Retour chez les vivants-Promenade dans les rues

Après plusieurs heures de marche (qui auraient pu être pénibles si la sensation de fatigue n'était plus de celles qu'il éprouvait), Shiro arrivait enfin dans le vrai monde des vivants. *Tylen... alors c'est ça que cette ville est devenue...*

Capuche rabattue sur le visage, il progressait doucement dans les rues , observant de ses orbites le flot des personnes qui s'écoulait, savourant les odeurs qui parvenaient à ses narines mortes. Quelque chose avait changé dans l'air, comme une trace de corruption supplémentaire. Pas celle qu'il apportait avec lui, hargneuse, viciée par le temps et la détention, mais quelque chose de... différent. Cependant, ici la vie continuait son cours, le commun des mortels étant trop imbécile pour remarquer quoi que ce soit.
*Tant mieux*

Et maintenant la liche errait dans la ville tendant ce qui lui restait d'oreille pour saisir quelques rumeurs par-ci par-là. La majeure partie à propos de l'enlèvement du prince qui dirigeait l'endroit, et des problèmes d'état causés par l'évènement. Rien de bien utile pour le moment. Shiro continua son chemin sans prêter attention à l'endroit où il se rendait, laissant son esprit absorber la nouvelle ère qu'il commençait à mort-vivre. Complètement plongé dans ses pensées, il remarqua à peine la petite ruelle dans laquelle il s'engagea, continuant de réfléchir à tout vapeur. C'est à peine si il entendit la voix derrière lui :

"Alors, mon vieux, on est nouveau en ville et on se trimballe tout seul?"

Shiro se retourna doucement, et devant lui se dévoila un homme, le bas du visage masqué par une écharpe de lin. Il tenait avec assurance le pommeau de son sabre resté au fourreau, et jouait avec un petit couteau de lancer.

"-C'est pas prudent de venir par ici, c'est mal fréquenté. Et malheureusement pour toi je suis le genre de personnes à ne pas rencontrer. On va faire simple : tu m'envoie l'argent et toi tu as peut-être une chance de ressortir d'ici entier -ou presque-. Dans l'autre cas... ça risque tout de suite de devenir moins agréable pour toi et le résultat sera le même dans mon cas.
-C'est très aimable à vous de me laisser le choix. Pourtant ni l'un ni l'autre ne me convient. Peut-être devrais-je moi aussi vous dérober une chose. La vie vous irait-elle?"

C'est comme si la voix avait parlé directement dans la tête du voleur, infiltrant ses pensées, les mots résonnant sur les parois de son crâne. Il resta interdit un moment, le doute sur le danger réel que l'inconnu présentait se glissant sournoisement pour briser sa confiance. Mais l'appât du gain se décida pour lui et il dégaina son son sabre.

"Très bien, je vais me servir moi-même, dans ce cas!"
Et il se fendit, plongeant la lame dans le corps de Shiro. La date limite de fraicheur de la chair largement dépassée, le sabre s'enfonça sans peine jusqu'à la garde mais resta coincé entre deux côtes. La main gantée de la liche saisit celle du voleur, le retenant fermement. D'étonnement, le voleur fit un mouvement brusque pour tenter de se dégager, faisant tomber la capuche qui recouvrait le visage du mort-vivant. Le cri de terreur du malandrin s'étouffa dans sa gorge quand les deux lueurs glaciales le fixèrent dans les yeux, consumant son esprit sombrant dans l'horreur.

"Je crois que ma proposition a été acceptée, finalement. Quelle générosité de m'offrir ainsi votre vie. Je vais moi aussi faire un geste : votre agonie va être très rapide..."
Il retira le gant de sa main libre, et saisit la tête du voleur. Se concentrant, une aura violette apparut autour de la main squelettique et se répandit par les orifices de l'homme. Ses yeux se révulsèrent, et quand Shiro le lâcha, il n'était plus qu'un pantin mort qui tomba à terre dans un ballet de membres désarticulés.

"Vraiment, quelle imprudence, et quelle impudence."
La liche eut un léger rire, puis remit en place sa capuche. Elle retira le sabre toujours enfoncé dans son corps et le jeta plus loin dans la rue.
*Bon sang, il a fait un trou dans ma robe!... tant pis, je règlerai cela plus tard.*
Shiro se baissa sur le cadavre et fouilla ses poches, et il y trouva une bourse plutôt remplie, certainement le fruit de ses rapines récentes, ainsi qu'un simple anneau d'or. Il passa l'anneau à son doigt, remit son gant, empocha la bourse et s'en fut, reprenant son cheminement dans les rues.

