[RP privé] Dans la chambre d'un demi-ange étrange

Le chevalier noir était parti sans le prévenir. Une fois de plus. Il ignorait même à quel moment il avait quitté le château. Le fait était qu'il ne l'avait pas vu de la journée. V'lin ne s'était pourtant pas dispensé de son entraînement quotidien, et poussa avec lassitude la porte de sa chambre. Exceptionnellement, il avait emmené son arme avec lui, il la posa contre le battant. Le jeune homme s'assit sur son lit, des réflexions et des projets plein la tête. Le combat à la lance était astreignant, d'autant plus quand il fallait visualiser un adversaire qui n'existait pas. Mais le demi-ange avait l'habitude, et se représentait sans peine l'ennemi qu'il devait combattre. Un ennemi qui avait le même visage que lui...
Certes, le jeune guerrier était fatigué, mais pas assez pour que ses pensées ne s'arrêtent en si bon chemin. Son tuteur lui avait laissé des directives. Obscures, même pour lui, mais la description d'un lieu était une information suffisante. Grâce aux paroles de son maître, V'lin voyait avec précision les murs, jusqu'au grain des tapisseries, les meubles disposés à la va-vite dans la pièce, l'atmosphère... jusqu'à imaginer parfaitement la lumière déclinant à l'extérieur... Bien assez pour qu'il puisse s'y rendre, et au bon moment. Quelle autre raison aurait poussé HyiHyil à perdre son temps ? Le message était clair.

Avec milles précautions, le jeune homme délaça le haut de son armure, libérant sa poitrine, puis chaque pièce qui protégeait son corps. Il enleva ensuite la fine chemise qui était son seul rempart contre le froideur du métal. Elle présentait un trou dans son dos, permettant de laisser à l'air libre ses ailes d'ange. Il déplia la seule qui subsistait, étirant les muscles endoloris. L'exercice était intense, même pour ce membre qu'il mouvait de façon inconsciente, alors qu'il le jugeait inutile. Il fallait cela à chaque fois pour qu'il accepte de reconnaître que son équilibre serait bien différent s'il disparaissait. Il avait perdu une aile par nécessité, et son centre de gravité en avait été modifié, mais la divergence serait bien plus grande si celle-ci venait à disparaître. HyiHyil avait peut-être bien pensé à cela lorsqu'il l'avait amputé... Lui aurait souhaité qu'il élimine toute trace de son héritage angélique, mais le chevalier avait trouvé cela inconscient. V'lin commençait à assimiler pourquoi.
Ricanant de sa propre bêtise, le demi-ange passa aux choses sérieuses. Tous les jours sans exception, il devait soigner sa blessure, et même s'il se savait en retard, il n'y couperait pas. Il dénoua soigneusement le nœud sur son torse, et fit glisser la bande qui se déserra d'elle même pour tomber autour de lui en une spirale blanche et grise. Toujours les mêmes couleurs...

V'lin se leva. La meilleure chose à faire pour laver la plaie et son effort était avant toute chose de prendre un bain, ou au moins une bonne douche. Que mon oncle me pardonne si je le fait attendre... V'lin sourit. Il avait un immense respect pour son tuteur, mais s'il venait à manifester le moindre contentement face à son délai, il lui ferait comprendre qu'il n'aurait qu'à s'exprimer plus clairement, la prochaine fois... Non mais. Au final, il aimait bien le taquiner, même plus que ça. Il savait pertinemment que cela l'insupportait, et c'était pour cette raison même qu'il continuerait.
N'ayant pas pour autant l'intention de trainailler pour rien, V'lin se dirigea vers le fond de sa chambre, et s'arrêta devant la salle d'eau. Là, il retira le reste de ses vêtements, et les posa sur une petite table à proximité. C'était une manie qu'il avait prise, mais au moins les serviteurs savaient toujours où les trouver... Il alla chercher des habits propres et les accrocha juste à côté de la porte, afin de pouvoir les revêtir au sortir de la douche.
Cette dernière ne fut pas longue. Vl'in abrégeait toujours au minimum, à cause de cette éternelle crainte d'être dérangé pendant un moment de détente. De cette façon, il évitait ce genre de désagrément.
Il en sortit et s'essuya avec des serviettes qu'il trouvait toujours propres. Lorsqu'il aurait dépassé son stade actuel, son sens de l'hygiène changerait certainement. Mais pour l'heure, ce n'était pas parce qu'il vivait régulièrement en compagnie de créatures plus mortes que vivantes qu'il devait se négliger. Cela était de notoriété publique qu'il tenait à un certain confort de ce point de vue, et les esclaves se pliaient en quatre pour le satisfaire... ou ne pas subir ses foudres, tout dépendait du point de vue...

Propre et sec, V'lin enfila son pantalon, laissant son torse nu. Se dirigeant vers son lit, il vit que la bande qu'il avait retirée avait été remplacée par une neuve, encore enroulée. Ca avait du bon de respecter une certaine périodicité finalement. S'il y a avait bien une chose sur laquelle le demi-ange était régulier, c'était ses entraînements. HyiHyil lui avait appris à ses dépends qu'une mauvaise discipline dans ce domaine pouvait être fatale. Cela, il l'avait compris rapidement. Pour le reste...
Souriant devant son miroir, Vl'in commença à dérouler la bande, pour la passer autour de son corps. Il avait déjà fait quelques tours, quand... Mais qu'est-ce que c'est encore ?

