiste sans un mot à la chute de Feyzin et à sa récupération in-extremis. Semblant n'y prêter que peu d'attention, il congédie sa garde personnelle d'un geste vague de la main.

D'un bref et court meuglement assez bovin, les quatre zombies acquittent l'ordre et sortent du salon, rejoignant le bruit et la fureur de la grande salle.

Pour le moment, le Chevalier d'ébène se contente de faire celui qui est ailleurs, ne répondant pas aux questions. Mais en réalité, il sourit intérieurement, fier de voir que son petit protégé n'est pas si idiot que ses origines pourraient le faire croire... Une bonne recrue ce petit jeune.

- Il meurt de faim. Il fait lui donner quelque chose. Si tu as préparé à boire, une boisson sucrée ira très bien.

Hyi Hyil semble alors sortir de sa torpeur et se dirige prestement vers une petite desserte mobile en meilleur état que le reste du mobilier de la pièce, rapiécée en de multiples endroits. Laissant aller sa main au-dessus des bouteilles disposées dessus avant d'en sélectionner une dont il consulte rapidement l'étiquette lépreuse. Apparemment satisfait, il en verse un rasade dans un petit verre qu'il apporte au Paladin

"Liqueur de je ne sais quoi, ça paraît très sucré à l'odeur et c'est très sirupeux... Je dirais, à vue de nez, dans les 150-200 ans d'âge environs ?"

La remarque, posée sur un ton interrogatif n'appelle pas de réponse, elle n'est que l'expression du détachement apparent du déchu devant la faiblesse de l'artisan. Disons que, pour le moment, il s'interroge sur la fiabilité de ses sources...

Haussant un sourcil, V'lin ne put retenir un petit rire moqueur. Sucrée et sirupeuse... Mais le métis résisterait-il à la force de cette liqueur ? L'angélique rit de plus belle. Il ne manquerait plus que cela se révèle mortel ! Mais le guerrier se saisit du verre avec un sourire en coin, il avisait l'expérience avec un amusement certain : car la seule façon de le savoir était d'essayer.
Lentement, le paladin porta le gobelet aux lèvres plutôt pâlottes du demi-elfe, faisant minutieusement s'écouler le liquide corsé dans sa bouche. Il rechignait de le faire à la place de son oncle, mais était mal placé pour procéder autrement. Resté pourtant à l'écoute des besoins du corps du jeune homme, V'lin grimaça rapidement. La boisson que HyiHyil lui avait donnée ne le requinquait pas. Au contraire. La respiration de l'inconscient devenait plus lente, plus saccadée aussi. Et il avait à présent un besoin au niveau des poumons...
Le chevalier avait déjà arrêté son geste en posant le godet coupable. Nul besoin de mot, le regard de V'lin suffit à son tuteur pour comprendre. Et en examinant le jeune homme, il pouvait suivre la pensée de son filleul. L'alcool aurait en effet pu se révéler mortel pour son prisonnier. Mais parce qu'il ne l'avalait pas, contrairement à ce qu'ils avaient tout d'abord cru. C'était dangereux. La boisson avait coulé librement, non dans l'œsophage, mais dans la trachée... Le pire étant que le corps n'essayait même pas d'expulser la substance intruse...

Le rejeton d'elfe noir était encore dans les bras de V'lin, le mieux placé pour agir. Il ne dit rien. Il savait quoi faire, et cela devait être fait immédiatement. Il le tourna simplement sur le côté, plaçant son genou sous lui de façon à mettre la tête légèrement en aval de son torse. Il poussa un soupir lorsqu'il vit le liquide s'écouler de lui-même de la bouche du jeune homme. Lorsqu'il passa par son nez, ce dernier se mit enfin à tousser, réflexe retrouvé qui fit sourire le demi-ange. L'inconscient vida ainsi ses poumons englués, et les paupières noires laissèrent un instant entrevoir une lueur émeraude.
V'lin avait maintenu le jeune homme assez longtemps dans sa position pour qu'il soit complètement sorti d'affaire (Se noyer dans un verre de liqueur, quelle ironie... et quel gâchis !), mais l'évacuation de l'alcool n'était pas suffisant : de retour sur le dos, le demi-elfe n'avait pas encore repris connaissance.Lui redonner à boire ne semblait pas une bonne idée. Alors le guerrier tendit la main en arrière, dans la direction approximative où se trouvait HyiHyil.

- Donne-moi du sucre.

Et voilà qu'il allait de nouveau opérer à sa place. Mais si son oncle souhaitait réellement le sauver, il était le seul d'entre eux deux assez compétent dans ce domaine, et il s'agissait toujours d'un état d'urgence. Il n'avait donc pas envie de pinailler, même si quelque chose en lui soufflait de laisser son oncle se débrouiller seul. Il ne fallait cependant pas compter sur lui pour attendre jusqu'à en avoir des crampes...

Sans trop sembler s'inquiéter outre mesure, le guerrier mort retourne à la desserte et farfouille dans les pots et bocaux rangés dans la partie inférieure. Il en sort rapidement un objet allongé enroulé dans un chiffon qu'il apporte à V'lin.

Arrivé à ses cotés, il déplie le paquet et révèle un pain de sucre ocre et un pic qu'il saisit d'une main sûre.

Il examine un instant le bloc et, de quelques coups précis, casse un morceau de la taille d'une phalange qu'il tend à l'angelot estropié. Cela fait, il remballe le tout et se détourne de la scène pour aller reposer le paquet refermé où il l'a pris.

Sans se retourner, il plaisante...

"Et maintenant, tu vas me demander une paire de pantoufles à tête de lapin et un bol de bouillon ? Tu te doutes bien que ce n'est pas pour faire la nounou que je voulais le voir et t'ai demandé de venir. Velvi n'est pas là mais ses agents travaillent bien et... Mais tu verras bien, hein ?

Ne recevant pas de réponses, il se retourne, intrigué...

Doucement, le sucre passa dans le sang du demi-elfe. Mais assez rapidement pour que celui-ci sente dans les brumes de l'éveil une surface chaude quitter ses lèvres. Avant même de relever les paupières, son corps avait réagi instinctivement à la première pensée qui passait dans l'esprit du forgeron.

- Färvien !

Feyzin avait sursauté. Pas assez pour que son corps ne soit soulevé ou ne s'échappe des bras de son porteur, mais ses muscles s'étaient contractés violemment. Forçant son corps à se détendre progressivement, le forgeron ouvrit les yeux. Le petit prince était toujours présent en arrière plan, mais sa vision lui fit oublier aussitôt l'appréhension qu'il conservait à son propos. Car la première chose qu'il vit au dessus de lui était un visage. Pas celui qu'il attendait, mais un visage... à la beauté irréelle...

- Un... ange ?

Non... Il se trompait... Les cheveux de lune tombaient sur lui comme un voile, mais malgré l'aile claire qui se détachait dessus, le fond restait noir... Les yeux qui le fixaient avaient ce même éclat qu'il savait en cet instant briller dans les siens, mais bien plus intense qu'il ne le concevrait jamais. Cette sensation coulait dans ses veines, faisait battre ses tempes. C'était elle qui le guettait, tapie dans l'ombre comme un animal prêt à vous tailler en pièces... Un seul mot suffisait pour la désigner : démence.
Sans prendre la peine de détailler celui qui le tenait, Feyzin laissa ses yeux passer sur lui, à la dérive. C'était vraiment étrange... Il semblait pourtant bien être ce qu'il paraissait... Mais il y avait quelque chose en lui qui mettait l'artisan mal à l'aise... Il sentait la magie circuler en lui, mais ce n'était pas ça. Elle était diffuse, alors il pouvait le supporter, contrairement à ce condensé d'enchantements qu'était l'armure... C'était... un sentiment, une aura qui émanait de lui...

Et qu'avait-il sentit juste avant ? Etait bien ce qu'il croyait ? Et celui-là qui... ? Pourquoi ? Feyzin sentit une goutte perler à la commissure de ses lèvres, et, sans y prendre garde, sa langue vint furtivement la ramener dans sa bouche. Il se rendit alors compte que c'était une réminiscence de ce "baiser", dont il ne saisissait toujours pas les aboutissants... D'abord le chevalier, puis cet... ange déchu... Que lui voulaient-ils donc ?

