La sombre influence du Nécromant...

Et voilà qu'il était parti... Le forgeron avait opté pour une solution simple, mais efficace : la fuite. Il courait vers la sortie... mais surtout, il courait, en leur tournant le dos. Si V'lin avait eut une dague, cela aurait été une très mauvaise idée. Car perdu pour perdu, il était fort peu probable que le vieux lui tienne rigueur d'un tel geste. Le guerrier s'affala un peu plus sur le dossier du fauteuil. Il était presque ennuyé de voir cette proie offerte s'en aller ainsi, il n'était pas du genre à courir après... Il posa son menton sur sa main, sachant très bien que HyiHyil ne bougerait pas non plus. Il ne s'agissait pas là d'une question de fainéantise ou d'une quelconque grandeur d'âme, il ne pourrait simplement pas rivaliser avec sa vitesse. Son apprenti le pourrait, bien entendu, mais il n'en avait simplement pas envie. D'autant plus que dans e cas de figure, la téléportation ne lui était d'aucune utilité...
Fronçant avec amusement les sourcils, V'lin se releva tout d'un coup. Intérieurement, le demi-ange riait. Voilà qui est en réalité une excellente occasion de mettre ma théorie à l'épreuve... Il n'y en avait pas de meilleure... Ses doigts s'entremêlèrent un instant devant lui, en une succession de symboles ésotériques et incompréhensibles. Voilà bien longtemps qu'il avait abandonné le langage des mots pour lancer ses sorts. C'était inutile, trop repérable, et cette méthode correspondait bien plus à son tempérament. L'enchaînement se termina par une projection de ses mains aux pouces croisés vers l'avant, mais le lanceur semblait avoir oublié que cet enchantement n'avait pas de cible.
Du cercle à peine rompu jaillit l'obscurité, s'étendant rapidement de son origine jusqu'à des limites imperceptible depuis cette pièce cloisonnée. Ténèbres. Absolues et insondables... pour qui ne les connaissait pas... Grâce au farouche entraînement qu'il avait suivi sous la coupe de HyiHyil, V'lin s'y était familiarisé, il les avait apprivoisées. Il sentait même une volute le frôler, comme une ombre sourde et angoissante, mais l'épreuve l'avait forgé à l'ignorer. Il regarda ses mains, qu'il ne voyait malgré tout qu'à grand peine. Wha, je l'ai drôlement bien réussi pour une fois ! sentir cette seule présence suffisait à lui indiquer son succès. En effet, il s'avérait qu'en général, quand il faisait appel à cette puissance, elle ne se manifestait pas totalement. Il avait longtemps cru avoir maîtrisé cette technique en invoquant le noir total, mais réalisait à présent à quel point il s'était trompé.
Relevant la tête, les lèvres écartées en un sourire victorieux dont personne ne profiterait, le guerrier retrouva sa prise sur le haut du fauteuil de son oncle. Les ténèbres n'atténuaient aucun son. Ainsi, pour les habitués, il n'était pas si difficile de se retrouver et encore moins de communiquer.

- Ton petit protégé sera plus facile à rattraper, comme ça.

Le demi-ange ne retint pas son rire. Même si cela faisait effet, le noiraud ne les attendrait pas. Mais si HyiHyil avait envie de le garder - ce dont il doutait un peu maintenant - c'était le moment. V'lin ne comptait pas tellement sur les ténèbres pour ralentir le jeune homme, car même en se cognant dans les murs, il n'est pas difficile d'atteindre son but quand il n'y a qu'un seul chemin, mais sur le contre-coup psychologique. La vague noire qui l'avait touché à peine plus tôt entourait chaque personne prise dans ses filets, c'était le cœur du sort, qui dégageait une aura maléfique très pure. Le petit forgeron, avec ses craintes et ses doutes n'y résisterait pas longtemps... Il ne reculerait pas, mais ils avaient de fortes chances de le retrouver un peu plus tard, pourquoi pas totalement acquis à leur cause... s'il n'était pas en train d'agoniser... Le chevalier haussa les épaules. S'il le retrouvait ainsi, il aurait quand même la confirmation de ses soupçons. Le reste lui était bien égal.

Invité

La fuite de Feyzin ne surprend guère le Death Knight qui se laisse aller en s'adossant à son fauteuil.

* Ainsi, comme je le craignais, il préfère fuir... Bah ! Je le retrouverais bien assez tôt et il ne pourra fuir éternellement son Destin. *

Il en est là de ses réflexions lorsque son disciple décide de s'exercer aux arts occultes. Les ténèbres se propagent rapidement, volutes après volutes se déroulant comme de longs serpents de noirceur maléfique.