- Qui est-ce ?

Quelqu'un avait frappé à sa porte, et il avait décidé que ce n'était pas le bon moment pour cela. En conséquent, il avait répondu sur un ton acerbe et sans réplique, qui était en réalité un conseil pour le gêneur : celui de partir sans même répondre. Mais une tête ronde se faufila timidement dans l'entrebâillement de la porte tout juste ouverte, le visage en grande partie caché par d'épais cheveux roux.

- Ah, c'est toi. Entre.

La colère de V'lin était retombée aussitôt lorsqu'il avait reconnu Miribel, une humaine rondouillarde, mais qui avait d'excellents talents de magicienne. Elle était d'âge mûr dans le référent des humains, même si V'lin l'avait vu grandir. Mais depuis qu'elle était en âge de se tenir debout, Miribel avait toujours insisté pour démêler les cheveux de l'ange, et c'était devenu une sorte de jeu entre eux. Elle prenait soin de lui dans la mesure de ses moyens et il l'acceptait pour cela. Alors elle persistait, même si elle n'avait jamais obtenu de retour. Vl'in s'amusait de cette situation, et faisait tout pour mettre la sorcière dans l'embarras. Il la traitait un peu comme une sœur, même si elle avait dans son cœur à peine dépassé le stade de la servante, tout en sachant pertinemment qu'elle n'était pas insensible à son charme. Il était sûr qu'elle était consciente qu'il jouait avec elle et ses sentiments, mais elle restait près de lui. Cœur d'artichaut au service du nécromant, il lui était déjà arrivé de se poser la question... Mais la réponse était évidente, elle avait tout comme lui choisi de rester ici, et ses pouvoirs étaient loin d'être indésirables. Un jour, il s'en lasserait, mais en attendant...

- Je t'ai apporté un baume. Ca n'aidera pas la cicatrisation, mais ça soulagera un peu ta douleur.

Sous l'injonction de V'lin, la sorcière s'avança d'un pas pesant vers lui, avec dans les mains un bol contenant une mixture odorante, mais que le jeune homme connaissait pour efficace. Miribel composait et préparait elle-même ses potions, et elle était une experte en sa matière. Cette dernière considéra d'un œil sceptique le dos du demi-ange.

- Tu allais bander ça sans rien y faire ? Je t'aiderai, si tu veux. Mais pour le moment, assieds-toi.

L'intonation était celle d'une mère qui savait devoir gronder son enfant sans oser le faire. Souriant de la simplicité de sa compagne, Vl'in plissa simplement les yeux avant de suivre docilement ses conseils. L'humaine s'agenouilla dans son dos, et prit dans ses mains un peu du baume qu'elle avait confectionné pour lui. Elle l'étala avec minutie sur la blessure, sachant que le beau visage de son protégé retenait une grimace à chaque contact. Elle prit malgré tout le temps de recouvrir toute la blessure, c'était sans doute le moment le plus désagréable à passer. Elle tira ensuite délicatement sur le bandage pour défaire ce que que Vl'in avait déjà enroulé. Frissonnant légèrement en touchant la peau du jeune homme, ce qui fit s'échapper un petit rire des lèvres closes de ce dernier, elle plaqua la première extrémité de la bande contre son torse, et commença son travail de bobinage autour du buste de V'lin. Cela risquait d'être un peu long, mais même si lui s'en fichait, elle débuta une conversation, sans ralentir la cadence qu'elle avait adopté.

- Je suis un peu inquiète...
- ...
- C'est la première fois que tu sors réellement du domaine. En plus, tu vas te rendre dans un endroit que tu n'as jamais vu... Ca va aller ?
- Le vieux ne le sait pas, mais ça m'est déjà arrivé de faire des escapades à l'extérieur sans lui.
- Tu ne l'appellerais pas comme ça s'il était là.
- ...
- Mais c'est quand même la première fois que...
- Ca ira.

Coupant court à la discussion, V'lin avait également amenuisé les inquiétudes de la sorcière. Il lui avait répondu plutôt sèchement, alors qu'elle lui parlait tout de douceur, mais n'avait pas envie de s'éterniser sur des hypothèses. C'était certain, il devait à tout prix éviter de se rematérialiser dans un mur, ou plus probablement, puisqu'il connaissait leur emplacement, dans quelqu'un. Mais cela ne servait à rien de s'en faire avant, il verrait bien le moment venu. Cependant, s'il savait avoir refroidi Miribel, son discours lui était malgré tout agréable. Alors ce fut lui qui relança.

- Il paraît que nous avons un nouveau prisonnier dans les geôles...
- Oui, et un invité de choix : l'Archange du Silence.

Vl'in resta un instant silencieux. Il méditait ce fait plutôt surprenant en soi, et restait dubitatif quant à ce que cela lui apportait.

- L'Archange du Silence... Il faudra que j'aille lui rende visite, à mon retour...

Il souriait d'avance à cette perspective. On verrait bien lequel serait le plus étonné...

- C'est fini.

Finalement, cela n'avait pas duré si longtemps. Miribel venait de nouer la seconde extrémité du bandage à son emplacement usuel, Vl'in ne s'en était même pas aperçu. Il semblait que la femme regrettait cependant que leur court entretien ne se termine, mais le demi-ange savait qu'elle avait les mains qui tremblaient : il était temps de lui donner congé. Il se leva et se tourna vers elle, une main tendue dans sa direction.