HRP/ Fusion des posts pour V'lin et Feyzin

Les yeux papillotèrent avant de s'ouvrirent sur des iris verts. Plus sombres que ceux de V'lin. Ce dernier hésita entre rire blanc et colère noire lorsque le jeune homme ouvrit la bouche. Il sembla un instant se croire au paradis.

- Un... ange ?

Alors qu'il disait cela, son visage apaisé reflétait un soulagement non dissimulé. Mais cette impression ne dura pas, et ce fut bien pour cela que V'lin l'épargna malgré cette réflexion stupide le concernant. Il venait de se trouver un point commun avec le prisonnier. Ses pupilles tremblotantes en étaient le symptôme. Folie. Mais il combattait encore. Seulement, il ne faudrait plus grand-chose... Etait-ce le but recherché par le chevalier noir ? Egarer son esprit ? Si c'était cela, il pouvait l'aider, ce ne serait pas difficile...
Le demi-ange souriait à cette idée lorsqu'il remarque le léger mouvement que le demi-elfe fit avant de s'en apercevoir. Alors, tu as aimé ça ? Avec un sourire narquois, bien visible pour le chevalier dans son dos, V'lin se pencha à nouveau sur le métis sans lui laisser le temps de le repousser, et ses lèvres entrèrent en contact avec les siennes. Mais cette fois, il introduit une langue libertine à l'intérieur de la cavité buccale...

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Feyzin vit le visage de l'ange se rapprocher du sien, et sentit ses lèvres toucher les siennes. Cette fois, il n'y avait plus aucun doute, c'était bien lui... Alors ce n'était qu'un rêve... Et visiblement, l'angélique ne trouvait aucune autre raison de faire ça que ce que son esprit malade lui dictait. C'était tout. Ne cherchant pas plus loin, le forgeron ne résista pas. Ses paupières se rabattirent sur des yeux humides. Tous ses muscles se relâchèrent, et la fouineuse ne réussit même pas à en faire tressaillir un seul quand elle vint tourner dans la bouche du jeune homme.
Le désespoir envahissait à nouveau le cœur du forgeron. Il était toujours dans cette cave, entouré de ténèbres et de magie. Celui qui l'avait conduit ici, et vraisemblablement condamné à perdre sa propre raison était toujours là, derrière, regardant la scène avec concupiscence... Il le devinait... Mais Feyzin n'aspirait qu'à une chose : retourner dans le noir... Pourquoi ne le laissaient-ils donc pas en paix ?

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Même pas drôle... Ouvert aux flux du corps de sa victime, V'lin s'attendait à voir une réaction. Mais aucune ne vint. Cela ne lui faisait rien. Absolument rien. Un peu déçu, le demi-ange céda le contact. A cause des vapeurs de l'alcool qu'il ignorait avoir goûté, le demi-drow ne luttait plus... Mais si toute envie de se battre avait disparu, toute envie de vivre aussi. Le jeune homme était complètement brisé... ce qui était peut-être une bonne chose, au final...

- Peu importe ce que tu voulais lui demander, mon oncle, il est à point...

L'ange s'était assez diverti, sans vraiment porter atteinte à l'intégrité du prisonnier, c'était au tour de son tuteur. Il pouvait bien lui faire ce qu'il voulait à présent, c'était fini pour lui. Touchant une dernière fois le visage du demi-elfe de son doigt glacé, V'lin sembla regretter que son petit jeu ne se soit terminé si vite. Mais il retira finalement son genou, laissant le jeune homme, qui se retint à peine, glisser sans douceur sur le sol, n'ayant nulle intention de l'aider à se relever. Les yeux d'un vert si clairs qu'il se détachait sur les ténèbres mieux qu'une torche, se tournèrent, espiègles, vers le chevalier noir.

- Le pauvre... il a l'alcool triste...

Hyi Hyil n'en croit pas ses yeux.

Lorsqu'il se retourne, intrigué de ne pas avoir de réponse, c'est pour voir V'lin rouler apparemment un gadin à l'autre empaffé. Ou du moins, ils sont collés bouche à bouche. Est-ce ainsi qu'on déguste le sucre ?

Retenant un commentaire aussi acide qu'acerbe, il secoue tristement la tête... Mais où va la jeunesse de nos jours ? Vraiment...

- Un... ange ?

La réflexion le ferait sourire s'il le pouvait encore, mais il demeure la tête baissée, sans rien dire.

Finalement, il se tourne à nouveau vers son protégé, une remarque aux bords des lèvres, si on peut dire ainsi et s'arrête net dans son geste pour le voir se pencher et embrasser à nouveau le demi-drow !

Décidément ! Et ça dure en plus...

- Peu importe ce que tu voulais lui demander, mon oncle, il est à point...

Il laisse le temps à l'angélique de s'écarter avant de s'approcher à son tour.

- Le pauvre... il a l'alcool triste...

Secouant à nouveau la tête, Hyi Hyil écarte négligemment la remarque d'un geste du bras. Il ne peut attendre indéfiniment que le petit noiraud se sente mieux.

Il s'approche, le surplombant de toute sa hauteur et le regarde, un instant indécis. Puis, il soupire et se penche.

Sans vraiment le ménager, le fléau macabre attrape Feyzin, répandu à terre et le porte jusqu'au fauteuil qu'il avait tenté de rejoindre plus tôt. Il l'y jette plus qu'il ne l'y dépose et va tranquillement s'installer en vis-à-vis sur une grande chaise à haut dossier en bois d'un rouge profond. Jambes croisées, il pose les mains sur les accoudoirs massifs avant de commencer :

"Maître Feyzin, nous savons que vous avez un talent indéniable qui ne demande qu'à être exploité. Nous aurions les moyens de vous faire enseigner de nombreuses techniques que vous seriez à même de maitriser rapidement. Forger est votre vie, je vous propose donc de vous faire vivre pleinement. Qu'en pensez-vous ?"

Feyzin se retrouva soudainement sur le "fauteuil" avec l'impression d'avoir manqué un épisode. Il semblait sortir d'une étrange torpeur, provoquée par une effluve qu'il ne connaissait pas et qui avait été dissipée lorsqu'il s'était remis - ou plutôt lorsqu'on l'avait - remis sur ses pieds. Un instant lui fut nécessaire pour remettre les choses en place dans sa tête, faire le point, alors que le chevalier noir enchaînait déjà...

Le paladin de mort l'avait entraînée dans ce lieu qui ne frôlait même plus le glauque, ne faisant qu'amplifier son malaise... Il s'était évanouï inopinément, et avait reçu une image du firmament en revenu à lui. Mais elle s'était finalement révélée illusion, ce qui se cachait derrière n'était autre qu'une parcelle d'un mal absolu, la toile de ténèbres que dissimulent les étoiles... Séduisante, mais dévastatrice... Et il en gardait un mauvais souvenir... Un goût dans la bouche qu'il avait du mal à chasser. Suave et délicieux, mais l'amertume gâchait tout...
Puis l'ange l'avait lâché... Il s'était retrouvé sur le sol glacé, comme une larve incapable de devenir papillon. Il avait bien essayé de se relever, mais son corps avait attendu l'aide poignante du chevalier pour y consentir... Il était à présent ainsi, avec une nausée indescriptible et un poids sur le cœur comme si on le serrait dans un étau... C'était loin d'être fini... Tant qu'il aurait cet... interlocuteur en face de lui... Il était content de se sentir encore partir... Dans les limbes, il planait encore... Tant mieux.

Sa main se porta à sa bouche pour étouffer un baillement. Une odeur d'alcool le prit au nez. Maintenant, il en sentait le goût... Mirabelle, peut-être ? La liqueur devait vraiment être forte, pour le mettre dans cet état, lui qui était habitué au saké...

- Maître Feyzin, nous savons que vous avez un talent indéniable qui ne demande qu'à être exploité. Nous aurions les moyens de vous faire enseigner de nombreuses techniques que vous seriez à même de maitriser rapidement. Forger est votre vie, je vous propose donc de vous faire vivre pleinement. Qu'en pensez-vous ?
- Oh ?