Voilà maintenant quelques minutes que Shiro avait quitté la ruelle où il avait rencontré ce si piètre voleur, mais quelque chose ne tournait pas rond. Il se sentait... étrange, comme si quelqu'un regardait par dessus son épaule. Juste la sensation d'un regard, et ça lui était désagréable. Il prit quelques rues au hasard, espérant que ce soit son imagination qui lui jouait un tour. Mais la sensation était toujours là.
*Pourtant, rien en vue...*

Après tout, son esprit était peut-être réellement dans l'erreur. Son tempérament solitaire et les élucubrations psychotiques dues à son emprisonnement avaient pu avoir un impact sur son mental... Mais le doute subsiste. La paranoïa n'en est plus quand le sentiment se révèle juste. L'est-il ou est-ce encore un produit de l'imagination fertile qui l'habite? Le doute, fruit de l'illusion. L'illusion, le sujet qui hante la liche depuis des lustres...

*Mais bien sûr! Quel imbécile...*
Il stoppa net sa marche. Cette fois la solution s'offrait à lui. Shiro rassembla ses ressources magiques et commença par clarifier son esprit. Son instinct plus que le reste continuait à lui dire que quelque chose ou quelqu'un continuait bien à l'observer. Si elle avait eu encore des lèvres, on aurait certainement pu voir la liche esquisser un sourire. Ses doigts s'agitèrent et une volute violette s'échappa avant de disparaître dans les airs. Puis il reprit sa marche comme si de rien n'était. Il continua ainsi sa marche d'un air plus détendu et se rendit dans une autre petite rue. Il continua jusqu'à trouver un embranchement en patte d'oie.

"Oh, je me demande bien dans quelle direction aller. Disons... les deux!"
Il fit à peine un pas puis ce fut comme si un autre Shiro se détachait de la liche, ou l'inverse, impossible de savoir à l'oeil nu quel était celui qui créait l'autre et qui était le vrai et le faux. Les deux personnages s'engagèrent chacun dans un embranchement à un rythme rapide...

Shiro poursuivi sa route à allure rapide mais ne tarda pas à ralentir. Cette fois il était sûr d'avoir raison. Il avait une chose bouger. Et elle continuait à le suivre. Simple coïncidence ou perception du piège? Il dissipa d'une pensée son illusion qui devait continuer à courir dans l'autre rue mais ne fit aucun geste supplémentaire visant à révéler qu'il avait vu son poursuivant.
*Etrange, on aurait dit une sorte de... créature volante...*

Continuant sa route à travers les ruelles sinueuses, il aperçut une maison délabrée aux fenêtres clouées de planches, des tuiles manquantes par endroits. La liche observa aux alentours, et ne voyant aucun humain à portée de vue, il releva sa robe et tira son épée, dont il se servit pour fracturer la porte.

Complètement abandonnée, l'ancienne bâtisse sentait le moisi et la poussière. Il y avait un étage mais le plafond du rez-de-chaussée laissait apparaître un trou béant. Le plancher de l'étage ayant pourri, l'eau avait continué à s'infiltrer et avait finit par causer les dégâts visibles aujourd'hui. Ce qui fait que l'on pouvait observer le ciel depuis en bas à cause des tuiles arrachées. Et c'est justement ce que faisait Shiro.

*Bien... maintenant si tu veux continuer à me suivre, tu vas être obligé de te montrer. C'est la seule issue aérienne...*

La batisse délabrée grinçait et craquait dans le faible souffle de la nuit fraiche. Rien d'autre ne semblait bouger dans ce bruyant silence. Mais l'oreille attentive pouvait percevoir, au-delà des bruits du vent et du bois torturé, un étrange roucoulement qui ne pouvait être celui d'une colombe immaculée.

La chose apparu enfin, prudemment, sur le rebord du toit de tuiles fracassées. L'horreur monoculaire présenta son globe luminescent unique à Shiro juste une fraction de seconde. Bien assez pour le repérer, mais bien trop peu pour l'identifier.