- Merci beaucoup Miribel.

Elle se releva acceptant l'aide qu'il lui proposait. Elle aurait dû s'y attendre, mais se laissa pourtant piéger : d'un coup de poignet, il l'avait entraînée vers lui, et déposé un baiser frivole sur ses lèvres. Immédiatement, elle s'écarta, et cacha de ses mains une couleur plus flamboyante encore que sa chevelure, sans voir le visage narquois de son compagnon.

- Je... Je crois que je vais m'en aller...

Miribel prit donc la porte toute seule et en vitesse, laissant V'lin avec sa solitude, amie toujours bienvenue. Prenant sa tunique entre ses mains, il garda encore un moment ce sourire, riant de la naïveté de la sorcière. Il la passa, prenant garde de ne pas défaire le bandage nouvellement formé. L'armure partielle fut attachée d'une main habile, les bottes rejoignirent ses pieds. Ne manquait plus que Cœur Noir, et il était prêt. Le guerrier s'en saisit, juste avant de disparaître. Simplement.

-> La sombre influence du nécromant (Tylen, Ruelles)

-> Atelier de forgeron (Tylen, Ruelles)

Pourquoi avait-il été appelé par son maître ? Pourquoi le paladin avait-il tant tenu à le voir à ses côtés lors de cet entretien somme toute banal ? Il le connaissait. Il le savait impulsif, manquant de discernement et de sagesse, imprévisible. C'était si facile pour lui de s'emporter ! Alors si ce forgeron était si important, pourquoi lui avait-il fait courir un tel danger ?
Il s'agissait peut-être d'un test pour l'apprenti, mais dans ce cas, le disciple ne rejoignait pas encore son maître... V'lin savait qu'il avait appris quelque chose lors de ce court tête à tête. Il ne pouvait pas vraiment déceler quoi, mais désormais, il se méfierait plus de ce qu'il voyait, et de ses propres réactions. La vie était un jeu, mais pas tout le temps. Plutôt que de graisser les rouages, il préférait utiliser l'huile pour la verser sur le feu... Cela pouvait parfois servir à son ennemi, amis il trouvait que c'était encore la meilleure façon de l'utiliser. Alors, même s'il le savait, il ne changerait pas de sitôt. Mais il comprendrait.
A moins que... Le paladin l'utilisait peut-être. Etait-il un argument de vente à cette occasion ? Un ange dans les rangs du nécromant : cela signifiait-il dans l'imaginaire populaire que ce dernier était assez puissant pour rallier n'importe qui à sa cause, pour tourner vers lui même les plus purs ? C'était une possibilité, et V'lin ne pouvait s'en offenser. Il était fier d'être là, et n'échangerait sa condition pour rien au monde. Il ne se voyait plus comme un ange, car il n'en était plus un, mais si son apparence détestable pouvait en convaincre certains... Enfin, pour cette fois, cette stratégie avait raté.
Ou alors... HyiHyil connaissait-il le point faible du noiraud ? Car le petit avait puisé sa force en lui, sans qu'il ne puisse rien y faire. Si c'était cela, V'lin avait trouvé l'explication à beaucoup de choses... Mais rien n'était moins probable que cette connaissance farfelue. L'avait-il testé avant ? Non. Cette rencontre entre le chevalier et le forgeron était la première, et son maître n'avait pas pu anticiper cela avant de lui transmettre son message. Quoiqu'avec lui, il était impossible de savoir...

Ses pensées avaient dérivé malgré lui, il s'en rendait compte à présent. Un tournant s'était fait dans ces réflexions qu'il ne savait désigner comme utiles ou superflues, et le roulement avait continué. Le transfert l'avait amené spontanément dans sa chambre, lieu qui lui assurait le plus de sécurité lorsqu'il revenait au Château. Personne n'y était venu puis son départ un peu plus tôt, il le sentait à la chaleur humide et réconfortante de la douche qu'il avait prise. Cela lui donnait l'envie d'y retourner, mais V'lin s'arrêta là. L'archange des silences était derrière la porte de l'un de leurs cachots, et le demi-ange ne doutait pas qu'il manque un peu de compagnie. Voir l'un des siens le réconforterait peut-être un peu, mais le chevalier se mit à rire. Au regard de ce qu'il était devenu, c'était peu probable.
Mais le temps n'était pas encore venu de rendre visite à son "cousin". La fatigue le surprit, lui tombant dessus comme une lourde couverture dont on ne peut se défaire. Pris entre les mailles du sommeil, le paladin ne voulut pas lutter. Il fallait profiter de le voir venir pour y sombrer, pour lui y résister signifiait souvent connaître une nuit blanche. Le demi-ange se rapprocha du lit, et s'assit, les paupières à demi-fermées. Il s'allongea doucement. Il ne s'y attendait pas, mais à peine son visage avait-il touché l'oreiller de plumes, qu'il s'endormit. La journée avait été plus accablante pour son corps qu'il ne l'avait cru...

