Reflets d'Outre-Lunes
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 Le grand manoir dans la prairie

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AuteurMessage
Azrael
Mangeur de Schtroumpf..
Mangeur de Schtroumpf..
Azrael


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Date d'inscription : 05/01/2008

Le grand manoir dans la prairie Empty
MessageSujet: Le grand manoir dans la prairie   Le grand manoir dans la prairie Icon_minitimeJeu 10 Juil 2008 - 18:27

Azrael, d'un geste fluide et élégant, fit tourner sa faux briseuse de cristal entre ses doigts avant de la glisser dans son dos. Puis, étendant ses bras et ses ailes, il s'élança dans le vide. Après avoir plané quelque secondes et s'être rapproché dangereusement du toit des maisons cossues, il remonta en chandelle vers les cieux, appréciant la morsure cruelle du vent froid du matin. L'ange s'arrêta une fraction de seconde au sommet de sa montée, profitant du court moment d'éternité où la gravité n'avait pas encore pouvoir sur lui tandis qu'il s'élevait dans la continuité de son ancien élan, toutes ailes déployées. Abandonnant à regret son ballet aérien, il se laissa redescendre tranquillement vers une altitude de vol plus raisonnable.

Au-dessous de lui, il pouvait observer les premiers des humains à sortir de chez eux s'affairer pour trimer dur la journée durant, ceci pour quelques piécettes dont ils auraient du mal à tirer substance. Une telle misère le répugnait, mais cette répugnance n'était rien à côté du véritable dégoût qu'il éprouvait en sachant que l'immense majorité de ces petites choses insignifiantes se satisfaisaient, plus ou moins, de leur sort pathétique. Il s'imaginait, Grief en main, trancher le fil ténu de ces vies ternes, mais n'en fit rien : il n'avait pas de temps à perdre à de tels enfantillages. Et il ressentait un certain énervement, à l'heure actuelle, à la vue de l'échec des petits soldats de la phalange.

Sans s'en apercevoir, il arriva aux limites de la ville de Tylen. Il ne lui restait que peu de voyage avant d'arriver à sa destination finale ; il repérait déjà le bois tranquille qui l'abritait. Aussi le noir personnage commença-t-il a perdre de l'altitude, rasant presque les cimes. De son regard d'aigle, il vit le chemin vieux mais toujours pavé qui s'enfonçait au coeur du petit bois, et le suivit pour arriver à l'endroit qu'il visait sans avoir à reprendre de l'altitude. C'est au bout d'une courte minute qu'il arriva en vue, d'un superbe manoir, entouré d'un parc bien assorti. Tout y avait été fait avec un net bon goût, et une certaine sérénité bien trompeuse se dégageait du lieu. Finalement, pour couper court à son bref vol, Azrael se posa tranquillement dans l'herbe, alors qu'une femme marchait nonchalamment vers lui.

« Dame Aguilen.
-Seigneur Azrael.
 »

Les deux protagonistes se regardaient droit dans les yeux, sans montrer la moindre émotion ni ciller. La femme céda la première et détourna un instant ses iris du regard troublant de l'ange avant de proposer :

« Allons dans un salon. Nous serons plus tranquilles pour discuter. »

Sans dire mot, Azrael emboîta le pas de la femme, marchant d'un pas tranquille et presque insolant dans les allées couvertes de gravillons. Tout était fleuri avec goût et resplendissait de couleurs : ici, des lys jaunes, oranges et roses bordaient le petit chemin, à côté de végétaux plus étranges comme une plante géante aux clochettes teintées de blanc et d'un bleu doux, ou des petits pieds discrets qui arboraient des fleurs aux couleurs chaudes formées d'une étrange façon. Mais le manoir ne détonnait pas à côté de cette splendide débauche de teintes variées, bien que plus classique. Son toit était recouvert de tuiles noires et sa façade était d'un blanc étincelant, comme si elle avait été construite la veille même. Le vitrage, très important, était peut-être un des signes les plus démonstratifs de richesse, teinté en diverses couleurs et étalé en larges terrasses. Azrael et Dame Aguilen avançaient toutefois dans ce paysage splendide sans paraître sans soucier aucunement.

Ils entrèrent alors dans le manoir en lui-même. Ses portes étaient ouvertes, leur permettant de s'y engouffrer sans avoir à faire le moindre effort. Leurs pas résonnaient sur le marbre dur du sol, et sans se soucier des divers domestiques qui s'affairaient ici et là, ils s'engagèrent sur de grands escaliers en bois rare, probablement de l'acajou. La maîtresse des lieux ne perdait pas son temps, avalant les marches avec une rapidité qui ne seyait guère à une dame de cette envergure. Elle n'avait sans doute cure de la convenance, portant d'ailleurs une tenue, qui sans être outrancière, était plutôt légère et bien adaptée au déplacement, ne s'encombrant pas des lourdes robes que lui imposaient le protocole. C'est à ce train infernal qu'ils arrivèrent tout en haut du manoir. Sans dire mot, Azrael suivait la noble, qui l'entraîna vers un rideau. Soulevant celui-ci, elle s'engouffra, l'ange à ses côtés, sur un petit balcon. Il donnait sur la cour privée, située derrière le manoir, encadré par deux ailes. Une jeune fille arrangeait l'endroit et son visage rosit quand elle s'aperçut qu'elle n'était pas toute seule.