Exclamation de surprise, moins pour le contenu que pour le phrasé lui-même... Plongé loin, très loin dans ses pensées, complètement ailleurs, s'il n'y avait cette sensation fâcheuse, l'artisan en aurait bien oublié celui qui l'avait maltraité bien peu de temps avant. Il leva la tête, laquelle devait donner l'impression qu'il venait de sortir de son lit, et fixa le chevalier, l'air hébété.
Puis... enfin... Feyzin ouvrit les yeux... Le chevalier... ou plutôt, l'armure noire... Les deux fentes qui laissaient passer une lumière blafarde et surnaturelle... Le frisson se transforma en tremblement. Le forgeron secoua lentement la tête. Cela ne le mènerait à rien... Il se concentra, forçant chaque muscle de son corps à se décontracter, manœuvre difficile mais pas impossible. Il fallait au moins qu'il soit en mesure de discuter, de négocier, ou... Non, vu son état actuel, ce n'était même pas la peine d'y songer.

Son regard s'orienta bientôt vers l'aura malveillante qui lui avait fait reprendre conscience. L'ange était resté debout au côté de son mentor, se tenant derrière sa haute chaise, la main négligemment posée sur le dossier. Il le regardait, en lui accordant autant de considération qu'à un animal domestique. Mais plutôt que de rester focalisé sur sa frayeur, l'artisan préféra cette fois lui octroyer plus d'attention qu'auparavant... Et il devait avouer... outre cette ambiguïté qu'il sentait en lui, cet être inconstant était réellement impressionnant... Des cheveux argentés et translucides, qui semblaient flotter sous le souffle d'un vent imaginaire, même dans cet endroit où l'air stagnait de façon malsaine... Des yeux verts qui auraient pu être beaux s'ils n'étaient pas constamment assombris par une ombre fluctuante... Un visage réellement magnifique, hérité directement du sang des anges... Il était grand et svelte... Son corps recouvert d'une armure laissait deviner une grande force physique et morale... Oui, il en était un, à l'origine, en tout cas. L'aile gracieuse dans son dos en disait long... Il avait souffert. Le forgeron pouvait le déduire de ce vide à sa droite, de ce membre manquant qui ne passait pas inaperçu...
Cet être... Feyzin n'imaginait pas le désigner autrement, ni vraiment un ange, ni vraiment un homme, incarnant le bien, tourné vers le mal... avait une arme, qu'il arborait à son poing... Cette lance... Elle était faite de mithril, il en aurait mis sa main à couper, mais les reflets du métal étaient étranges... La même émotion qui l'avait saisi lorsqu'il avait reconnu la noirceur de l'âme d'une créature des plus pures se rappela à lui. Le forgeron le voyait, le sentait. Il avait sous les yeux une lame céleste... corrompue au même titre que son propriétaire... Il la connaissait, cette sombre flamme... mais pour rien au monde il ne voulait trop s'en approcher... Elle brûlait tout avant même que l'on ne la touche... Mais il savait déjà qu'il ne ressortirait pas de là indemne... Tant qu'il en avait conscience... Malgré sa situation, malgré son mal-être, Feyzin ne put s'empêcher de penser à la tragédie que cet être-même représentait...

S'était-il à nouveau laissé emporté par le flot ? Apparemment oui, car il réalisa soudain que les yeux clairs ne le fixaient plus avec la même intensité, il le transperçaient littéralement, le clouaient sur place... Son regard s'échappa de l'emprise du demi-ange, et le forgeron déboussolé ouvrit la bouche... avec la légère impression d'avoir fait attendre le paladin...

- Qui va m'instruire ?

Malgré le brouillard qui tournait encore autour de son cerveau, Feyzin avait réfléchi à toute vitesse avant de répondre. Et il l'avait fait avec une assurance retrouvée, le regard ferme... du moins était-ce l'impression qu'il avait eue. Cette proposition était, en toute objectivité, bien alléchante... si, bien entendu, elle était mise à exécution... Là n'était pas le problème pour Feyzin. Il était avide d'apprendre, de s'améliorer, et oui, oui, plus que tout, il voulait vivre de cette profession... Mais si cela demandait vivre continuellement en compagnie d'autres comme celui qui lui présentait cette offre... Car l'artisan doutait qu'il soit le seul de son espèce dans l'entourage du nécromant... Et même si le professeur qu'on lui attribuerait n'en était pas, le mot de nécromant seul incluait sommes de magie et d'artifices... En toute honnêteté, Feyzin voulait atteindre son rêve, et il était prêt à beaucoup de sacrifices, pour cela... Il voulait vivre, oui. Mais vivre de lui-même, sans devenir un pantin sous l'emprise d'un homme puissant, ou sous la torture de ses émotions... Cela, il n'y consentirait jamais. Ce prix-là était bien trop élevé...

Le chevalier des ténèbres commençait maintenant à être assez familier des pitreries de son disciple, mais ne les appréciait toujours pas. V'lin le comprenait bien, rien qu'à le voir. Sa carapace n'exprimait rien, mais pour lui, c'était tout comme s'il l'entendait soupirer. Il haussa les épaules. On a bien le droit de s'amuser un peu...

Le demi-ange regarda d'un œil circonspect son oncle "assister" son otage. Ce dernier avait réussi à mener la ténacité du chevalier à son terme. Il avait eu toute une petite éternité à attendre avant cela, pourtant... Oh, bien sûr, V'lin n'y était pas étranger, mais la brutalité dont fit preuve HyiHyil à cause de cela, aussi modérée qu'elle était, ne le lui faisait pas regretter. Le demi-elfe se retrouva donc assis de force sur le fauteuil, avant de pouvoir comprendre comment il en était arrivé là. Mais cela était facilement explicable. Le jeune homme était plutôt mollasson, et son cerveau, lent. Et vu son temps de réaction visible, il semblait que ce n'était pas prêt de changer...
Pourtant, à présent en retrait derrière le siège où trônait son oncle, l'angélique ne lâchait pas des yeux cet insignifiant petit freluquet. Il avait beau le jugeait ainsi, celui-là l'intriguait malgré tout. Mais cela, évidemment, il ne le montrait pas. Les cheveux longs en bataille recouvraient en grande partie le visage à la peau d'ébène, n'aidant pas à donner au demi-drow un air plus éveillé...

Puis son oncle parla. Ce qui n'eut en apparence aucune conséquence. Son regard se contenta de dériver dans la pièce. Et c'était à ce garçon plus que banal que son maître prêtait attention. Mais c'est que j'en deviendrais presque jaloux ? Le visage du demi-ange resta immobile, maintenant son humeur secrète : le moment n'était plus à la plaisanterie, et le pathétique de la situation le laissait par dessus tout perplexe...
Alors comme ça, ce gosse était forgeron... Il l'imaginait mal avoir beaucoup d'expérience. Du talent ? Il y avait une preuve de cela ? Il avait à peine vécu ! Mais si HyiHyil le croyait... Il voulait donc obtenir sa collaboration. Seulement, le jeune artisan n'avait toujours pas répondu. V'lin remarqua pourtant que son regard s'était posé sur lui. Incisif. Il l'avait peut-être jugé un peu vite. Mais ce gamin était toujours désorienté, et c'était sans doute sur cela que se reposait son oncle... Il était dans un état peu propice à la réflexion, il devrait accepter son offre sans trop de difficulté...
Mais pourquoi ne répondait-il pas ? V'lin était celui qui commençait à s'impatienter, maintenant... Et quelque chose lui disait qu'il n'était pas le seul, même s'il ne pouvait pas le voir. C'était incroyable. Lui-même avait dû changer d'expression, exprimant sa pensée retenue. Car en effet, alors que le jeune homme le fixait toujours, les yeux pourtant sombres brillèrent soudain d'un nouvel éclat au travers des mèches noires. Comme un déclic, l'intelligence les faisaient étinceler... Cela ne dura qu'un instant, juste assez pour que V'lin commence à douter de son impression. Mais un tout petit instant... La suite lui donna à nouveau raison, et, sans se forcer cette fois, il eut réellement grande difficulté à ne pas mourir de rire...

- Qui va m'instruire ?

C'en était touchant de naïveté et de maladresse. Le demi-ange croisa les bras et recula pour s'appuyer sur le mur derrière lui. Il se laissa aller à sourire, expression qui seyait parfaitement à son visage, même s'il l'ignorait. Mais il aurait de toute façon préféré ne pas le savoir : car son minois angélique faisait oublier tout le reste...

Intérieurement, le maudit jubile mais ne dit mot. Dissimulé par la visière de son heaume, il tente de retenir l'hilarité qu'il sent monter. S'attirer la pleine coopération de l'artisan serait un tour de maitre à double effet : son travail ne pourrait que renforcer les troupes nécrotiques tout en jetant un trouble au sein des "amoureux pleutres" d'en face...