Le lendemain arriva sans crier gare. V'lin ouvrit les yeux d'un coup, comme si un cri l'avait sorti de sa torpeur. Il se redressa sur sa couche, réalisant qu'il s'était assoupi très vite, et passé la nuit tout habillé. Il s'étonnait même d'avoir dormi si profondément avec son armure.
Le chevalier porta sa main gantée à son visage, le froid du métal l'aida à émerger un peu. Le peu de lumière qui lui parvenait dans cette demeure au murs noirs provenait de petit hublots. Malgré cela, elle était plutôt vive. Il se leva, et ouvrit la petite fenêtre. Il respira avec délices l'air frais du matin, lequel était déjà bien avancé. L'angélique savait déjà qu'il avait dormi plus que de raison. Le Soleil ne portait jamais directement sur le château, mais pour la luminosité suffisait amplement pour les rares pièces qui possédaient une ouverture sur l'extérieur.
Revenant vers son lit, V'lin pensa qu'il n'avait pas été très raisonnable. Ce n'était pas dans ses habitudes de se laisser aller ainsi, mais ce réveil tardif signifiait aussi une chose : HyiHyil n'était pas encore rentré au château. Alors, une fois n'était pas coutume, son disciple en profiterait un peu. Il ne se dispenserait de rien, mais prendrait son temps. Ses exercices pouvaient bien attendre quelques heures de plus, le forgeron n'avait toujours pas bougé, l'Oeil était toujours à son poste. Bien entendu, son maître serait averti de ce laxisme, mais peu lui importait. la discipline n'était pas son fort, mais cela faisait bien longtemps qu'il n'y avait pas fait un petit accroc. L'ange avait toujours en tête de rendre visite à son semblable, et il doutait que cette simple intention puisse nuire aux projets du chevalier. Du moins l'espérait-il...

Les plaques de son armure rejoignirent bientôt le duvet, ainsi que ses vêtements et son bandage. Une douche matinale lui ferait du bien, et il serait après coup à nouveau totalement lucide. Sous l'eau, le guerrier profita de son relâchement pour laver sa longue chevelure, laissée libre depuis la veille. A la sortie, il refit le bandage avec une aisance non dissimulée. Quoique puisse en dire Miribel, il était assez familier avec ce geste pour le faire les yeux fermés. Puis il se rhabilla, laissant cependant les pans métalliques de côté. Un peigne en corne vint de façon machinale démêler les quelques nœuds qui avaient pu se former dans sa coiffure lorsqu'il avait fait jouer ses doigts entre les mèches, mais l'ivoire les laissa disponibles dans l'air qui devait encore les sécher.

Traversant la chambre pour rejoindre l'entrée, V'lin croisa son reflet dans le miroir. Il ne l'utilisait que rarement pour se coiffer, alors cette vision lui sembla encore plus étrange. Ses longs cheveux de soie entouraient son visage et cachaient sa nuque, il n'y était pas habitué. Sa chevelure entièrement libre lui donnait un air... différent. Il n'aurait pas su dire s'il se préférait ainsi ou avec les cheveux attachés, mais pour une question de pratique, il savait qu'il les lierait à nouveau. Mais pour l'instant, ils étaient bien tels qu'ils lui apparaissaient, couvrant son dos jusqu'au bas des tassettes qui ornaient généralement ses hanches. Pas de chichis, il était coquet, mais pas au point d'en devenir une femme. Il se recoifferait plus tard, un ange attendait sa visite.

-> Seul et enchaîné

-> Seul et enchaîné

Un sourire victorieux pour lui seul, le guerrier réapparu devant son miroir. L'image réfléchie lui plaisait plutôt bien, à l'exception de l'absence du bandage, abandonné en même temps que ses habits dégoûtants. Les serviteurs du nécromant ne tarderaient pas à deviner où le fugitif s'était rendu, mais il prendrait tout de même son temps pour se préparer convenablement. Il se rendrait à l'entretien dans les temps qui lui seyaient, Velvorn le connaissait assez pour ne pas s'en offusquer. Il irait, le vieux druide le savait. La menace importait peu.

L'ange nu commençait à se retourner vers l'intérieur de la chambre, quand une mèche de cheveux négligemment soulevée par le courant d'air révéla une étincelle qui ne pouvait échapper au regard aiguisé. Sceptique, V'lin revint au devant de son reflet. Il souleva la mèche innocente pour regarder au dessous.
Le reptile bleuté s'était étrangement affirmé. Ni salamandre, ni lézard, les écailles et les pointes qui ornaient à présent le tatouage le définissaient à présent clairement comme... Un dragon ? Au moment où il se faisait mentalement cette réflexion nouvelle, un sifflement lui vrilla les oreilles. Ne se posant plus aucune question sur la transformation anormale de l'encre lestée sous sa peau, le jeune homme hurla. Les mains plaquées sur ses oreilles, il tituba, s'effondra sur son lit. Mais le bruit ne s'estompait pas.
Replié en position fœtale, V'lin comprit. Ce son insupportable était un cri. Un cri de souffrance, qui faisait écho au sien. Un cri qui venait de son propre esprit. Aussitôt, la douleur s'effaça, pour faire place à un grondement sourd, permanent. Lentement, avec une certaine hésitation, comme si ses gestes allaient faire revenir ce son strident, l'ange déplia un à un les membres de son corps, et finit assis sur le bord de son lit. Cette scène lui paraissait... familière.