Le revenant laisse échapper un long et profond soupir avant de se tourner vers V'lin, hilare. Son regard de nacre transperce littéralement le semi-ange qui comprend intantanément son erreur lorsque les froides flammes virent brusquement au rouge carmin.

Hyi Hyil se lève d'un bond, mains en avant et saisit V'lin à la gorge de la gauche, levant la droite au dessus de sa tête.

"T'aie-je demandé quoi que ce soit ? Comment oses-tu... ? Comment... peux-tu ?"

Sa colère est telle qu'il n'en trouve ses mots qu'avec difficulté, son poing droit, levé, s'ouvrant et se fermant presque frénétiquement, faisant crisser le métal noir de son armure maudite.

Il soulève V'lin, resserrant sa prise et fait un pas, le plaquant contre le mur. Les points de ses yeux sont réellement devenu des flammes qui débordent des fentes du heaume... Il continue, faisant appel au Sombre Langage.

"Pars immédiatement à sa suite ! Ne lui fais aucun mal mais suis-le ! Aucun mal, m'entends-tu ?! Aucun ! Je veux connaître chacun de ses déplacements, chacun de ses mouvements ! Et si... si jamais... il approche du chateau de Kuru... fais en sorte qu'il n'y aille pas ! Est-ce clair ? Est-ce... assez... clair ?!!!"

Il secoue son neveu et le cogne violemment contre le mur alors que la colère explose dans ses paroles, à chaque mot. Pour autant qu'il s'en souvienne, V'lin ne se remémore pas une telle violence depuis bien longtemps et imagine sans peine les flammes noires qui auréoleraient son oncle s'il n'y avait pas l'armure pour les contenir...

La main, resté levée jusqu'alors s'abat sur le col du semi-ange qui se fait projeter à plusieurs pas, dans la direction approximative de la porte empruntée un instant plus tot par le forgeron, celle par laquelle ils sont arrivés et qui mène, par le passage souterrain, à la sortie.

"Prends un Oeil avec toi ! Suis le forgeron et rappelles-toi bien : aucun mal !"

Se détournant de lui, terminant abruptement la conversation et coupant court à toutes protestations, il s'approche d'un coin de la pièce où est sensé se trouver l'Oeil ayant assisté à l'entretien avec Feyzin.

"Seigneur Velvorn ? Puis-je vous déranger un instant...?"

Bien que la colère ne flambe plus aussi fort qu'un instant auparavant, elle fait vibrer chacun des mots et teinte encore le regard du Chevalier...

[HRP : à toi V'lin ! Razz

]

Invité

* Dring dring ! Dring dring ! *

"Velvi à l'appareil, j'écoute !"

Nan, je déconne... Reprenons...

Au fond de sa forteresse, le terrible Nécromant est arraché à ses rêveries par un contact télépathique. Tournant son regard courroucé vers l'Oeil installé à ses coté, il empoche le précieux Cristal et vide soigneusement son esprit.

Cela fait, il l'ouvre alors à l'Oeil et au-delà, à son correspondant, HyiHyil.

"HyiHyil, j'ose espérer que cet appel de vous est pour m'annoncer la décision du forgeron de rejoindre nos rangs ? Vous savez à quel point nous avons besoin de lui... ?"

Disant cela, il pense à la vision donnée par le Cristal. Cet Être, prisonnier de la trame même du Multivers et élément indispensable à la réussite de sa conquête.

Mais le Cristal lui a aussi montré la "clé" qu'il doit faire fabriquer par un forgeron de talent pour faire sortir cet être mystérieux de sa prison hors du temps et de l'espace.

Revenant à son contact, il chasse toutes ces pensées de son esprit et continue :

"Et puis, je crois savoir que vous-même en ayez besoin de ce forgeron ? N'est-il pas promis à votre homologue à peau verte sitot que nous en aurons fini avec lui ? Alors ?"

Il n'en dit pas plus, mais par l'Oeil, il sait bien que le forgeron n'est plus présent dans la pièce où se tient le Chevalier. Il ne fait que jouer avec celui-ci, y prenant encore plaisir malgré les siècles passés.

HyiHyil connait bien ce jeu et ne répond pas, attendant la suite.

"Seigneur HyiHyil ! Rejoignez-moi ici au plus vite... Il y a eu du nouveau..."