Dans un léger crissement de son armure hérissée, il se penche en avant, fixant son regard de nacre sur Feyzin.

"Dois-je conclure par cette question que mon offre ne serait pas dénuée d'intérêt ? Elle fait au moins la démonstration de votre bon sens, Maître..." Encore ce ton un peu ironique, voire cynique, alors qu'il laisse trainer la fin de sa phrase dans un souffle sifflant avant de poursuivre. "Vous devez bien vous doutez que le camp que j'ai rejoint n'est pas dépourvu de moyens. Parmi ceux-ci, il en est qui vous montreront ce qu'aucun homme ici ne saura vous enseigner. Ces techniques, développées au cours des siècles ont atteint un perfectionnement sans égale que seul votre talent unique sera à même d'appréhender. Un tel enseignement ne peut se refuser, Maître."

Regardant intensément le noiraud affaissé sur son fauteuil, il semble soudain se radoucir et propose en se redressant :

"Mais j'en oublie tous mes devoirs... J'avais fait préparer un repas chaud à votre intention." Il tape un coup sec du plat de la main sur l'accoudoir de son fauteuil avant de terminer en s'adossant confortablement. "Restaurez-vous tranquillement, vous me donnerez votre réponse plus tard... Mais pensez-y, aucun de ces sang-bleus ne pourra faire une offre équivalente..."

La porte du salon s'entrouvre alors brièvement, laissant passer la cacophonie et les lumières de la grande salle au-delà. Un Ork à l'aspect malingre se faufile dans l'entrebaillement, chargé d'un large plateau et ferme derrière lui, du pied, sans même se retourner. D'une démarche étrangement sautillante, il s'approche rapidement.

"V'la! V'la ! Boss ! L'repas d'Messire forg'ron est s'rvi !"

La créature jette littéralement le plateau sur les genoux de Feyzin avant de pirouetter rapidement, repartant encore plus vite qu'il n'est venu. La porte branlante s'ouvre et se referme sur le vacarme avant même que le forgeron n'aie eu le temps de comprendre qu'il est effectivement servi.

La magie opère vraiment en ces lieux... La porte du "salon" est à moitié pourrie, aux planches disjointes permettant de voir la grande salle, et pourtant, rien ne filtre ni du bruit, ni de la lumière de ce qui se trouve au-delà...

Sur le plateau, plusieurs bols et assiettes attendent d'être vidés : potage épais, tranches de rôtis, ragoût apétissant, divers légumes dans des préparations différentes... Rien ne manque...

Dénuée d'intérêt ? Comment Feyzin aurait-il pu trouver cette proposition dénuée d'intérêt ? C'était impossible ! Il n'avait pas besoin d'étaler devant lui les avantages de cet apprentissage, il les avait bien devinés par lui-même... Bien entendu, qu'il était attiré par cette offre plus que généreuse... Il aurait même accepté sans réfléchir, s'il n'y avait eu ce malaise... Mais il était un véritable frein, car il ne pourrait vivre ainsi... Il deviendrait fou, ou aurait au mieux le désir insurmontable de mettre fin à ses jours... Il ne pourrait pas... Mais malgré tout ce que le chevalier savait sur lui, il semblait bien que ce dernier ignorait totalement ce fait...

- Ecoutez, je ne...

Le paladin avait détaillé les principales causes qui pousseraient le forgeron à venir avec lui sans condition, et le jeune homme l'avait écouté d'une oreille attentive, même si sa raison encore vivace lui soufflait de refuser... Seulement, il n'eut pas le temps d'émettre ses réserves : le guerrier n'avait apparemment pas terminé...

- Mais j'en oublie tous mes devoirs... J'avais fait préparer un repas chaud à votre intention. Restaurez-vous tranquillement, vous me donnerez votre réponse plus tard... Mais pensez-y, aucun de ces sang-bleus ne pourra faire une offre équivalente...

Pour une fois, le chevalier n'avait pas utiliser son titre comme moquerie, et il avait parlé de façon franche et sans menace sous-jacente. Et malgré le coup qu'il donna sur le coude son fauteuil, Feyzin arrêta à ce moment de trembler. Etait-ce parce que le mort-vivant s'était un peu éloigné de lui, parce que son regard givré était devenu moins glacial ? Une chose était sûre, Feyzin n'avait pas assimilé son propos, et ne compris ce qu'il voulait dire que lorsque l'ork pénétra dans la pièce... Il avait juste retenu un mot, sang-bleu, qu'il avait du mal à replacer dans son contexte... Mais la nourriture offerte devant lui, ce détail lui sortit complètement de la tête, avec simplement une petite pensée à ce propos : il pourrait toujours y réfléchir plus tard, il aurait l'esprit plus clair l'estomac plein. Il en oublia quasiment le nœud au ventre que son environnement serrait de plus en plus, inexorablement... Son estomac était bien trop exigeant pour s'en soucier à cette occasion... Le cerveau déconnecté, Feyzin se jeta - littéralement - sur la nourriture, sous le regard satisfait de ses geôliers.

Les cheveux toujours en bataille, le demi-elfe était penché sur le plateau, ne laissant voir que cette masse noire. Il enfournait preste inconsciemment quantité de nourriture, sirotant la soupe, croquant les légumes appétissants, taillant la viande sans même prendre la peine d'utiliser le moindre couvert... Entraîné par une faim dévorante, le jeune homme faisait preuve d'une frénésie peu commune... Les quelques mèches qui s'échappaient de sa chevelure en étaient irrationnellement secouées... Feyzin était complètement absorbé par son activité, question de survie pour son corps en manque d'énergie, et ainsi isolé de son environnement, il n'intégrait plus ce qui pouvait se passer pendant ce temps...
Il ne fut évident que Feyzin avait terminé son repas que lorsqu'il fit à nouveau voir la couleur de ses yeux... Les plats n'étaient pas vides, mais il manquait quand même une grande partie de leur contenu... Et ils avaient visiblement été un véritable remontant pour le forgeron, bien plus que l'alcool qui avait eut beaucoup trop d'effets pour le forgeron à jeun... Sa peau mate était toujours un brin trop pâle par rapport à sa couleur d'origine, mais ses lèvres étaient closes hermétiquement, et son regard ferme indiquait une volonté renouvelée. Et sans que le reste du visage ne bouge d'un muscle, les yeux verts montraient un sourire intérieur... Il s'effaça bientôt, au profit d'un soupçon. Les paupières du demi-elfe se plissèrent alors, et ses lèvres se descellèrent.

- Suis-je vraiment en face d'un choix ?

Malgré les affirmations de l'allié du nécromant, Feyzin doutait de cela. Il se sentait toujours mal, sensation à laquelle se rajoutait un légère nausée : d'avoir mangé trop vite, Feyzin était un peu barbouillé... Et la boule qu'il gardait dans la gorge lui rappelait encore sa condition. Son discernement lui indiquait que l'avenir de son essence même dépendait de sa réponse... Mais il commençait à être émoussé... Il fallait qu'il retienne sa langue, mais devait agir, très vite...

Le sourire tranquille au lèvres, l'angélique sentit la joie qui envahissait son maître, et l'odeur de victoire qu'il dégageait. Il avait raison, c'était certain. Le forgeron ne tarderait plus trop à les rejoindre. Le chevalier se pencha vers lui. De cette manière, le jeune homme impressionnable pouvait sentir sa supériorité. V'lin imaginait parfaitement le regard perlé qui figeait sa victime : il en constatait les effets...
Il observa passivement la scène, alors que son oncle appuyait les points essentiels de son argumentation, déstabilisant encore plus le simplet... Ce dernier ouvrit la bouche pour lui répondre, mais le pauvret ne put pas. Cela le soulagea rapidement, pourtant, car HyiHyil ne proposait rien d'autre... que de le nourrir.

Le demi-ange s'accouda nonchalamment sur le fauteuil, la tête à côté de celle de son mentor lorsque le demi-elfe se précipita sans interrogation sur les mets que l'on avait mis sous son nez. Son sourire s'était élargit en le regardant faire. Il semblait que rien dans cette situation ne pouvait l'atteindre. Il était dans son monde, et eux, à l'extérieur, ne le toucheraient pas.

- Alors comme ça, il a... du talent... Un talent unique...