~Flash Back à venir~

Les coudes posés sur les genoux visage entre les mains, le jeune chevalier se remettait lentement. Que s'était-il passé ? Quelle était cette chose qu'il avait ressentie, si brutalement ? La porte de sa chambrée s'ouvrit à la volée. Toujours désorienté, V'lin releva la tête, il en avait presque oublié son rendez-vous... Mais ce n'était pas une armée de morts-vivants qui venaient le chercher, juste une tête rousse qui entra, inquiétée par ce qu'elle avait entendu. Voyant la tenue simpliste à l'extrême de son idole, la sorcière referma la porte aussi précipitamment qu'elle l'avait ouverte.

- Pardon, je...

Le claquement du bois contre la pierre coupa les excuses de la timide, qui reprit un peu plus tard, l'écho diminué.

- Désolée, je... Je me suis inquiétée... Ce cri... C'est toi qui a... ?
- Entre.

Le demi-ange la coupa sans indemnités, mais d'une voix marquée par la lassitude. Hésitant au souvenir de la vision dénudée que même ses fantasmes n'osaient imaginer, mais poussée par la demande impérative de l'ange charmant et autoritaire, Miribel mit la main sur la clanche et la baissa, laissant son nez couvert de tâches de rousseur s'immiscer dans l'antre sacrée.

- Viens.

Les longs cheveux dénattés cachaient bien assez l'intimité de l'ange, la femme s'avança alors. La tête toujours baissée, il ne la regardait pas, et elle devina qu'elle avait eu raison. Il n'avait pas bougé. le connaissant, il aurait simplement pu être blasé, mais sans aucun doute, il s'était passé quelque chose.

- Que...
- Aide-moi.

Miribel ouvrit de grands yeux. L'avait-elle bien entendu ? Puis elle saisit l'allusion. Rien à voir avec le mal qui tiraillait son esprit, elle vit le sang qui suintait dans son dos, quittant la plaie éternelle. Elle ne saurait jamais... Il ne se confierait jamais à elle... Mais peu importait. la moindre des choses qu'elle pourrait faire pour lui... Elle courut et sortit de la chambre, pour revenir à peine quelques instants plus tard, essoufflée, des baumes des serviettes et des bandages dans les bras.

- Es-tu la seule à avoir entendu ?

La magicienne s'arrêta d'avancer une fraction de seconde.

- Je crois, oui... Je n'ai croisé personne.

Elle était maintenant assez proche de lui pour l'entendre soupirer. Du soulagement ? Peut-être. Mais il était toujours prostré, et c'était ce fait qui la concernait particulièrement.

- V'lin...

Devant sa détresse, elle osa toucher légèrement l'épaule de l'ange. Celui-ci se dégagea vivement, elle retira sa main, n'ayant même pas le temps de rougir. Au quart de tour, l'ange s'était tourné vers elle.

- Va-t-en !

Il l'avait empoignée, son regard vert soudainement enflammé. Devant cette réaction emplie de violence et de haine, elle fit demi-tour sans tarder, cédant ses produits qui tombèrent aux pieds de l'ange avec son attention et son amour. Le cœur battant, elle reprit son souffle derrière la porte close. C'était la première fois qu'elle le voyait ainsi. Elle n'aurait jamais de réponse, elle ne le savait que trop. Mais cette démence... Etait-ce sa véritable nature ? C'était effrayant... Et ce reflet bleu dans ses yeux, glaçant jusqu'aux os... Secouant la tête, Miribel s'éloigna pour reprendre ses tâches habituelles : ce n'était à coup sûr que le fruit de son imagination apeurée.

V'lin regardait avec peine les pommades étalées sur le sol. Il lui avait vraiment fait peur cette fois... Il était bon pour se débrouiller seul. Ce son était toujours présent, persistant. Un grondement sourd, un grincement désagréable, un murmure suppliant. Il se frappa la tempe, espérant diminuer la sensation, mais il sentait bien qu'il ne se débarrasserait pas aussi facilement de cet acouphène. Il allait devoir le supporter, au moins jusqu'à ce qu'il en trouve la cause...

Assez perdu de temps. Une brève douche froide lui remit quelque peu les idées en place. Ses sueurs passées, il enroula son torse dans l'étoffe, d'un geste soigné, mais malgré tout moins assuré qu'à l'accoutumée. Malgré les saignements relativement importants, il avait volontairement laissé les baumes de côté. Sa blessure ne le faisait pas souffrir. Pas autant. Son aile amputée était devenue en un court instant la dernière de ses préoccupations.
Les habits légers et frais recouvrirent bientôt sa peau, mais le Chevalier n'était pas d'humeur à revêtir son armure comme il en avait initialement l'intention. Le jeune homme termina sa toilette en démêlant de nouveau sa chevelure effilée, activité calme et délassante. Il prit le temps cette fois de tresser les quelques mèches qui lui cachaient le vue, et cela finit d'éclaircir son esprit.

Lorsque le jeune homme quitta la pièce, se dirigeant nonchalamment vers la salle du trône, il était redevenu lui-même. Retrouvés sa superbe et son sourire, son arrogance et son cynisme. Il était prêt à affronter le maître de son maître...

-> Une Sombre Prophétie

Une fois hors de vue de l'être qui l'avait indirectement recueilli, le céleste déchu s'appuya contre le mur humide du couloir. Chaque muscle lui criait sa désapprobation, il les soulagea rapidement d'un sort léger qui lui permettrait au moins d'atteindre sa chambre. Il avança de nouveau, avec un peu plus de facilité, pour d'arrêter devant une porte entrouverte. Il frappa doucement, appelant d'une voix peu assurée et faiblarde.