« Dame... heu, dame Aguilen, je suis désolée, je ne pensais pas que... enfin, que...
-C'est cela, Alice. Va plutôt nous chercher du vin à la cave au lieu de bavarder. Et quelques encas pour satisfaire nos appétits matinaux...
 »

Rougissant encore plus, la jeune fille partit. Aleys Aguilen s'assit alors, et invita l'ange à en faire de même.

« Une charmante jeune fille, cette Alice, remarqua-t-elle. Elle est efficace et me voue un culte... toutefois, son penchant à rougir pour un rien me lasse quelque peu. Mais après tout, un peu d'innocence fait toujours du bien dans cette maison. »

Un silence s'abattit sur la table. Non pas un silence lourd et pesant, plutôt un mutisme par consentement mutuel. On attendait les boissons pour démarrer les hostilités – ou, tout du moins, la discussion -. Azrael en profitait pour observer sa compagne de table. Elle avait environ 40 ans, mais était toujours énergique et paraissait plus jeune qu'elle ne l'était. Ses yeux étaient d'un marron assez simple, mais son regard était perçant et vif, et brillait d'intelligence. La seule marque de l'âge visible sur ce visage était les quelques rides qui se hasardaient aux coins des yeux et sur le front, signes d'une vie agitée passée à froncer les sourcils sur un problème qui finissait toujours par être résolu par la ténacité et la sagacité incroyable de dame Aguilen, de son prénom Aleys.

Sa robe déclinait plusieurs teintes de vert foncé, et était d'une grande simplicité, d'un seul tenant, aux manches sans ourlets ni fioritures en dentelle. Malgré ceci, on voyait nettement que cet habit était celui d'une personne aisée et élégante : le tissu était fin et doux, et la teinture, parfaitement effectuée. Ce dénuement relatif se retrouvait sur toute sa personne : elle n'arborait pas de luxueux bijoux, grossiers et tape à l'oeil, misant plutôt, comme pour son habit, sur une richesse seulement visible du plus averti. La seule et unique bague qu'elle portait était à sa main gauche, un anneau parfait de platine si pur qu'il réverbérait parfaitement la lumière du soleil naissant. Autour de son cou était une petit chaîne dorée qui tenait une petite émeraude délicatement taillée.

Aleys était une obscure parente de la royauté ; dès sa prime jeunesse, elle était une petite fille d'une grande intelligence. Ses parents, toutefois, dans la tradition de la vieille noblesse décadente, la marièrent avec un rustre qui avait été enrichi puis ennobli, à l'âge de 16 ans. Elle en avait conçu une violente rancoeur contre ses géniteurs, qu'elle considérait comme des imbéciles ; d'autant que son mari était un authentique ivrogne, qui la battait régulièrement. Les conditions de sa mort étaient, officiellement, un tragique incident avec un couteau qu'il maniait. Dame Aguilen, seule maîtresse du domaine, qui avait pris soin d'évincer, violemment où avec quelques joyaux, les mères des divers bâtards de son mari, avait joué avec finesse le rôle de la jeune femme éplorée qui se retirait dans le domaine de son époux, tandis qu'en réalité, elle devenait une des personnalités les plus influentes du royaume...

La jeune Alice, essoufflée, entra timidement dans la pièce, portant un plateau qu'elle tenait impeccablement droit. Elle déposa son contenu sur la table : une bouteille de vin, deux verres, une petite corbeille de fruits, quelques couverts ainsi que quelques petites tranches de pain grillé recouvert d'une fine confiture. La jeune fille fit une révérence et partit de la pièce.

« Eh bien, Aleys, je ne pensais pas que tu étais aussi gourmande... cette confiture, ce ne doit pas être très bon pour ta silhouette, piqua-t-il tout en mangeant avec délice une des tartines.
-Merci de vous en inquiéter, Azrael... mais je pense qu'avant de ressembler à ces grotesques filles aux fesses et aux hanches gonflées comme de vulgaires saucisses, que semblent étrangement apprécier beaucoup de nobliaux, j'ai encore quelque marge. Auriez-vous des vues sur une vieille peau telle que moi, bel ange ?
 »

Souriant à la pique, l'ange de la mort prit délicatement en main la bouteille et versa un peu de liquide rosé dans son verre. Il reposa le contenant et prit son verre d'une façon jugée comme à la mode d'après ce qu'il savait de la jet-set des mortels, coincé élégamment entre deux doigts. Il le huma un instant avant de tremper ses lèvres et de savourer le parcours des quelques gouttes sur sa langue puis dans sa gorge. L'ange sembla rester concentré quelques instants pour en percevoir toutes les saveurs, avant de reposer le verre.