La fureur de son oncle s'abattit sur lui comme un ouragan. Le demi-ange n'avait pas même eu le temps d'arrêter de rire que la main métallique du chevalier l'avait déjà saisi, en une prise qui menaçait les vertèbres fragiles de son cou. V'lin avait compris dès l'instant où le regard de son tuteur l'avait touché. Son initiative était une erreur. Il se serait bien étonné de la violence de cette réaction, aurait peut-être même fait l'effort de lui présenter ses excuses, mais il n'arrivait même pas à baisser les yeux. Il ne pensait à rien d'autre qu'à respirer, tentant vainement d'écarter les doigts inflexibles qui se serraient de plus en plus sur sa gorge...
Le demi-ange n'avait pas peur de la mort. Il n'avait pas peur de son oncle non plus. Pourtant, il semblait que ce qui lui enserrait la poitrine y ressemblait... ou peut-être juste le manque d'air... Une action irréfléchie... Sa propre désinvolture pouvait devenir fatale. V'lin était impulsif, et HyiHyil le savait. Mais alors, pourquoi cette fois... ? Ces questions tournaient à toute vitesse dans son esprit, alors que le chevalier le plaquait contre le mur, alors qu'il avait déjà conscience de perdre pied...

Le poing tremblait au dessus de lui, résistant à la tentation de lui fracasser le crâne. Il aurait pu le faire. L'effet n'aurait pas été si différent pour l'angélique. Car il voyait la colère de celui qui l'avait élevé. Il voyait ces flammes qui pouvaient le dévorer. Il avait déçu ses espérances... En quoi avait-il mal agi ? Avait-il désobéi à une nouvelle directive implicite ? V'lin ne comprenait pas. Et son cerveau embrumé par le manque d'oxygène ne risquait pas de l'aider...
Malgré cela, son attention était au maximum. Il ne manqua pas un seul mot de ce que lui dit HyiHyil, parfaitement éveillé sur les implications de ses ordres. L'aura contenue de son tuteur le blesse, le choc le laissa à moitié assommé, mais il écouta. Le noir parler donnait une ampleur presque dramatique à sa nouvelle mission, mais V'lin s'en fichait pas mal. Tout ce qui comptait était qu'il avait compris le message.
Sa tête heurta une dernière fois le mur avant que HyiHyil ne le projette derrière lui. Le demi-ange ne résista pas, et vola au milieu de la pièce comme pourrait le faire une poupée de chiffon. Il se retint à peine, déployant un peu son aile, mouvement qui déclencha une vive douleur dans son dos, pour juste éviter s'être démembré en atterrissant sur le sol.

Etourdi, choqué par la violence des gestes et des mots, V'lin resta un instant assis, les yeux dans le vague, pour juste comprendre ce qui venait de se passer. Il avait fait jouer ses doigts, en un sort qui était à son sens bien innocent. Le chevalier croyait-il que cela pouvait réellement nuire au forgeron ? V'lin s'en était alors moqué. Plus maintenant. Quelle pensée rendait cette brutalité légitime dans l'esprit du paladin ? Ce petit noir était-il si important ? Encore une question pour laquelle il n'obtiendrait pas réponse...
Massant délicatement son cou, et tentant au possible de reprendre son souffle, V'lin ne tenait pourtant pas à contredire son maître, ni à le provoquer une nouvelle fois. Il s'en était fallu de peu qu'il lui écrase la trachée, le demi-ange était fou, mais pas au point de renouveler tout de suite cette expérience. V'lin sentait encore la morsure de l'aura sur lui, manifestation passive de la colère de son maître, la pire blessure que l'ange pouvait recevoir.
HyiHyil avait-il désiré le tuer ? La réponse était évidente : oui. Le chevalier ne s'était retenu qu'à grand'peine. La véritable question était : pourquoi ne l'avait-il pas fait ? Une nouvelle chance ? Le demi-ange n'était pas assez naïf pour y croire. L'opportunité de rattraper cette maladresse involontaire ? Bien évidemment. Mais ce n'était pas par charité. Le paladin estimait assez son disciple pour vouloir continuer à l'éduquer ? Ce dernier faillit en rire. Mais le temps n'était plus à la réflexion. V'lin ne tenait pas particulièrement à voir le regard de braise se poser à nouveau sur lui.