Son maître voyait souvent juste. Si ce n'était toujours. HyiHyil ne choisissait pas ses sujets au hasard, il était bien placé pour le savoir. Quand il s'engageait dans une telle voie, c'était toujours pour y récolter un bénéfice, ce bénéfice étant la personne sur laquelle il avait jeté son dévolu. Et il réussissait à chaque fois. Mais ce coup-ci, le but était de ramener le forgeron avec eux. Qu'il se joigne à la puissance du nécromant, de son plein gré... Et à son souvenir, HyiHyil n'avait jamais fait cela. Pourtant, c'était le cas, V'lin en était la preuve vivante...

~~~

Un souffle saccadé. Une femme qui court. Cette femme n'est pas comme les autres. Deux grandes ailes, majestueuses tombent dans son dos. Mais un liquide rougeâtre souille sur les plumes immaculées. Elle court, pourtant, ne pouvant décoller, elle court, ignorant la blessure à la base de ses membres, elle court, aussi vite que ses jambes peu entraînées le lui permettent. Dans ses bras, un petit paquet, qu'elle sert fort contre son cœur. Le drap fin qui l'entoure se fond avec la toge vaporeuse qui vole au vent. Elle court, elle court, sans s'arrêter, espérant ne plus entendre les cris qui la harcèlent. De son espoir résulte un miracle. De courts mouvements de ses ailes estropiées la soulèvent par intermittence, elle devient plus rapide. Unie avec l'air qui l'entoure, ses pieds finissent par ne toucher plus qu'à peine le sol. Les cris s'éloignent, lentement... Alors elle ralentit. Elle jette un œil sur l'enfant qu'elle tient dans ses bras. Un jeune garçon aux cheveux blonds, charmant chérubin à l'aile brisée. Malgré toute sa volonté, les efforts fournis pour échapper à ses poursuivants l'ont épuisée. Elle regarde en arrière. Un nuage de poussière déforme la plaine. Elle est en sécurité. Encore un tout petit moment. Elle s'agenouille entre les hautes herbes. Elles la masquent aux yeux des prédateurs, mais ils arrivent sur elle, cette cachette n'est que temporaire. De désespoir elle lève les yeux au ciel.

- Pardon, ma Dame, j'ai failli...

Son regard d'azur se pose alors sur les yeux du visage enfantin, déjà intelligents.

- Je... Je ne suis pas une bonne mère, au final... Je n'étais pas la bonne personne... J'espère que tu seras quand même heureux...

L'ange serre encore le jeune enfant contre elle, ses larmes s'écoulent sur les joues du bambin. Elle regrette d'avoir échoué. Sincèrement. Mais il est trop tard. Elle prie pour que son destin s'accomplisse malgré tout, mais pour la première fois de sa vie, elle doute. A cause d'elle, il a changé. Et à présent, elle n'a pas le choix. Elle n'a plus le temps. Elle doit être une diversion. Pour qu'il vive. Elle tâte le sol et y dépose délicatement son précieux fardeau. Il ne faut pas qu'ils viennent par ici. Elle doit s'éloigner. Oui, elle regrette. Mais le garçon ne souviendra certainement jamais du dernier regard qu'elle lui adresse...
Elle se met à ramper. Sans se relever, plaquant ses ailes sur ses côtés, pour ne pas être vue. Aussi rapidement qu'elle en est capable, elle laisse le nourrisson derrière elle. Ils seront bientôt là, elle ne les entend plus, à présent, elle les sent... Est-elle assez loin ? Elle espère que oui. Soudain, elle se relève et recommence sa course. Les interjections des orks recommencent de plus belle. Elle sait qu'ils la montrent du doigt, mais malgré le danger, elle ne peut retenir un regard en arrière. Elle soupire de joie : la trajectoire prise par la horde a évité la zone où elle s'était réfugiée. Le petit est sauf. Mais l'attention qu'elle lui porte la distrait. Elle trébuche. Ils sont trop près. Il profitent de sa faiblesse et l'empoignent. Soulagée par sa constatation, l'ange a perdu toute intention de se battre. Elle ne résiste pas, ils l'emportent. Ils la soulevèrent pour s'éviter la peine de la traîner derrière eux. Mais malgré tout, elle le remarque, ils la traitent avec soin, presque avec respect, comme pour ne pas l'abîmer. Elle est à présent en leur pouvoir. Briser ses ailes n'était seulement un moyen pour qu'elle ne leur échappe pas. Elle ferme les yeux. Ils ont gagné. Peu lui importe ce qu'ils vont faire d'elle. Sa vie peut se terminer, si elle a la certitude que l'enfant survivra. Si seulement elle avait pu envoyer un message... Mais au moins, il ne mourra pas entre les mains vertes et griffues de ses ennemis.
Ils s'arrêtent. Ils ne sont pas allés loin. Une sourde angoisse la tiraille alors. Ont-il trouvé le poupon emmailloté ? Ce n'est pas ça. Mais l'ange n'a pas le temps de s'en sentir apaisée. Car son émotion est rapidement remplacée par une autre, une vague de terreur pure. Les orks la reposent à terre. Elle se retrouve face à une armure noire impressionnante. Des pics noirs hérissent le heaume. L'impression qui s'en dégage la saisit. Alarme, consternation. Et elle comprend. Les orks qui l'ont capturée sont à ses ordres. Et elle... elle... Elle est une offrande.

Une des créatures immondes s'approche du chevalier. Elle est un peu plus grande que les autres, le visage maquillé, sans doute le chef de la bande. Elle lui parle. La femme écoute le langage guttural, mais ne comprend pas. Le meneur fait quelques pas en avant, vers elle. Elle tente de reculer, mais est retenue. Alors, malgré sa peur, elle relève la tête et le toise avec dignité. Deux fentes blanches s'ouvrent dans le casque, contrastant avec la tonalité globale du personnage. Un son caverneux et lugubre résonne dans la cavité de l'armure, comme si elle était vide. Elle tremble. Il rit. Il se moque d'elle.
Pauvre oiseau sans défense prit dans des rets trop étroits pour avoir la moindre chance de s'en évader. Créature céleste entre les mains d'une âme noire. D'ailleurs, le chevalier les pose sur elle. Sensation effroyable et glaciale. Elle tremble de plus belle, ne faisant qu'augmenter la délectation de son geôlier. Le métal glisse sur son corps, longe sa taille, remonte lentement. Avec les orks derrière elle, ses mouvements sont limités. Elle essaie pourtant de se dégager. Mais elle resserre d'elle-même les mailles de son filet. Coincée entre les mains du paladin noir et ses fidèles, elle ne peut plus se débattre. Complètement immobilisée, elle ne peut esquiver le rire du mort-vivant. Sa victime est piégée, elle ne peut rien faire. Il se réjouit de son épouvante. Contrainte à l'horreur, elle ne peut la repousser. Il s'en nourrit.
Les voiles ne survivent pas longtemps aux griffures aiguisées. Elles déchirent la peau fragile. L'ange ne retint pas son cri. Il excite les créatures autour d'elle, qui reniflent le sang qui a coulé. Elle tombe sur la végétation cramoisie et regarde sa robe s'envoler. Son esprit la suit. Le temps est figé, la glace se répand dans son corps. Puis l'ombre noire s'éloigne, laissant la place à ses sujets. Les ailes sont brisées, les plumes s'enfuient dans la brise. Mais l'ange est au-delà de la douleur. Elle sent les corps poisseux coller le sien, mais elle pense à l'enfant... Cet enfant qu'elle aurait tant souhaité être sien, qu'elle aurait voulu voir grandir... Cela ne se ferait plus... Mais elle avait réussi à le sauvegarder, il est en sûreté. Bien plus qu'elle. Alors elle ferme les yeux, fait ralentir son cœur.

- Sois... heureux...

Les orks se relèvent et se regardent sans comprendre. Le corps qu'ils enlacent ne bouge plus, ne respire plus. La vie l'a quitté. Leur interrogation se retourne vers leur chef, et l'armure examine l'ange de façon succincte. L'ange s'est donné la mort, il n'y a plus rien à faire. Un geste de lui, et les orks toujours font du corps leur repas. L'odeur du sang est répandu par le vent. Un cri s'élève, laissant la compagnie perplexe. Des pleurs de nouveau-né. Le chevalier est le premier à bouger, marche tranquillement vers le bruit. Il cueille dans l'herbe une étrange fleur Auréolé de pétales blancs, le pistil ne s'en différencie guère. Seules deux émeraudes claires se détachent. Le garçon a arrêté de pleurer. Il grimace, supporte en silence de la torture infligée par l'aura noire. Il souffre, mais ne fait plus un bruit. Croit-il pouvoir tromper ainsi la vigilance de celui qui le porte, comme les animaux qui font le mort ? La poupée s'anime, le petit bras touche le métal de l'armure. L'enfant fixe sa main, le rouge qui s'est déposé sur elle. Il porte ses doigts à sa bouche, suce le sang de sa mère. Les fentes s'étrécissent, un sourire invisible se forme. Il ne le tuera pas. Ce petit ange aura pour seul baptême les derniers mots prononcés par celle qui l'a protégé au prix de sa vie. V'lin.*