Des caquètements discrèts, perdus dans les craquements de la maison. Un hululement court, perdu dans le soufle du vent dans les tasseaux fracassés. Un bruit écoeurant et humide semblable à la chute de boyaux encore chaud sur le sol d'un champ de bataille. Le disque luminescent du regard de l'étrange créature réapparait, plus bas, dans un recoin sombre de l'étage.

La liche n'eut pas le temps de comprendre comment la chose était passée du toit à l'intérieur sans passer par la brèche qu'un coup sonore suivi d'un craquement lugubre ébranla toute la structure. Juste le temps de faire volte-face que voilà le revenant face à face avec... Il ne pouvait voir ce qui se cachait dans le nuage de poussières.

Un bruit d'armure métallique se faisait entendre parmi ceux des chutes de pierres et de mortier. La poussière retombait lentemant, laissant apparaître un guerrier engoncé dans une lourde armure devant un trou de belle taille fait dans le mur de pierre. L'homme, si c'en était bien un, se tenait devant ce qui aurait pu passer pour un dragon de couleur sombre, harnaché pour être monté.

"Permettez-moi de vous transmettre les salutations du Seigneur Velvorn, mon... Maître. Il souhaiterait s'entretenir rapidement avec vous à propos d'une chose, un objet, qui vous appartiendrait et que vous rechercheriez."

La voix surnaturelle de l'homme en armure ne laisse aucun doute sur sa nature de non-mort aux oreilles de la liche. Lesquelles ont également perçu deux choses : le "messager" ne s'est pas présenté et son maître sait déjà qu'il est sorti de la glace.

L'être garda le silence, la tête légèrement penchée sur le coté. Il semblait considérer Shiro d'un oeil qu'on pourrait qualifier d'amusé, voire de goguenard. D'avoir relevé sa petite hésitation au moment de parler du Nécromant l'amusait plus qu'autre chose. Après tout, il se considérait plus comme l'Assistant de la Prêtresse que comme un loyal serviteur aveuglément zélé. S'il restait avec le Seigneur Velvorn, ce n'était que par haine des vivants. Une haine qu'il pensait et espérer partager avec l'ancien druide.

Un silence s'installa imperceptiblement. HyiHyil réalisa soudain qu'une question muette lui avait été posée. Il soupira longuement, bascula lentement la tête de l'autre coté puis croisa les bois pour répondre :

"Pardonnez ma légère insouciance concernant mon identité. Je suis l'assistant personnel de la Prêtresse Claudia, Grande Prêtresse du Seigneur Velvorn, le Nécromant. Quant à la réponse à votre première question, je suis au regret de ne pouvoir vous répondre avec précision : seul mon... le Seigneur Velvorn connaît cette réponse. Pour ce que j'en sais, vous seriez à même de deviner de quoi il s'agit. Et que cette... chose... serait une raison suffisante pour vous amener à me suivre.'

Il attendit un instant, laissant ses paroles s'immiscer dans l'esprit de son vis-à-vis décati avant de reprendre, d'une voix presque agacée, comme s'il était pressé de repartir :

"Alors ? Seigneur Galderah'mokal ? Messire Shiro, que décidez-vous ?"

Imperceptiblement, le chevalier amorçait un lent pas en arrière, le ramenant vers son étrange monture volante...

Que faire? C'était si tentant, et la fois si étrange... pouvoir retrouver aussi vite l'objet de tous ses désirs... si facilement. Mais il fallait se décider. Pas question de passer à côté d'une occasion pareille. Mais quel en serait le prix à payer? Ce chevalier restait bien mystérieux, même à propos de ses relations avec son seigneur. Reste à espérer que l'objet soit soit le vrai et qu'il puisse avoir un moyen de le récupérer.
*Mais si il le possède vraiment, alors dans tous les cas... je suis dans l'obligation de vérifier. Il est hors de question de négliger cette hypothèse? Dans ce cas...*

"Bien, il semblerait que le choix ne me soit pas réellement laissé. Conduisez-moi à ce.. Velvorn. J'espère simplement que je ne pers pas mon temps. L'éternité n'est pas faite pour que l'on laisse stupidement passer les minutes."

Il réajusta sa capuche, fit craquer ses articulations, et annonça d'un ton faussement poli ajusté d'un sourire morbide :
"Je vous en prie, après vous."

"Savoir si oui ou non, vous perdez votre temps n'est pas de mon ressort et, pour ne rien vous cacher, ne me regarde absolument pas. Je ne fais qu'accomplir une mission de messager."