Le guerrier se leva, forçant sur ses articulations douloureuses - aller savoir pourquoi - et n'inspirant encore qu'avec difficulté l'air raréfié et malsain des souterrains. Il était décidé à suivre ce maudit gamin, mais le commandement qui lui interdisait d'infliger la moindre souffrance à cet insignifiant ver de terre allait se révéler très vite bien frustrant...
V'lin n'attendit pas plus longtemps pour s'élancer à la poursuite du fuyard, ses jambes le portaient, pour le reste il aurait le temps de se remettre en route. Pourtant, il ne se pressa pas, ralentissant l'allure aussitôt que le boyau lui cacha le vue de son oncle. Il devait le suivre, pas le ramener. Son but était donc de ne pas le perdre de vue, pas réellement de le rattraper. De toute façon, il le sentait, il n'était pas loin. Peur, désarroi, trouble, égarement... Autant d'indicatifs qui étaient pour lui aussi clairs que si le forgeron lui avait hurlé sa position...

Invité

Laissé seul, HyiHyil repense à ce qui vient de se passer en retrouvant progressivement son calme.

A nouveau, il a failli tuer son disciple... A nouveau, la rage l'a conduit à une extrémité qu'il espérait ne jamais revivre.

S'il n'avait pas autant besoin de lui, le Chevalier aurait tué V'lin depuis bien longtemps déjà... Ne serait-ce que par crainte de devoir l'affronter réellement un jour... Mais il a besoin de lui... Un grand besoin...

Secouant la tête, le revenant chasse ces pensées. La courte conversation avec le Nécromant avait été claire : retourner au chateau, au plus vite. Bien sûr, il ne peut qu'acquiescer à une telle demande. Appeler le terrible sorcier par son sobriquet est un affront bien assez grand sans qu'il en rajoute par une insubordination excessive.

Las, il se dirige à son tour vers la sortie de la pièce puis se ravise pour lui préférer la sortie "normale" du salon : celle donnant sur la caverne. Loin de lui l'idée de faire la fête, mais c'est le plus court chemin pour sortir discrètement de la ville...

Fendant la foule de gobelins turbulents, duergars moroses, drows arrogants, zombies putrides et d'autres cultistes barbares, il se dirige vers un autre passage de l'immense réseau de galerie à sa disposition. Il s'étonne que la Rouge Compagnie n'aie su tirer parti d'un tel complexe et survécu au temps...

De là, il sait que le boyau gradué de marches taillées dans la roche le conduira de l'autre coté de la cité de Tylen, dans ce qui était autrefois un relais postal mais abrite désormais dans ses ruines un petit groupe de brigands affiliés au Culte depuis peu... depuis leur mort en fait.

A perdre haleine, Feyzin courait. Il n'avait aucun poursuivant, mais il ne modérait pas sa vitesse. Sa vie en dépendait toujours, après tout... L'atmosphère moite était toujours aussi malsaine, mais il semblait au jeune homme que plus il avançait, et mieux il respirait... Etait-ce l'approche de la sortie qui rendait l'air plus frais, ou son imagination qui l'aidait à le percevoir ainsi ? Il le savait bien, pourtant, la sortie était encore loin, mais il était soulagé d'en prendre la direction... Il serait bientôt dehors, et cette perspective le réjouissait. Cette motivation, rajoutée à la distance de plus en plus grande qu'il mettait entre lui et son cauchemar, lui donnait des ailes...
Plus heureux que jamais, le forgeron ne s'était pas arrêté de cavaler mais reprenait son souffle en souriant...

Malgré tout ce à quoi il songeait, ses nobles aspirations furent bientôt réduites à néant. Le jeune homme tomba. Personne ne l'avait pourchassé, pourtant quelque chose avait fini par le rattraper. Une brume noire l'entourait alors qu'il tentait désespérément de se rétablir sur ses mains, un sombre nuage l'avalait, le plongeait dans les ténèbres et le désespoir le plus profond. Feyzin tenta de le repousser, de ne pas le laisser l'engloutir, mais c'était peine perdue. Il était plongé dans le noir, et son cœur sombrait à nouveau, paralysé de terreur.
Le flot était puissant et l'emportait, sans qu'il ne puisse rien y faire. Ses yeux exorbités ne fixaient que le vide dont personne ne profitait, il n'avait même plus conscience de lui-même. Dans un dernier sursaut de compréhension, il pensa : "C'est fini."
L'était-ce réellement ? Lui le croyait. Il était littéralement dévoré vivant par cet effroi qui le consumait, qui lui rongeait, le vidait de toute énergie, de toute volonté... Il ne résistait pas. Il savait bien que sa raison ne tenait qu'à un fil, et que celui-ci serait bientôt rompu. Il avait été vaincu. Par une force qu'il ne connaissait pas, par un ultime sort qui était venu à bout de son esprit...