HRP/
* Chose à savoir pour ce nom, c'est que l'ange a parlé dans sa langue maternelle. Ce qui a donné : "V... lin..." Moi et les langues.

A voix basse, du moins, autant qu'il le peut, Hyi Hyil répond à V'lin. Du moins, un éventuel observateur pourrait le supposer : le chevalier parle sans quitter le forgeron des yeux, guettant chacun de ses mouvements.

Parlant d'un ton monocorde, "l'oncle bienveillant" explique à son "neveu".

"Oui, cet homme a du talent. Les renseignements du patron sont indéniables à ce sujet. Et si Velvi le pense, alors cet homme ne doit pas être perdu au profit des Autres..."

Le dernier mot, lourdement appuyé, est chargé de la haine profonde que porte le non-mort envers le Conseil de la Princesse Kuru. Il n'oublie pas le coup de main qu'il lui a donné il y a quelques temps et, encore aujourd'hui, ne saurait expliquer son geste. Mais qu'importe, il n'y avait pas de témoin et ce n'est pas lui qui s'en vanterait.

De la main, il balaie négligemment ses pensées avant de poursuivre :

"Mais si nous le voulons complètement, mon intuition me dit que nous ne devons pas le forcer. Le forcer serait le perdre... Et perdre cette occasion déplairait très fortement au patron. Et pour comprendre cela, nul besoin de divination."

Il marque une pause, observant toujours Feyzin tel un chasseur surveillant sa proie, inconsciente du danger. Les embouts digitaux de ses gantelets crissent légèrement sur les accoudoirs, démontrant une nervosité inhabituelle avant qu'il ne poursuive, toujours sur le même ton de conspirateur.

"Observe-le, V'lin. Ne vois-tu pas la précision de chacun de ses gestes ? Même en ce moment, alors qu'il baffre comme le dernier des affamés. Il ne fait aucun geste au hasard, aucun de ses mouvements n'est superflu, inutile. Ensuite, prête attention à ses perceptions, sa façon d'appréhender ce qui l'entoure. Il mange si vite qu'il ne peut voir tout ce qu'il fait, tout ce qu'il prend. Et pourtant, vois comme il saisit, attrape... Vois la précision de ses prises. C'est indéniable que cet artisan peut voir au-delà des apparences... Façonner des armes incroyables et puissantes est à sa portée. Et ce, dès cette vie. Ne le vois-tu pas ?"

Légèrement contrarié par ce que sous-entendait le chevalier, V'lin fronça les sourcils. Son regard se tourna presque malgré lui vers le forgeron en train de se "restaurer". L'apprenti devait bien avouer que son maître avait raison. Le jeune homme mangeait à une vitesse peu commune, mais ne faisait aucune éclaboussure, ne laissait pas échapper une seule miette. Chacun de ses mouvements semblait calculé, il avait une conscience aigüe de ce qu'il faisait, portait à sa bouche chaque parcelle de nourriture avec résolution, sa vitesse n'excluait pas la minutie...
Une fois de plus, son oncle avait vu juste... ce qui le contraria un peu plus. Le demi-ange n'avait pas remarqué plus tôt ce que l'armure lui avait décrit, pour la simple et bonne raison qu'il n'avait pas pris la peine de regarder. Mais ce petit insecte insignifiant était en réalité bien plus que cela. Il devait réviser son jugement, et cela ne lui plaisait pas. Ce forgeron avait bien peu d'expérience, mais déjà toutes les capacités qu'il fallait. La précision, la vigilance... l'intelligence... V'lin n'en doutait plus. Et ils avaient les moyens de les mettre en valeur, de les accroître. Il en manquait peu, il pourrait les mettre à profit, "dès cette vie" avait dit HyiHyil... à leur compte.
Justement le chevalier avait également mentionné "les Autres". Se pouvait-il que le Nécromant ne soit pas le seul à avoir d'ores et déjà repéré ce jeune talent ? De cela V'lin n'était pas entièrement certain. Il lui semblait que l'Ordre du Cœur recrutait, en effet, mais pas de cette façon. Les personnes qui voulaient s'y rattacher montraient leur motivation en se rendant directement au Château de la Princesse. Les membres de l'Ordre ne se déplaçaient pas pour cela. Et puis... Le demi-ange imaginait mal celui qu'il avait sous les yeux rejoindre les pitreries mièvres de ces pommes (d'amour). Il avait à présent assimilé le fait que le jeune homme était moins naïf qu'il en avait l'air, il ne serait pas du genre à se laisser embarquer aussi facilement... que ce soit par les uns ou les autres... Il faudrait le convaincre.

Les yeux braqués sur le forgeron revinrent du côté de son maître, et V'lin, dans sa phase d'observation, ne manque pas les gestes un peu crispés de HyiHyil. Il sourit à part lui, pensant avec ironie qu'un squelette tendu était une jolie image.N'ayant pas dans l'intention de lui manquer de respect, le jeune chevalier ne put pourtant retenir un sarcasme.

- Eh bien, mon oncle ? Vous avez donc à ce point peur qu'il prenne un autre chemin ?

Malgré tout ce qu'il avait vu et compris, V'lin était d'avis que ce forgeron ne serait pas une grande perte. Puisque l'Ordre du Cœur ne viendrait pas à lui, il n'y avait rien à craindre. Le forgeron n'avait aucune raison de les rejoindre. S'il refusait leur offre, il se contenterait sans doute de retourner à son atelier pour continuer sa petite vie banale. Si toutefois il réussissait à reprendre une vie normale après ce que le demi-ange avait senti en lui...

Hyi Hyil se tourne brusquement vers son disciple, surpris. Employant le langage des forces du mal, le Dark Speech, il rétorque :

"Moi, peur ? Tu connais ma seule peur... Non... Ce n'est guère plus que de l'inquiétude... L'inquiétude de voir nos plans contrariés par l'incertitude d'un jeune homme indécis."

Le Chevalier Macabre se radoucit quelque peu avant de poursuivre, toujours dans la Langue Noire.

"Ce noiraud pourrait faire quelque mauvaise rencontre auprès des Autres. Une certaine rencontre qui me contrarierait au plus haut point. Qui peut dire comment il y réagirait d'ailleurs... ?"

Cette interrogation le plonge dans ses pensées. S'accoudant, la tête sur le poing fermé, il réfléchit, le regard fixé sur le forgeron, toujours caché derrière ses cheveux en désordre.

A la première réflexion du chevalier, son apprenti leva un sourcil perplexe. Il semblait que son maître avait manqué un ou deux détails. Et puisqu'il semblait vouloir à tout prix garder cette conversation secrète, V'lin comprenait bien pourquoi, le jeune ange employa le même langage que son oncle.

- N'as-tu pas remarqué, ou as-tu simplement oublié ? Cette fois, c'est à toi d'écouter et d'observer. Tout à l'heure, ce gosse a failli mourir de faim. Mais malgré tous ses efforts, et même l'estomac plein, il y a un état de fait. Il est faible. Si ce n'est physiquement, ce sera mentalement. Tu ne l'as pas vu ? Son corps continue de trembler malgré lui, même si c'est infime. Un frisson remonte le long de son échine à chaque fois que le son de ta voix lui parvient. Et pourtant, je te garantis qu'il fait énormément d'efforts pour passer au dessus et le cacher... Tu as ta propre peur, il a la sienne. Et je crois que j'ai trouvé ce que c'est. J'ai tout d'abord pensé que c'était l'atmosphère malsaine du lieu, mais je me suis trompé. Cela ne suffit pas. J'ai ensuite avancé que cela venait des créatures qui l'entouraient, mais il n'a rien manifesté quand l'ork l'a servi. Cela vient alors forcément de nous... mais en réalité, pas de moi. Il n'aurait pas supporté si bien ma proximité tout à l'heure... Alors je n'ai qu'une explication : il a peur de toi, de ce que tu dégages. Car tu es un concentré de maléfices, et je crois que c'est cela qu'il craint par-dessus tout. Moi, je n'en suis pas encore à ce stade... Si tu veux lui garder un semblant d'équilibre, tu dois te tenir loin de lui. Car il est très fragile. Ou alors, il faut le rompre complètement, pour qu'il s'en construise un nouveau. Le résultat est incertain, mais il nous sera acquis. Mais dans ce cas, il faut battre l'enfer tant qu'il est chaud...