- Miribel ?

Il n'obtint aucune réponse, et ne l'attendit pas. Il reprit sa marche laborieuse, jusqu'à enfin passer le seuil de son domaine, et se laisser tomber lourdement sur son lit. Il regarda le miroir, qui lui renvoya une image bien peu flatteuse de lui-même. Il rit. Je n'ai plus qu'à me recoiffer ! Ses doigts endoloris entreprirent de défaire les tresses, lui cachant un autre reflet, qu'il ne pouvait reconnaître que dans l'écho sifflant de ses pensées. Finalement épuisé par cet effort qui lui paraissait surhumain, l'angélique s'endormit les cheveux à moitiés détachés flottant sur son visage.

Pas longtemps. Lorsqu'il revint à lui, V'lin vit un visage amical et inquiet au dessus de lui. Miribel avait déjà usé de magie pour apaiser ses blessures. Il frissonna. Elle avait aussi eu le temps de lui retirer la majorité de ses vêtements pour le soigner à grand renfort de bandages. Le demi-ange retint un soupir. Elle et ses baumes...
Le voyant enfin conscient, la sorcière interrompit son ouvrage. Elle le fixa d'un sourire bienveillant que le regard de V'lin évita habilement. Comprenant le message, la rouquine baissa les yeux et reprit. Elle l'aida à se relever, et dégagea doucement les cheveux défaits pour finaliser le dernier bandage. Son regard se perdit dans la chevelure argentée alors qu'elle nouait les étoffes au dessus de la blessure indélébile. Un mouvement ? Miribel sursauta, poussant un petit cri qui fit se retourner son patient. Elle finit à la hâte sa tâche avant de soulever en tremblant les cheveux de l'ange, révélant le dragon sombre sur la peau nue de son porteur. Elle soupira.

- Juste une illusion d'optique...

Intriguée tout de même, elle fixa le tatouage ancestral, alors que V'lin fronçait les sourcils devant son attitude. Intimidée, elle relâcha la chevelure légère sur l'image coupable, ne pouvant retenir ses doutes.

- Il ne me semblait pas aussi... agressif, avant...

V'lin comprenait qu'elle faisait référence aux pics qui changeait l'apparence du lézard en dragon, mais il souleva à son tour ses cheveux cendrés pour le regarder dans le miroir. La coloration bleutée à ses yeux rappela à lui le sifflement agaçant qu'il était le seul à entendre. Plus net, il s'était transformé... en ricanement. Le dragon avait indéniablement changé. Une fois encore. L'ange plissa les yeux pour être sûr de bien le distinguer, ce qui amplifia dans son esprit cette impression d'être épié.
La queue enroulée autour de son oreille était pointée en flèche jusqu'au coin de son œil, les pointes dressées sur sa queue, jusque sur son échine semblaient exprimer une colère non retenue. La gueule ouverte, avancée jusque sur sa clavicule semblait vouloir la gober.
V'lin s'étonna presque de ne pas trouver cela réellement surprenant... Le grondement dans sa tête s'était intensifier jusqu'à se révéler être une voix étrange... mais inaudible. Jusqu'au moment où il remarqua l'œil de la bête tatouée. Un œil ouvert, sur une tête placée de profil, qui semblait le dévisager. Un œil de saphir qui se ferma une fraction de seconde, comme pour un clin d'œil.

- Tu... tu as vu ça... ?

Stupéfait, le demi-ange avait laissé retomber ses cheveux, qu'il regardait pourtant, essayant de deviner le reptile au travers des filaments de lune. Miribel le regarda, aussi surpris que lui, mais pas pour la même raison.

- Vu... quoi ?

Le guerrier déboussolé révéla une nouvelle fois le dragon à la lumière, il était lové au creux de son cou comme avant cet épisode, la queue paisiblement enroulée autour de son oreille, les écailles saillantes reposées sur son dos, la tête penchées vers le bas, toujours de profil, son œil unique serein et clos. Avait-il rêvé ? Le son clarifié dans son esprit lui laissaient croire le contraire... Cette pierre ne faisait pas partie du tatouage... Ce regard était bien trop vivant... Il le reverrait certainement.

- Tu peux me laisser maintenant.

Le ton n'était pas froid, et c'est presque avec reconnaissance que la magicienne prit congé. L'apprenti chevalier lui adressa un regard qui pour elle valait tous les remerciements du monde, et elle disparut derrière le porte pudiquement refermée sur ses pas.