Un éclat. Une lumière dans cet abîme sans fond... Feyzin releva la tête, cligna des yeux. Il était encore là. Son cœur recommença lentement à battre, pour bientôt frapper sa poitrine avec vigueur, presque douloureusement. Quelqu'un venait vers lui. La crainte reprit sa place dans ses tripes. Son cœur qui tambourinait était juste en phase avec ses émotions. C'était l'ange. Il n'y avait que lui qui pouvait dégager une telle aura dans cette atmosphère. Il la sentait toujours ambigüe, mais justement. Le forgeron avait peur de lui, mais ce n'était pas cet émoi qu'il ressentait en présence de l'armure, il s'agissait d'une peur rationnelle et calculée. Celle-là, il pouvait la contrôler, l'utiliser... Et la simple présence de l'ange le préservait un peu de ce qui le détruisait... Il ne voyait rien, mais cette sensation lui donnait un regain de bravoure. Il devait retrouver sa combattivité, et rester debout jusqu'au bout. Il pouvait encore y arriver, il suffisait encore de quelques pas...
Lentement, le jeune homme se releva. Il préféra pendre son temps pour assurer son équilibre plutôt que de retomber aussitôt. Se faisant, il jeta un regard en arrière, et crut voir les cheveux argentés de l'ange flotter au dessus du brouillard qui masquait tout le reste. Il n'était pas loin... Il devait faire vite... En appui sur des jambes encore un peu réticentes, le forgeron tenta le tout pour le tout. Il mit un pied devant l'autre et marcha, accélérant jusqu'à courir. Il regarda encore derrière lui, puis au loin, ne perdant pas de vue son objectif, tout en sachant que pour l'atteindre il devait quitter cette atmosphère moins tendue, apaisée par l'être bienfaisant... Il ne devait surtout pas relâcher son attention, ne pas s'arrêter, ne pas tomber, ne pas penser, ignorer ces volutes qui lui tournaient autour comme autant de serpents affamés, ne pas les laisser l'emporter. A présent, il fuyait l'ange, et c'était la peur de mourir sous sa main qui le guidait, maintenue dans l'esprit du forgeron par la pression de sa pensée... Il fuyait... La mort à sa suite, tout autour de lui... Il se battait... Il allait vers la vie...

Il s'était arrêté. Au bord d'un précipice. Il ne suffirait que d'une pichenette pour qu'il y tombe. L'ange le sentait, ses émotions s'accroissaient avec le temps, rendues plus fortes par la distance qui s'amenuisait, mais surtout par leur intensité grandissante... La folie. Il serait si facile de le perdre dans ces méandres... V'lin souriait d'anticipation. Il serait bientôt sur lui, et pourrait alors...
Le guerrier grimaça. Il se rappelait. Il avait ordre de ne lui faire "aucun mal". Quel ennui ! Si on ne peut même plus s'amuser... Sa cible était au sol, affaiblie, il suffirait d'un rien pour l'achever. Son sort avait finalement eu l'effet escompté, mais cela était inutile. Un point positif, cependant : il n'aurait vraiment pas besoin de courir pour arriver jusqu'à lui.
Sur ces pensées, le demi-ange crut avoir une vision. Il semblait que ses yeux avait juste un instant percé les ténèbres, le visage du forgeron était tourné vers lui, le regard d'émeraude qui le fixait arrivait jusqu'à lui. Etrange, cet échange. C'était juste avant que le forgeron ne reprenne sa course. Raté. Il ne le voyait plus, les sentiments délicieux s'éloignaient déjà. Peu importait, de toute façon, dans un tunnel, un fuyard était facile à suivre.
Alors, V'lin prit son temps. Le jeune homme lui avait semblé différent, durant cette courte apparition. Psychiquement, c'était certain. Il avait trouvé la force malgré les ombres qui l'entouraient. Courageux petit. Cela ne servirait de toute façon à rien, il ne pouvait pas le semer. Mais ce qui l'avait plus surpris était son physique... Il y avait quelque chose, mais quoi ? Rien à faire, il n'arrivait pas à mettre le doigts dessus. C'était inutile de chercher. Plus il essayait, et plus son souvenir lui échappait, comme s'enfonçant au plus profond de sa mémoire.

V'lin marchait tranquillement dans l'obscurité, laquelle était toute relative pour lui, qui y était habitué depuis sa toute jeune enfance. Le couloir n'était pas droit, même plutôt tortueux, il était probable que le jeune fou se cogne une ou deux fois dans les murs. Quoique... s'il avait hérité de son parent drow sa capacité à voir dans le noir, il l'éviterait sans doute. Mais pas forcément. Ces ténèbres étaient absolues, et impénétrables, aidées en cela par la magie, et c'était ce qui faisait l'intérêt de ce sort. Lui en tout cas, ne risquait pas de s'y confondre...