Le ton était aussi froid que possible et sans équivoque sur les sentiments du chevalier par rapport à cette mission. Si cet être avait été pourvu de dons liés à sa voix, nul doute que la pièce, la maison, voire la ville entière en aurait été immédiatement gelée !

Finalement, il se détourna, s'approchant de son étrange monture et lança par-dessus son épaule :

"Très bien, par ici je vous prie. J'ai ordre de vous guider jusqu'à... jusqu'au Seigneur Velvorn si vous consentiez à le rencontrer." Il semblait regarder autour de lui, à la recherche de quelque chose avant de se retourner à nouveau pour demander : "Hummm... Par quel moyen pourriez-vous donc voler à cette rencontre ? Je ne vois pas votre chauve-souris apprivoisée... A moins que vous ne fassiez dans le plus noble en ayant une harpie à votre botte ?"

Bien que déplacés et inutiles, les sarcasmes de l'être étaient parfaitement sensibles. Difficile à dire si c'était par habitude ou juste pour la liche...

Shiro releva à peine la réflexion. Il ne s'attendait de toute façon à aucune marque de sympathie, encore moins d'une statue de glace animée en armure. Il se contenta de hausser les épaules et de réfléchir à un moyen de transport. Une idée lui vint rapidement :
"Je suppose que vous avez quelque chose qui doit faire office de fosse commune ou de cimetière. Je devrais trouver là-bas tout le matériel suffisant pour "voler" à cette rencontre."

Il vérifia machinalement la présence de son épée, et se planta devant le chevalier.

"Allez-y, je vous suis."

L'armure laissa échapper une courte exclamation avant de répondre :

"J'ai la flemme de vous chercher le cimetière du coin et n'ai pas de temps à perdre à le chercher. Et si je vous fournis du matériel frais, ça vous ira ?"

Disant cela, sans même prendre la peine d'attendre que la liche ne réponde, HyiHyil avait déjà dégainé son épée à la lame noire et avait fait quelques pas en direction de la maison, visiblement habitée, sise de l'autre coté de la rue. Puis il s'arrêta et, se retournant demanda d'un air presque intéressé :

"Deux questions : cela conviendra-t'il ? Et : voulez-vous choisir les meilleurs morceaux ? Ce n'est pas que je me sente concerné mais il ne faudra pas vous plaindre sur l'état de ce que je vous rapporterais..."

Il refit volte-face et traversa la rue d'un air presque guilleret, il en aurait presque siffloté...

La liche agita sa main d'un geste lassé, regardant à peine dans la direction du chevalier.

"Peut m'importe la provenance tant que les os sont utilisables. La chair, s'il en reste, ça sera du bonus. Je vous attends, cette invocation va prendre un peu de temps à préparer."

Dans la poussière du sol, Shiro commença à tracer quelques glyphes qu'il relia dans une configuration étrange, et s'agenouilla. Un borborygme s'éleva de la gorge du mort-vivant pour soulever une vague d'énergie maléfique.
Les glyphes commencèrent à scintiller faiblement et une sorte de courant s'établit entre eux. Shiro se releva, l'air plutôt satisfait, et il tourna la tête vers la maison dans laquelle le chevalier s'était introduit.

"Bon, il ne reste plus qu'à attendre que ce tas de ferraille ne revienne..."

S'il en avait encore été capable, HyiHyil aurait affiché un sourire carnassier... Depuis son éveil du mauvais coté de la vie, il haïssait tout ce qui vivait et surtout, ce qui vivait en paix. Ce fut donc avec un rire inquiétant qu'il dégaina son épée noire et pénétra dans la paisible demeure dont il ouvrit la porte d'un coup de pied.

De la rue, on entendit le bruit de ses pas s'enfoncer dans l'obscurité tranquille précédant un silence pesant. Ce silence aussi lourd qu'inquiétant semblait durer depuis plus d'une heure lorsqu'il fut brutalement déchiré par un long cri d'agonie qui s'acheva dans un gargouillis. Ensuite, vint un tumulte indescriptible en provenance de la maisonnée si brusquement tirée d'un sommeil profond.

Des cris se firent entendre. Des cris d'hommes. Des cris de colère. Des hurlements de femmes. Des hurlements de peur. Mais du guerrier en armure, rien. Pas un son, pas un mot, pas un cri ne se faisaient entendre. Il tuait en silence. Il massacrait ces innocents sans prononcer un mot.