V'lin soupira, de nouveau seul sur son domaine. Peut-être comprendrait-il un jour cette énigme... Il valait sans doute mieux la laisser de côté jusqu'à ce qu'elle se révèle d'elle-même... Joignant l'action à sa pensée, il se rhabilla rapidement, toujours surpris de l'efficacité des soins de la sorcière. Jouer les espions au château de la princesse était sa nouvelle mission ? Soit. Il aurait besoin de tous les Yeux positionnés sur place. Mais avant cela...
Tout en affectant un soin particulier au démêlage de ses cheveux épars, V'lin contacta l'Oeil laissé au devant de l'atelier... Il se rappelait avoir vaguement perçu une visite, mais son attention avait été mise à mal par la torture du nécromant. Il était certain d'une chose, le forgeron n'était plus chez lui. La créature n'ayant reçu aucun ordre au moment opportun, il avait perdu sa cible... Le nouveau but de l'organe sur patte fut simple : le retrouver. Ce qui, dans la conscience simpliste de la bête fut traduite par le fait de parcourir toute la ville s'il le fallait, jusqu'à reconnaître le noiraud, et ne plus le lâcher d'une semelle.
Cela fait, le demi-ange se concentra sur les petits espions, visionnant les alentours du Château du Coeur, cherchant un moyen de s'y introduire... la seule issue semblait la porte. Il faudrait donc jouer de finesse. Quel serait le meilleur déguisement ? Il n'y en a aucun... Il devrait se contenter d'être lui-même, camouflant seulement sa nature que trop évidente par des artifices simples...

Le guerrier resta longtemps à méditer sur des plans plus ou moins crédibles pour échapper aux systèmes de sécurités élaborés pour éliminer toute mauvaise attention. Il les connaissait bien mal, et ce serait un problème... Mais une nouvelle information s'imposa à son esprit, alors qu'il s'était déjà vêtu d'un grand drapé blanc, qui lui servirait bientôt. L'Oeil avait retrouvé le forgeron plus vite qu'il ne le pensait. Celui-ci était entre deux toits, dessous lesquels la bête avait des difficultés à se camoufler, en une compagnie somme toute étrange... Ce fut sur l'étranger que l'attention de V'lin fut attirée. Sa curiosité aussi. Serait-ce lui, ce sosie dont avait parlé l'archange dans les geôles ? Sans attendre d'autre signal, l'insouciant s'éclipsa.

-> "Seul et enchainé"


Le Coeur Noir en main, V'lin revint dans sa chambre. Il avait dû retourner à la Tanière pur récupérer sa lance, mais peu importait. Si cela semblait lui faire faire des tours et des détours, ce n'était pas plus long pour lui, quelqu'était le chemin emprunté. Il appuya son arme à côté de la porte, pour aviser sa tenue. Le miroir était un ami, mais à cet instant, il le détesta. Ses expéditions impulsives lui avaient enlevé toute prestance, entre les froissements et l'agitation des ruelles de Tylen, la saleté de la prison de l'Archange des Silences et les excentricités du cabaret de son oncle... Il rabattit la capuche autrefois immaculée, pour observer son visage. Les cheveux qui le ornaient ne le réconfortèrent pas. Il n'avaient pas pris le peine de les attacher, et à présent sa chevelure faisait bien triste figure. Il haussa les épaules. Aucune importance. De toute façon, il allait devoir se changer entièrement...

Les vêtements souillés glissèrent sur le sol, et le céleste soupirant s'assit sur le lit, le visage entre les mains. Une fois de plus, plusieurs fois, même, il avait désobéi. Cela lui vaudrait encore sans doute des réprimandes. Tant pis. Il ne regrettait pas ce qu'il avait vu, ça avait valu le déplacement, malgré tout. Un Oeil continuerait de suivre la compagnie du forgeron, mais il s'en était complètement détaché à présent. Tant de choses s'étaient passées, là-bas. V'lin regrettait seulement de n'avoir pas plus de renseignements sur celui avec lequel on l'avait confondu... De lui, il ne connaissait que le nom... Evanescent. Le chevalier avait tendance à penser qu'être nommé ainsi était bien ridicule... Mais malgré tout, il l'avait vu, cet être, même si ce n'était que de loin. Et il devait avouer... cela lui seyait parfaitement. C'était un ange... Parent avec l'Archange prisonnier, membre de l'Ordre du Coeur, prêtre d'Ilo. Tout cela n'était que des déductions, des intuitions... Il ne pouvait en être certain, mais cela l'aiderait sans doute. Si je dois prendre sa place...
Le demi-ange pensif se leva. Etaient-ils si comparables ? Certes la luminosité de la geôle pouvait porter à confusion, mais Fayde l'avait quand même appelé par le nom d'un étranger, et avait cru à cette mascarade tant qu'il avait joué le jeu. Alors, même au grand jour, il y avait moyen de faire illusion... Il se mit à regarder dans son armoire, pour trouver une cape semblable à celle qu'il avait rejettée. Ce que V'ln avait pu observer était tout de même instructif. Il ne s'était pas tellement trompé quant à sa tenue vestimentaire. Pour passer inaperçu au sein d'une communauté réunie autour de la vanité et de la bonté, mieux valait être vêtu de clair. Et, en effet, cet... "Evanescent" portait une cape blanche, qui masquait son visage tout comme ses attributs angéliques. Il n'y avait aucune raison pour que lui-même ne puisse faire pareil. Ce sera peut-être même plus facile... Après tout, lui n'avait qu'une aile à cacher... V'lin trouva enfin ce qu'il cherchait.

La cape atterrit sur le lit, suivit de près des pièces d'armure sans lesquelles le chevalier se sentait nu. Cette mission serait assez aisée, finalement. Il n'aurait pas à faire autre chose que d'être lui-même, camouflé derrière cette cape. Si on le reconnaissait pour Evanescent, il se servirait de cette identité d'emprunt comme protection. C'était aussi simple que cela. Peu de choses différaient de son plan initial, un atout en plus dans la poche. A moins que ce ne soit une difficulté, il n'était pas très doué pour les jeux de rôle... Il haussa les épaules.