Une mèche en équilibre précaire dans sa coiffure tomba sur son épaule, juste avant de glisser devant son visage. Le demi-ange s'arrêta. Et voilà... Merci, mon oncle... S'il y a avait bien une chose dont le demi-ange avait horreur, il s'agissait que sa chevelure soit en désordre. Il prenait toujours grand soin de se démêler les cheveux, et de les arranger toujours de façon très précise. Ses efforts et le temps qu'il y passait étaient toujours récompensés par une coiffure solide, qui tenait en général la journée sans retouche... à condition de ne pas trop les malmener...
Le chevalier y avait tout gagné... Il ne reste plus qu'à... Il porta les doigts au nœud léger maintenant les mèches solidaires dans une longue et épaisse tresse qui pendait dans son dos. Il en ramena l'extrémité devant lui pour en défaire l'attache, puis entreprit de la défaire, procédant à l'aveuglette mais en douceur pour éviter de les emmêler. Il parvint ainsi derrière son crâne, ou ses mains rencontrèrent un second nœud, qui maintenaient au milieu de la grande, deux petites tresses qui partaient de chaque côté de la tête. Il les délia une à une, puis relâcha l'ensemble de ses cheveux derrière lui.
V'lin avait fortement envie de tout recommencer, mais il se rendait compte qu'il allait finir par perdre la trace du forgeron s'il continuait à traîner. Il verrait bien plus, tard, il pouvait bien supporter ses cheveux libérés quelque temps. Il reprit donc son avancée, les longs cheveux de soie balayant l'air derrière lui, éclairant l'obscurité d'un rayon de lune...

Le demi-elfe était encore dans la galerie. Le paladin sentait des douleurs ça et là, il ne s'était pas trompé : les murs peuvent parfois être très méchants. Il était encore temps pour lui d'agir. Si à présent il ne le rejoindrait plus lui-même, rien n'était perdu. Il devait le suivre, surveiller ses pas, être au courant de ses mouvements et les orienter si cela se révélait nécessaire. Rien de plus facile. Et rien ne lui interdisait, cette fois, de déléguer la tâche...
Mentalement, le demi-ange entra en contact avec une de ces immondes créatures, pourtant bien utiles, surtout dans un cas tel que celui qui se présentait. L'une d'elle était postée à la sortie de la Tannière. C'était parfait. L'Oeil allait bien gentiment faire son travail et lui rapporter les moindres faits et gestes du forgeron, aussitôt qu'il sortirait de là... Lui pouvait continuer l'esprit en paix.

Cela n'en finissait pas... Il courait, mais il semblait que la galerie s'étendait toujours plus loin, comme pour l'empêcher de s'enfuir... Feyzin s'essoufflait, mais il ne fallait surtout pas qu'il ralentisse. Pour le moment, il sentait toujours l'aura de l'ange, qui s'affaiblissait peu à peu. Cette progressivité indiquait au forgeron qu'il allait plus vite, qu'il le semait... Un bon point. Pas forcément... Car quand elle aurait disparu...

Tout d'un coup, et de façon plutôt violente, Feyzin se rendit compte qu'il avait eu de la chance, jusque là, de se trouver dans un passage en ligne droite. Son nez venait de rencontrer le mur qui délimitait un virage à droite, et la surprise le fit tomber à la renverse. Assis sur son postérieur à présent lui aussi douloureux, le jeune homme se frotta l'arrête du nez, vérifiant que rien n'était cassé. Il profita de cet arrêt inopportun pour respirer profondément, tentant d'évacuer l'air vicié de ses poumons. Cela ne servait à rien, car l'air qu'il inspirait l'était toujours autant. Et dans cette position, l'artisan avait du mal à reprendre son souffle. Il se leva donc et appuya ses mains sur ses genoux. Ainsi penché en avant, l'air circulait mieux, mais il sentait à nouveau l'oppression des ténèbres autour de lui, il ne devait pas rester... L'être de lumière s'était rapproché, lui aussi, lui dégageant un peu les tempes, mais sa cause n'était pas encore gagnée... Il savait au moins qu'il fallait qu'il se méfie, à l'avenir...
Dès l'instant où il se sentit mieux, Feyzin repartit. Courir dans le noir n'était pas une mince affaire, mais c'était nécessaire. Son allure avait cependant instinctivement diminué, ce qui lui permettait d'appréhender les parois avec un peu plus de souplesse. N'empêchait qu'au bout d'une dizaine, ça faisait un peu beaucoup pour lui, et ses coudes et ses genoux - les membres qui lui servaient de pare-chocs pour l'occasion, il valait mieux ça que son nez - protestaient vivement contre ce traitement de défaveur. Malgré les ecchymoses qu'il allait sûrement retrouver - enfin, pas sûr, ça se voit moins bien sur la peau noire - il s'efforçait de maintenir un certain rythme, soutenu malgré les élancements, et surtout, régulier. La peur lui nouait le ventre, mais il devait l'utiliser comme moteur... Si elle le dominait, ce serait terminé...