En voilà un joli discours ! V'lin parlait peu, alors il ne parlait jamais à la légère. Par conséquent un telle rhétorique se devait d'être prise ave le plus grand sérieux. Mais HyiHyil était bien le seul à y avoir droit : il était le seul en qui son filleul avait toute confiance, et il ne se livrait jamais ainsi à quiconque. Le chevalier en était parfaitement conscient et cette ouverture était réciproque.
L'angélique plissa bientôt les yeux, jugeant visiblement que ce propos avait été vraiment long... Et ses palabres étaient décidément bien trop sérieuses. Il eut un sourire espiègle en pensant à la seconde inquiétude de son oncle. Certes la question était elle aussi sujette à discussion, mais V'lin avait déjà eu sa dose. Il n'avait pas envie de continuer sur cette voie.

- Et qui est donc cette personne qui pourrait par cette simple rencontre ruiner tous nos beaux projets ?

Même si le forgeron n'était pas en mesure de les comprendre, V'lin vit bientôt qu'il avait malgré tout peu de chance d'obtenir une réponse. En tout cas pas dans l'immédiat. Car il perçut le bruit de mastication, pourtant très discret, ralentir puis s'arrêter complètement. Il tourna la tête vers leur "hôte" au moment où celui-ci relevait la sienne, dégageant son visage de ses cheveux indisciplinés.

- Suis-je vraiment en face d'un choix ?

Il ne put retenir un sourire en entendant cette question très naïve et pourtant pleine de sens posée de façon si intelligente. Perspicace, le petit ! Pourtant, lui n'était pas décidé à y répondre. Ce forgeron faisait partie des résolutions de son maître, et il ne se sentait aucune responsabilité envers lui. Il devait bien reconnaître que HyiHyil avait eu raison sur toute la ligne, mais cela ne le dispensait pas d'avoir sa propre opinion. Certes, le regard du jeune homme était à présent éveillé, et exprimait bien plus que les yeux ternes ne l'avaient laissé soupçonner. Il était brillant et avait l'esprit vif, mais restait malgré tout un grain de poussière bien insignifiant aux yeux du demi-ange... Alors, reprenant les accents du commun, il parla comme il devait lui parler, donnant sans doute l'impression qu'il le considérait comme un animal. Il ne nierait pas, c'était le cas.

- As-tu un nom ?

Quelle impression étrange... Au moment où il avait terminé son repas, et ou sa vigilance revenait à son état normal, il avait semblé à Feyzin qu'un son d'un autre monde arrivait... Il avait pris son temps, et cela lui avait permis de le cerner, de mieux le situer... C'était une langue inconnue, aux intonations étranges et sombres, qui résonnait en syllabes mystiques.. Chaque mot prononcé ainsi avait un pouvoir, il le sentait, mais sur le ton de la conversation, celui-ci était inusité. Quel fait stupéfiant que de voir ces mots occultes et énigmatiques émerger de la bouche d'un tel être...
A peine avait-il relevé la tête que son regard croisa celui de l'ange, à la fois amusé et désabusé. A sa question, il répondit par une autre. Feyzin n'avait pas besoin de chercher loin ce qu'il cherchait à faire...

- Vous le connaissez déjà, je ne vois pas pourquoi je me fatiguerais à vous le redonner.

Feyzin n'aimait pas la manière dont ce poseur le traitait, mais ce n'était pas le pire. Il pouvait bien le supporter encore un peu... un peu... Alors il appuya le regard de l'ange. Il ne se laisserait pas abattre aussi facilement. Il était décidé à bien faire valoir son humanité, à lui prouver qu'il ne pouvait pas être considéré comme un moins que rien. Mais concentrer toute son attention sur les iris taillés de jade lui permettait surtout d'oublier l'aura glaciale. L'angélique l'avait peut-être réalisé, il se servait de lui comme une barrière contre son voisin. La mana ne circulait pas dans ses veines comme elle parcourait le plaques de l'armure, et rien que ce fait était pour Feyzin un véritable réconfort...

Le forgeron ne voulait pas se laisser faire. Se laisser marcher sur les pieds n'était pas son genre, un bon point pour lui. Mais V'lin remarqua tout de suite la manœuvre du jeune homme, il le savait incapable de soutenir le regard des fentes étoilées comme il le faisait en ce moment. Il était le soutien de ce petit être, et cela éveillait un sentiment d'antipathie à son égard. Car à son sens, c'était loin d'être flatteur... Il ne maintint pas longtemps son regard en vis-à-vis des yeux aigue-marine. La feuille de sa lance se retrouva bien vite dans une position qui forçait l'insolent à relever la tête plus que de coutume, sous sa gorge.

- Ecoute-moi bien. Ne me vois jamais, jamais comme un ange. Je suis plus enclin à te trancher la gorge que celui qui te hante. Ne te trompe pas.

Les yeux plissés de l'ange singulier ne cassaient pas l'ambiance que ses paroles avaient soudainement rendue pesante. Il semblait qu'il avait parlé du fond de la gorge, sans ouvrir la bouche, mais c'était bien sa voix que le forgeron avait entendue. L'air donnait même l'impression de ne pas avoir vibré tellement il était glacé. Oh, bien sûr, V'lin n'allait pas le tuer. HyiHyil lui en voudrait bien trop pour cela, il pensait en avoir besoin...
Le chevalier aurait pu hésiter de la conduite à tenir face à sa constatation désagréable. Mais son sang l'avait emporté, et s'il n'avait eu une certaine modération dans son dos, la tête du gamin aurait déjà roulé au sol. Sa volonté avait stoppé son geste à temps, mais le chevalier noir derrière son filleul savait que le demi-elfe avait eu beaucoup de chance.

Lentement, pour bien faire peser la menace, V'lin retira la pointe de sa lance. Un mince filet de sang s'écoula de la peau superficiellement percée, que le demi-ange s'empressa de laper avant que le forgeron ne détende les muscles de son cou. Le regard faussement enjôleur nargua le jeune homme réduit à l'impuissance, lui rappelant que l'avertissement était toujours valable. Le guerrier revint bientôt à sa place. Il sentait l'œil inquisiteur de son maître sur lui, même s'ils ne se regardaient pas. Pour lui, ce geste n'allait sans doute pas rester sans suite... S'accoudant à nouveau sur le fauteuil, souriant de façon exaspérante à son nouveau jouet, V'lin s'en moquait bien : il se contentait de faire comme si rien ne s'était passé... ce qui n'en signifiait pas moins.

Silencieux, Hyi Hyil reste plongé dans ses pensées, immobile.

V'lin s'en doute peut-être, ou s'en offusquerait sûrement de le reconnaître : son long discours sur la source probable de la peur du forgeron s'est perdue dans les limbes de l'inconscient du chevalier.

De la même façon, se perd la question qui suit. Question qui serait resté sans réponse de toutes façons, Hyi Hyil n'ayant pas l'intention de révéler le fond de sa pensée à son disciple... Pas sans y être obligé.

C'est la réaction excessive de ce dernier, justement, qui tire l'Ancien de ses pensées. Aussitot, sa main quitte son heaume et s'abat lourdement sur l'accoudoir, reproduisant le claquement émis plus tôt.

Il règlerait ça plus tard, assurément... Pour le moment, Feyzin attend une réponse.

A nouveau, il se penche en avant et adopte son ton semi-cajoleur, semi-cynique.

"Maître Feyzin, comme vous devriez vous en douter, vous n'êtes nullement mon prisonnier. Vous êtes mon invité, l'invité de marque du jour pour ce modeste établissement. Aussi, libre à vous d'accepter..." Le ton est monté, appuyant le dernier mot, avant de se faire plus doux, presque à voix basse pour finir la phrase. "...ou de refuser..."

De la main, Hyi Hyil désigne le plateau mais d'un geste si vague qu'il pourrait aussi bien désigner l'ensemble du siège branlant sur lequel le forgeron est assis.