« Très bon. Vous n'avez pas perdu de votre goût en la matière, à ce que je vois...
-Feu mon mari m'a laissé une cave assez conséquente... à défaut de savoir gérer une fortune, je peux au moins lui reconnaître un certain talent dans ce domaine. 
»

Pendant quelques secondes, ils burent tout les deux une petite gorgée de liquide, et dame Aguilen prit la parole en premier.

« Je crois vous connaître assez bien, Azrael, pour dire que vous n'êtes pas venu ici pour me tenir une conversation gentillette sur les mérites des crus que je vous sers ni pour le simple plaisir de ma compagnie... Je suppose que vous êtes déjà au courant ?
-Je le suis. Je me suis déjà permis d'aller faire le ménage là-bas... Tout en semant, je l'espère, le trouble chez le prêtre, en lui évoquant le doux nom de Gabrielle, dont, vous vous en souvenez sans doute, je vous ai fait la présentation... S'il pouvait se rendre au planétérin, il me ferait gagner un peu de temps. Mais las... les choses s'accélèrent de tous côtés et il va nous falloir être rapidement opérationnels. Faites moi rapidement une présentation de l'état actuel de la phalange. J'espère ne pas être déçu, comme je l'ai été par votre échec...
 »

Sans se démonter d'aucune manière, elle embraya sur la question d'un ton très professionnel.

« La phalange du phénix est en meilleur état que jamais. Nous possédons des agents placés aussi bien dans l'administration qu'en temps que domestiques dans de grandes maisons ou encore comme tenanciers de tavernes déplorables où transitent assassins et chasseurs de prime. La populace de Tylen semble être énervée ces derniers temps... sans doute perçoivent-ils la tension qui plane entre les puissants. Il n'empêche que nous nourrissons le mécontentement, et bien que peu de gens osent encore s'engager nettement dans la phalange, nous possédons de fortes zones d'influence dans les quartiers pauvres de la ville. »

Elle s'interrompit nonchalamment pour prendre une pêche, l'éplucher, et mordre à pleine dents dans le fruit.

« Il est très bon, vous devriez essayer... Donc, l'influence de la phalange est en nette progression et nous possédons un contrôle certain sur la ville. Nos comptes se portent également mieux que jamais : je me débrouille, sans me vanter, assez correctement dans les affaires. Sur ces dix dernières années, l'argent que m'a laissé mon mari en mourant a presque quadruplé.
-Ne vous faites pas remarquer stupidement, Aleys. Je doute que l'implication d'une femme dans les affaires plaise à beaucoup, aussi bien de nobles que de marchands.
-Ne vous inquiétez pas, j'ai bien entendu pris toutes les précautions nécessaires. J'utilise des marchands ruinés, souvent sur un coup trop audacieux, qui effectuent ce que je leur demande. La seule chose dont j'ai besoin chez eux, c'est d'un certain talent pour la négociation, puisque je ne peux guère m'y impliquer directement. Passé ceci, ils m'envoient - par des moyens détournés – leurs bénéfices dont je leur offre un dixième. Bien sûr, certains inspecteurs trop zélés ont fait le lien. Je me suis contenté de faire la même chose : en les liant à une pierre suffisamment lourde pour les entraîner au fond d'une rivière, cette fois.
 »

L'ange sourit du trait ironique.

« Je suis heureux de votre excellente gestion, Aleys. Toutefois, comme je vous l'ai dit au début de notre rencontre, nous allons devoir rapidement agir.
-Je vous écoute.
-Premièrement, enserrez votre emprise sur la ville. Organisez des patrouilles dans les rues, créez un climat de peur, procédez à des arrestations, bref, je vous laisse le champ libre. Il faut que tout ce qui se passe dans cette cité puisse être contrôlé par la phalange. En effet, j'ai plusieurs personnes à retrouver...
-Le prêtre d'Illo et ses compagnons ?
-Ils font partie des cibles. Mais la prioritaire est le prince Färvien. N'ayez pas peur d'en attraper plusieurs.
-Plusieurs princes Färvien ? Me cacheriez-vous quelque chose ?
-C'est bien probable. Ne vous en souciez pas pour l'instant. Et dernière chose, installez un racisme. Dirigé contre les anges. Je suppose que vous en êtes capable ? Inventez un baratin à propos d'un lien avec Illo, par exemple.
-Décidément, j'en découvre tous les jours sur vous. Aimez-vous particulièrement vous faire lapider ?
-Je prends ça pour un oui. Si vous pouviez glisser un mot à propos de l'ange salvateur aux ailes noires, j'apprécierais.
 »

Aleys sourit et finit de manger sa pêche, sans se presser.

« Ce sera tout... pour le moment. Je vous prête Mannin et Hugin pour transmettre ces messages aux plus vite. »

Les deux corbeaux s'étaient perchés en silence sur le bord du balcon, surprenant Dame Aguilen. Elle se retourna vers l'ange, qui dit :

« Je n'ai pas plus de temps à perdre... Je vais m'en aller rapidement, mais je ne serai normalement pas loin de là. Je ne doute pas que vous accomplissiez mes demandes avec brio.»

Sans dire un mot de plus, Azrael s'approcha du bord du balcon... et s'élança, toutes ailes déployées, vers une direction connue, pour l'instant, de lui seul.
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