Une nouvelle ligne droite. Un soulagement. Feyzin relâcha un peu son attention pour accélérer à nouveau. Il n'était pas arrivé à l'extrémité quand il s'arrêta à nouveau. Il avait semé l'ange. Il était seul dans le noir... complètement seul... Un étau enserra à nouveau son cœur... Non. Il ne se laisserait pas avoir. Il prendrait tous les murs qu'il fallait pour cela, mais il sortirait de là le plus vite possible. Surtout, ne pas se laisser aller. La fin était proche... La fin de son calvaire... La sortie était là, il le savait... Il ne fallait plus que quelques pas pour l'atteindre... Il y arriverait.
Revigoré par son acharnement, le demi-elfe redémarra au quart de tour. Il était seul, dans une obscurité si opaque que l'on pourrait y donner un coup de hache, mais il avait une raison de continuer. Il voulait vivre, rester lui-même. Et il allait le faire. Tiens, un virage à gauche. Frottant une nouvelle fois son visage, Feyzin ne prit pas le luxe d'être étonné. L'air lui parvenait. Les ténèbres se dissipaient. Il arrivait à la limite du sort, il renaissait. Bientôt, la lumière apparaîtrait... La sortie. Le bout du tunnel... Il y était...
Deux orks montaient la garde de chaque côté de la porte. Feyzin s'en rappelait. Pas commodes, ni facilement intimidables, mais il avait un atout pour lui : apparemment, les deux créatures ne savaient pas qu'il était là. Si on ne les avait pas prévenues de l'arrivée d'un fuyard, alors il ne serait pas retenu, les mailles du filet seraient bien trop lâches pour qu'il ne puisse pas passer au travers... Tout serait une question de précision et de rapidité. Alors, prenant une grande inspiration, le jeune forgeron s'élança, aussi vite qu'il en était capable. Il poussa la porte battante dans son élan, et comme il s'y attendait, ne reçut aucune opposition de l'autre côté. Il passa à côté des deux immenses gardiens, qui se contentèrent de le regarder partir, l'air ahuri. Même s'ils avaient réalisé ce qui venait de se passer, il était trop tard à présent, le demi-elfe était déjà loin...

Deux rues plus loin, Feyzin s'arrêta. Il était dehors... Debout, l'épaule appuyée contre un mur pour éviter de défaillir, il respira. L'air était si... Les yeux aux ciel, il observa un instant la voute étoilée... réalisant avec stupeur le temps qui s'était écoulé depuis son enlèvement. Tout le reste lui revint en mémoire. Son atelier, les cadavres devant sa porte, le petit prince qui devait l'attendre... Il devait vite y retourner, ses muscles étaient encore chauds, c'était tout vu... Mais avant cela... Où était-il ? Le jeune homme regarda autour de lui. La nuit estompait les formes et les couleurs, il ne reconnaissait rien. Impossible de retrouver le chemin qui l'avait amené là. L'environnement avait changé, et il était déjà bien assez mal à son arrivée pour ne pas s'en souvenir... Il était perdu. Complètement perdu...
Le forgeron marcha donc quelque temps au hasard des ruelles, voulant juste éviter de tomber sur celle qu'il venait de quitter. Pour cela, il continua dans la même direction, espérant tomber sur une rue ou un lieu familier, qui l'aiderait à se repérer...

Le temps passe si lentement, lorsque l'on cherche sa route ! Mais Feyzin finit pourtant par avoir un peu de chance dans son malheur. A force de déambuler, il avait rejoint des quartiers qui paraissaient un peu moins glauques même en nocturne, et des indications commençaient à poindre, surtout pour indiquer tel ou tel commerce. Le demi-elfe se rapprocha d'un des panneaux, et se rendit compte qu'il avait des difficultés à le lire. Cela ne venait ni du clair de lune faiblard, ni de la qualité de sa vision, et c'était bien cela qui l'inquiétait... Il réussit malgré tout à déchiffrer : "Taverne du Pommier". Pour la première fois depuis bien plus tôt dans la journée, son visage s'éclaira. Il connaissait cet établissement, c'était pour lui un excellent repère ! Sans hésiter une seconde plus plus, Feyzin s'engagea dans la direction indiquée...