Le miroir fut plus flatteur pour son corps découvert, et le demi-ange se plut à s'y attarder un instant, démêlant entre ses doigts quelques noeuds corsés dans ses cheveux. Il se saisit bien vite du peigne salvateur, qui allégea considérablement cette tâche laborieuse. V'lin lissa sa chevelure argentée, qui filait entre ses doigts comme des rayons de lune. Il hésitait sur la coiffure à adopter... Les cheveux relâchés, simplement ? C'était pratique et facile, mais il venait d'en rencontrer l'inconvénient... mêle si c'était avec ça qu'il risquait le moins de se tromper...
Un éclat bleu interrompit ses futiles réflexions. Comme un arrêt sur image, V'lin observa l'œil de saphir qui le regardait intensément... Lorsqu'il cligna des yeux, le dragon sur son cou sommeillait de nouveau. Un rêve, une illusion ? Pas vraiment. Le demi-ange se demandait comment tout cela était possible, mais il s'y était déjà résigné : ce qu'il voyait, ce qu'il entendait n'était rien d'autre que la réalité. Et c'était cela qui l'irritait. Ne pas comprendre...
Alors, pour le première fois depuis que ce sifflement lui avait vrillé la tête, il écouta. Avec une attention sans borne. Dans le silence de son domaine, il l'entendait clairement. Ce qu'il qualifiait de grondement ou de bourdonnement était une voix. Faible, inaudible, mais pourtant... Portait-elle un message ? V'lin se concentra.

*Ah bah enfin !*

L'ange sursauta. Plus aucun doute. Il s'accrocha au bord du meuble, tremblant. Etrange expérience. Si ce n'était pas un rêve, c'était...

*Réel. Non, mon chou, tu ne rêves pas.*

Le regard du guerrier fut attiré par le miroir. Son reflet lui montrait l'oeil de saphir, vibrant, qui le jaugeait plus qu'il ne le dévisageait. Le céleste aurait juré... Non, ce n'était pas une impression. Le dragon sur son cou souriait. D'un sourire narquois que lui-même arborait souvent. Sauf que cette fois, c'était lui, le moqueur, l'insouciant, qui était la victime de cette arrogance... Il sentait des sueurs froides couler dans son dos...

*Maintenant, tu as compris.*

L'œil majestueux du dragon tatoué se referma lentement, alors que résonnaient dans l'esprit du demi-ange ses dernières paroles.

*Je serais là si tu as besoin de moi.*

Le silence se fit à nouveau, et V'lin le gouta avec délices et soulagement. Le silence... Le bourdonnement avait cessé. Le chevalier soupira. Que pouvait lui apporter un tatouage ? Il secoua la tête. Mieux valait arrêter de se poser des questions inutiles. Tout comme cette "conversation", la réponse viendrait. Il saurait. tôt ou tard.

Nouveau soupir. Finalement, il opta pour une tresse simple et ample, sans aucune fioriture. Ce "dragon" lui avait enlevé toute envie de se faire plaisir. Il n'était plus temps de trainailler. Il l'attacha avec un ruban blanc, ce fut sa seule fantaisie.

Revenant vers le lit, V'lin avait décidé de penser à autre chose, et donc de se concentrer sur sa mission. Il avait déjà du retard sur ses objectifs, et décevoir Velvorn ne serait pas de bon augure, même si en temps normal, ce dernier l'aurait déjà convoqué. Une fois de plus. La seule explication à cela était que le nécromant était occupé. Tant mieux. Il n'allait pas s'en plaindre...
Des habits simples, toujours dans les même tons de gris et de blanc couvrirent son corps, avant d'être eux-même recouverts par le métal météorique de son armure incomplète. Il attacha chaque partie avec soin. Ce faisant, il remarqua une gêne dans son dos lorsqu'il bougeait. Sa blessure. Il aurait peut-être du y jeter un œil, avant... Ce n'est pas si grave. Tant qu'elle ne le faisait pas souffrir...
La partie la plus difficile dans sa préparation fut le camouflage de son aile. En effet, il ne pouvait la plier assez pour la masquer derrière une simple cape. La solution à cela était de l'attacher. Seul, cela pouvait paraître terriblement ardu, mais V'lin retrouva d'anciens réflexes... Il n'aurait que les crampes à craindre, mais torturer son aile pour le bien de sa mission n'était pas un grand prix à payer... La cape ample vint recouvrir le tout, et c'est avec satisfaction qu'il ramena la capuche sur son visage.
Le Coeur Noir trouva finalement sa main, mais V'lin doutait n'éveiller aucun soupçon en étant en possession d'une telle arme. Le chevalier l'embobina de rubans qui cacheraient efficacement sa véritable nature, et avec les mêmes, l'attacha dans son dos, en son aile mutilée et celle qu'il torturait. Il était prêt.

Les Yeux sur place le renseignèrent assez amplement, le demi-ange repéra sans peine un endroit discret pour faire son apparition. Dans la forêt, non loin du château de la petite princesse. Il n'aurait pas à faire beaucoup d'efforts pour y parvenir, mais les gardes au moins n'auraient pas la surprise de le voir éclore sous leur yeux... La chambre s'effaça du regard du céleste...


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