"Je voulais vous faire cette proposition en vous offrant un bon repas. Voilà qui est fait. C'est à vous de faire votre choix désormais..." Il se tourne légèrement vers V'lin, derrière lui et continue. "A vous seul, Maître... Le Monde est dangereux, Maître, et les sources de danger sont bien nombreuses... Mais vous seul décidez ce que vous ferez de votre vie..."

Ce fut tellement soudain que le forgeron n'eut pas la moindre opportunité de s'y préparer. La lame de pique s'était retrouvée plaquée sous son menton avant qu'il n'ait eu le temps de comprendre pourquoi. Et il n'y réfléchit pas. Car le simple contact de l'arme contre sa peau avait déclenché une nouvelle série de frissons. Ce fut sans doute la cause directe de la sensation suivante : une goutte avait perlé sur son cou, à l'endroit où la pointe s'était immiscée dans sa chair... Tête levée, mâchoire serrée, Feyzin tenta autant que possible de refluer ses instincts. Un souvenir lui revenait subrepticement en mémoire, affirmant ses craintes. Un jeune soldat tremblait. De son mouvement, une goutte de sang coula. Et l'instant d'après, la tête tranchée roulait aux pieds du spectateur... Le jeune homme déglutit, manquant enfoncer plus loin le tranchant dans sa gorge. Mais la lance de l'ange ne semblait pas aussi puissante que celle de son maître. Elle n'avait cette propriété, de guider la main de son propriétaire pour assouvir sa soif de sang. Le demi-elfe relaxa ses muscles autant qu'il le pouvait, relâchant ainsi la pression qu'exerçait indirectement la main du chevalier sur sa vie.
Tellement concentré sur le picotement que provoquait sur lui la lame magique, Feyzin faillit manquer le court temps de parole de l'être en face de lui. Il était si près que le jeune homme sentit presque plus qu'il n'entendit ce que l'ange lui soufflait au visage. Sa voix était devenue inquiétante. Non pour le ton qu'il employait, ni pour les paroles prononcées, mais par sa nature-même... Il semblait presque à Feyzin que ses lèvres ne s'étaient pas ouvertes, que ses cordes vocales n'avaient pas vibré. C'était un son... caverneux... comme... Le forgeron ne put retenir un regard en con à celui qui restait assis en retrait de la scène. Comme lui... Cela signifiait sans doute que cet ange était en train de devenir... Non. C'était inconcevable... Mais pourtant, il le réalisait bien : il suffisait d'avoir cet être en face de soi pour le comprendre...
Pourquoi agissait-il ainsi ? Feyzin n'était pas sûr de le savoir, mais cela lui sautait aux yeux, maintenant que sa cervelle ramollie avait repris une consistance plus convenable... Il avait saisi le but de son regard, de façon un peu trop évidente. Cela ne lui avait pas plu. Il se vexait d'être confondu avec ce qu'il était vraiment ? Le forgeron aurait pu en rire si la situation avait été toute autre. Mais là... L'aiguille froide et fine le maintenait réveillé. Et le sens des mots lui parvint enfin...

- Je préfère mourir que de perdre la raison...

Avait-il vraiment dit ça ? Oui, et ce n'était que la vérité. Le plus surprenant était sans doute qu'il ait réussi à le dire... Oh, bien sûr, sa voix avait été presque aussi audible que s'il avait parlé sous l'eau, mais l'artisan était certain que son adversaire 'avait entendu. Evidemment, cela ne l'avait pas ému, ni même ébranlé, ne serait-ce qu'un peu. Une confirmation de plus. L'ange avait déjà deviné... "Celui qui le hantait" était celui qui siégeait. Le seul présent dans la pièce à part eux. Mais le guerrier ne s'était sans doute pas arrêté là dans sa réflexion, et avait sûrement remarqué dans quel état cela le mettait. Pour cela, ils se reconnaissaient... Mais ils étaient bien différents. Feyzin lui, n'était pas prêt à l'accepter...
La peur de Feyzin ne résidait sans doute pas plus dans la magie dégagée elle-même que dans les conséquences qu'elle entraînait sur son esprit... C'était quelque chose qu'il ne contrôlait pas, qu'il ne pouvait pas contrôler. Il accordait bien peu de valeur à sa vie. Il ne connaissait personne pour qui il ait vraiment envie de se sacrifier, personne qui le regretterait vraiment... Il était effrayé par l'idée de se laisser emporter par un flot de pensées incohérentes, qui pourraient l'emmener bien plus loin, au delà du seuil de la folie... Cela n'avait pas d'importance si cela l'incitait à suivre les envoyés du nécromant sas condition... mais s'il n'était plus conscient des implications, cela changeait tout... Il avait peur... peur de s'égarer, d'oublier qui il était... peur d'être dépossédé, ou pire, de renoncer lui-même... à son libre arbitre...

Ce ne fut pas sans soulagement que Feyzin sentit la lame enchantée abaisser la menace. Alors seulement, il put à nouveau regarder l'ange dans les yeux. Ceux-ci lui échappèrent pour une raison futile, le chevalier le narguait à nouveau en avalant le sang qui avait coulé. Quand il se retira, le jeune homme posa instinctivement la main contre la plaie, en un un geste protecteur et salutaire. Mais ses yeux provocateurs ne quittaient pas plus ceux qui le défiaient qu'auparavant, même si l'ange s'en fichait à présent...

- Je crois que me donner une réponse après ça serait inutile...

La tension était palpable... Et Feyzin était certain de ne pas être la cause de ceci... En effet, sans même bouger, le maître avait pris le relais du disciple et de lui émanait une certaine frustration, que le forgeron confondait peut-être avec de la colère ou de l'agacement. Toujours était-il que cela ne l'aidait pas à être à son aise... Il se recroquevilla sur sa chaise, terrassé par l'aura de mal auréolé de magie qui émanait de la terreur... Avait-il parlé ? Ou avait-il seulement pensé cette phrase ? C'était le plus probable... Car il ne sentait bien incapable de l'avoir articulée... Et le chevalier noir avait prit la parole à son tour, comme s'il n'avait rien dit...

Le discours de l'homme sonna étrange et certainement faux aussi, aux oreilles du demi-elfe. Le ton ironique laissait passer une certaine sincérité, pourtant, mais de cela il n'était nullement certain... Il devait bien avouer qu'il manquait de plus en plus de discernement... Il s'en rendait compte, c'était toujours ça... mais cela ne tarderait plus... bientôt, le choix ne lui serait plus accordé... Il ne pouvait pas... Il ne devait pas - surtout pas ! - rester là... Pas plus longtemps... Ou ce serait fini...
La main toujours collée à son cou, Feyzin releva légèrement la tête. Il voulait se tenir droit, mais en était incapable... Il le faudrait bien pourtant... Il laissa à nouveau son regard glisser sur l'ange, cette vue lui redonna de la force, et la réminiscence de son discours à l'origine dissuasif un peu de courage... Son dos se cambra pour lui faire quitte le dossier de la "chaise", et il portant la paume de sa main à sa bouche, Feyzin lécha le sang qui la recouvrait. Il réussit même à sourire un peu avant de parler...

- Je crois que mon choix est fait...

S'appuyant sur les bras de son siège, il se leva. Son regard oscillait entre l'ange et le mort-vivant, pour éviter de défaillir sans oublier qui était son véritable interlocuteur... Et cela faisait d'après lui parfaitement illusion...

- Je vous remercie pour cette généreuse proposition...

Il s'inclina profondément et respectueusement devant le chevalier à l'armure noire, une fois plus rapide devant son assistant. Une fois encore, ce qu'il allait faire aurait pu le porter à rire, et cela failli bien arriver tellement cela occupait ses pensées. Il fait un pas en avant vers ses hôtes, un pas qui l'éloignait de l'inconfort. Son pied fit bientôt un autre pas...

- Mais je tiens trop à ma tête pour l'accepter !

... dans l'autre sens.

- Bybye !

Feyzin n'attendit pas que ses geôliers aient réagi pour les enchaîner, il courut. Il courut aussi vite qu'il le pouvait, courut pour s'éloigner d'eux, courut vers la sortie et la liberté. Déjà, il laissait la pièce malsaine et son trouble derrière lui, commençant à enfiler le dédale de couloirs qu'il avait déjà parcouru...