---> "Atelier de forgeron"

Le forgeron était sorti. V'lin le sut à l'instant même où il franchit la porte. Efficaces, ces bestioles. Ce gosse savait bien que les orks ne le poursuivraient pas. Ce n'était pas leur boulot, puisque de toute façon personne ne leur en avait donné l'ordre. (Les orks l'ont vu passer, courant vers la sortie, ils se demandent encore qui était cet abruti...) Il ne savait pas en revanche que ces derniers n'étaient pas les seuls à le regarder partir.
Je devrais peut-être le féliciter... Au vu de son état, le jeune artisan avait fait preuve d'un courage étonnant. Il s'était soustrait à l'emprise du sort, avait échappé à son emprise... Il était intelligent et brave, V'lin était forcé de le reconnaître. Mais il ne lui échapperait pas pour autant. L'œil le regardait partir pour lui, et le guerrier pouvait traquer sa proie à distance.

Une chose l'étonnait encore : une image restait fixée dans sa tête. Celle du jeune homme qui courait à perdre haleine en passant la porte... Il s'était alors retourné, un court instant, pour regarder derrière lui si personne ne le prenait en chasse. De quoi as-tu peur, mon jeune ami ? De moi, ou de mes Ténèbres ? La réponse ne viendrait pas ainsi. Il était reparti, et le demi-ange restait pensif à cette vision. Il savait enfin ce qu'il avait trouvé de changé en lui. Ce gamin avait affiché sous ses yeux un air plus vieux, fatigué. L'émotion, cette expérience avait été particulièrement éprouvante, il l'avait senti, il le comprenait... Mais sur son visage... Une mèche blanche... Une mèche blanche avait caché un instant ses yeux. N'avait-il pas les cheveux noirs ? Le paladin soupira en souriant. La peur avait parfois de grandes vertus... Mais cela était étrange. Cette observation était une nouvelle déclinaison à sa prime hypothèse : le forgeron n'était pas un elfe noir, ni un enfant né d'un de leur viols.

Avant de perdre de vue la localisation et l'apparence des rues et des bâtiments qui croisaient le chemin de son nouveau protégé, avant qu'il ne s'éloigne trop, V'lin accéléra le pas. La petite bête allait bientôt commencer son œuvre. Courant de toit en toit au rythme des pas de sa cible, l'organe qui intéressait tant ses maîtres ne le lâcherait pas une seule seconde. Le regard focalisé sur le jeune homme, c'était son unique objectif. L'allure si détendue et nonchalante du chevalier se transforma en course. Il n'avait encore que trop peu d'éléments du décor pour être capable d'enchaîner derrière le forgeron par sauts successifs.
Le demi-ange traversa la dernière volute noire et se retrouva sur le seuil. Son sort commençait à se dissiper, mais il avait duré plus qu'il ne l'espérait. Je l'ai vraiment bien réussi... Ayant passé la porte en toute quiétude, il rencontra le regard des orks.

- Vous n'avez pas vu passer un jeune homme tout noir ? Je le cherche.

Bien entendu, il n'avait pas besoin de leur aide. Mais il les connaissait, et ne manquait jamais une occasion de charrier ses compagnons à peau verte. Le jeune homme avait de l'avance, mais pas tant que ça. Si l'œil n'avait pas encore bougé, c'est qu'il était encore à portée... sans doute en train de se reposer non loin... Malgré tout, les gardiens lui indiquèrent une direction en riant, légèrement évasifs sans oublier d'être précis. Le forgeron se trouvait dans la rue voisine. Parfait. Ainsi, il situait le lieu par rapport à l'image que lui transmettait l'œil. Il se vit tirer malicieusement la langue à ses deux comparses, qui étaient habitués à ses espiègleries.
Puis il partit. La bête noire s'élança à son tour, mais ce n'était pas pour lui. Simplement, son hôte avait reprit sa route. Bien qu'il puisse déjà fortement se douter de leur destination, V'lin était curieux de voir où cela allait le mener...

---> Suivez le guide... euh... le forgeron !

» [BG-PV Mal] Une sombre prophétie...
» Claudia Pepita Semi elfe prêtresse (et groupie) du Nécromant