Un fracas. Un corps passant par une fenêtre brisée s'écrasa dans la rue. Le malheureux était mort avant même d'avoir touché la menuiserie. Il s'aplatit au sol dans un bruit écoeurant d'os brisés.

Encore quelques cris puis, peu à peu, le silence retomba. Quelques lueurs timides firent quelques apparitions aux fenêtres des maisons environnantes, parfois accompagnées du ovale blafard d'un visage tout aussi timide mais peu d'âmes courageuses ne se montrèrent réellement.

Peu après, par paires, les corps sans vie des victimes du Death Knight furent jetés par la fenêtre explosée. Hommes, femmes, enfants... De tous âges, la quinzaine de personne qui vivaient là, trois familles peut-être, étaient passé de vie à trépas pour fournir une monture à la liche. HyiHyil reparut enfin.

"Voilà ! Avez-vous suffisamment de... matières ? Je peux vous en trouver d'autres s'il faut..."

L'épée ensanglantée encore en main, le boucher en armure s'apprêtait à prendre la direction de la maison suivante, n'attendant qu'un mot de l'autre revenant.

"Si vous tenez tant que cela à poursuivre votre croisade sanglante, aucune force ne vous retiens. Cependant, sachez que malgré tout ceci me suffira."

Joignant le geste à la parole, il transporta les cadavres sur le lieu exact du rituel, et, brassant l'air de quelques gestes compliqués, entama la fin de son macabre sort.
Dans d'affreux bruits de succion, d'os brisés et de chair déchirée, un maelström de matière vivante se forma et s'anima, changeant la forme des corps et soudant les os.
A vrai dire, la liche aurait bien produit un effet pour rendre le moment plus dramatique et mystique mais une scène orageuse avec éclairs rageurs demande pas mal de ressources, sans compter que les éclairs, ça a la fâcheuse tendance à tomber n'importe où, y compris tomber sur le lanceur du sort.
Ca restait néanmoins assez impressionnant, mais pas tant que le résultat, il faut bien l'avouer. Suintant encore d'une substance visqueuse verte et étrange, une chimère osseuse émergeait de ce qui restait des cadavres, étirant ses ailes membraneuse sur une bonne envergure.

La créature faisait presque la taille d'un cheval au garrot, mais c'était la seule chose qu'elle partageait avec les équidés. Crâne pointu et dentition acérée, quatre membres squelettiques mus par des muscles montés à vif sur la structure en ossements - "J'ai ajouté quelques os acérés en forme de lame aux articulations des coudes et des épaules, ça donne un certain style" -, une queue interminable parcourue d'échardes osseuses, et un dos assez large pour y faire tenir une personne. Ici et là la chair recouvrait quelques parties, pour donner un effet encore plus macabre à l'ensemble. Se débarrassant des dernières gouttes de son "liquide amniotique", le golem regarda son maître en secouant doucement les ailes.

"-Il a une intelligence basique et il est incapable de parler, mais ça reste néanmoins plutôt solide dans le standard mort-vivant. Je crois que je vais le baptiser... Kan."

HyiHyil assistait sans un mot à la scène, épée au fourreau et bras croisés. Il regardait la naissance de la créature avec aussi peu de sentiments et d'intérêt que lors du massacre qu'il venait de perpétrer. En silence, le chevalier regardait la créature se relever avant de s'approcher lentement pour la juger d'un œil morne.

"Répugnante magie que voici mais je ne suis pas plus là pour juger le moyen que le résultat même si je le trouve appréciable. N'est-ce pas ?"

Le Déchu avait tourné son pâle regard sur la liche en inclinant la tête sur le coté. Le ton de sa voix pourrait presque faire penser que la question appelait une réponse... Presque... Car il enchaina rapidement :

"Mais qu'importe ! Mettons-nous en route, Seigneur Galderah'mokal, si vous le voulez bien..."

Joignant le geste à la parole, il se rendit auprès de sa propre monture en quelques pas et monta en selle dans un grand mouvement de sa cape en lambeaux. Sans même regarder ce que faisait son futur compagnon de vol, il agita les rênes et força le dragon bleuâtre à prendre son vol. Au sommet d'une ascension rapide, il prit directement le cap de la forteresse Nécrotique, laissant dans son sillage l'écho de son rire dément.